Éducation nouvelle et dérive scolaire

Tribune libre d’Augustin Debacker

« Quels que soient ses opinions, son parti ou sa formation, un ministre est automatiquement plus compétent que son prédécesseur. Ce qui explique que chaque ministre fait une réforme destinée à annuler toutes les dispositions de celle de son prédécesseur. »

Cette citation de Jacques Mailhot, si elle peut admirablement s’appliquer à tous les ministères de la république française, trouve sans doute dans celui de l’Éducation nationale son plus bel exemple. Il n’est pas un ministre fraîchement nommé qui, s’alarmant légitimement de l’ineptique système éducatif français, ne s’est pas élancé pour réformer, remodeler, dégraisser, déconstruire et rebâtir le « Mammouth National », pour reprendre l’expression de Claude Allègre.

Une nouvelle fois, une étude internationale vient tirer la sonnette d’alarme et alerter l’opinion publique française sur le pitoyable état du système instructif français. PIRLS, aimable acronyme pour Programme International pour la Recherche en Lecture Scolaire, a donc repris les pessimistes conclusions du dernier rapport PISA de l’OCDE, en soulignant la dramatique régression du niveau scolaire français : aujourd’hui, près de 20% des élèves n’ont pas, à l’entrée du collège, une maîtrise suffisante du français pour y réussir leur scolarité.

Comme à chaque rapport depuis le premier cri d’alarme des années 1980, les événements se suivent et se ressemblent : les prédécesseurs du philosophe Peillon en prennent pour leur grade, tandis que ce dernier, porté aux nues par une classe médiatique conquise d’avance, multipliera esbroufes et réformes à-tout-va, en commençant par le sempiternel rythme scolaire…. Ce qui ne changera assurément rien au dramatique constat d’inculture grandissante.

Car le fond du problème éducatif français ne réside pas dans son rythme, mais bien dans ce virage amorcé dans les années 1960 par la pensée des pédagogies de l’Éducation nouvelle qui, d’inspiration rousseauiste (notamment Émile de 1762), allait profondément changer les théories de l’Éducation. Passant d’un modèle transmissif à un constructivisme social, ce changement complet de paradigme éducatif décide également d’abandonner tout modèle éducatif coercitif, l’enseignant ne devant plus avoir de « pouvoir » sur les enfants. Si les précédents principes pédagogiques, s’inspirant d’un jacobinisme strict et extrême (cf. le Code Soleil), devaient être réformés et réactualisés, l’intrinsèque nihilisme de l’Éducation nouvelle des années 1960 allait, à l’évidence, aboutir à l’actuelle dérive scolaire.

Pour endiguer l’actuelle gabegie éducative, l’Éducation nationale a aujourd’hui besoin d’un véritable « recadrage », d’un nouveau virage vers un modèle éducatif plus coercitif. Joint à une réelle décentralisation pour sortir de la main mise quasi-idéologique de l’État, ce changement de paradigme s’avèrera assurément salutaire à notre système éducatif. Mais un gouvernement de gauche aura-t-il le courage d’amorcer cet indispensable virage ? Le doute est permis…

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16 Comments

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  • jean-luc , 16 décembre 2012 @ 9 h 35 min

    Les Peillonades sont les dérives fatales d’une dérive commencée, hélas, il y a près de 40 ans (avant même les lamentables Savary ou pire, Lang -même si son passage fut bref- de Mitterrand) et à laquelle chaque ministre (y compris les ministres dits de droite, qui n’ont fait, quand ils en ont faits et n’ont pas aggrévé la situation, que des correctifs de détail) a apporté sa contribution. Mais, incontestablement, Peillon les dépasse tous en bêtise, démagogie et efficacité destructrice.

  • miette , 16 décembre 2012 @ 9 h 45 min

    Il suffirait d’un concours d’entrée, ou une admission sur livret scolaire, comme pour les IUT ou BTS, ou prépas

  • miette , 16 décembre 2012 @ 9 h 49 min

    Remettre l’uniforme, différent pour chaque école, en espérant une fierté d’appartenance à ce lycée…
    Remettre le mérite et la fierté de la réussite à l’honneur.
    La satisfaction de réussir, cela existe dans la vie ! pourquoi vouloir la nier et rabaisser ceux qui réussissent, au niveau des autres, sous prétexte de leur donner des complexes….
    Cela devient dramatique !

  • JSG , 16 décembre 2012 @ 10 h 08 min

    Ce n’est pas la coquille qui importe, mais son contenu, les idées.
    Ce genre de remarque est typique quelques enseignants et de leur déformation professionnelle.
    Au sujet des coquilles et autres fautes, il n’y a qu’à se rendre compte de la manière dont est corrigé un devoir autre que le français dans le secondaire :
    Les fautes de français et d’orthographe ne sont pas prises en compte.
    Alors comment voulez-vous que les enfants prennent au sérieux la langue ?
    Il faut dire que dans un pays multi-culturel, multi-racial, multi-religieux, multi-tout ce qu’on veut, le français est foulé du pied.
    Bref, pour en revenir au sujet, chaque dirigeant veut imprimer sa marque, c’est humain ! Ce serait au legislateur (si lui aussi avait des idées) de proposer une loi qui restreindrait ces dérives.
    On peut-être en fonction avec modestie en écoutant et prenant en compte les idées de ceux qui en ont !.

  • Gérard (l'autre) , 16 décembre 2012 @ 12 h 37 min

    D’abord … virer tous les grands penseurs de l’Education Nationale !
    Ensuite confier provisoirement l’Instruction à … la Légion … pendant que des Profs sont formés à une pédagogie POUR les enfants et non pas CONTRE les enfants !
    Et enfin … on y verra plus clair !

  • Augustin Debacker , 16 décembre 2012 @ 15 h 35 min

    Le problème de l’inflation normative, dont les récurrentes réformes de l’EN ne sont que des exemples, est toujours cruellement d’actualité et il ne me semble pas constitutionnel (n’étant pas juriste, je peux me tromper) de voter une loi limitant le nombre de réformes possibles.

    Mais, à mon sens, c’est plutôt l’idéologie qui motivent ces mêmes réformes qu’il faut revoir… Tant que celles-ci seront issu du même moule idéologique, il n’y aurait guère d’embellies pour les futures générations françaises.

  • Augustin Debacker , 16 décembre 2012 @ 15 h 51 min

    Même si je ne partage pas toutes les idées de Vincent Benard, ce phénomène de “culture de punition de succès”,appliqué à la pensée économique, a été traité dans cet article : http://www.abcbourse.com/analyses/chronique-l_etat_n_a_de_cesse_de_punir_le_succes-g9869.aspx

    Appliqué au domaine éducatif, cette culture de la punition du succès mène inéluctablement à un nivellement éducatif par le bas, comme vous l’avez dit….

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