Repentances épiscopales : rien de trop ?

évêques

Rien de trop :  les habitués  des formalités  administratives – ou notariales, savent  qu’on peut  toujours vous reprocher une signature  manquante   mais jamais une signature en trop, pour saugrenue  qu’elle soit.

Les hommes politiques savent de même qu’on pourra   toujours  leur faire grief d’avoir omis dans un discours de remercier tel ou tel mais jamais  d’avoir  trop remercié  , même s’il  n’y avait pas lieu de le faire.

Il semble que les évêques de France aient aujourd’hui la même conception de la repentance : il  n’y aurait   aucun risque à faire repentance  une fois de plus  sur quelque sujet que ce soit.  N’est ce pas  un louable signe d’humilité ?

Réunis à Lourdes le 7 novembre dernier, ils ont ainsi  cru   bon, alors que personne   ne le leur demandait,  de remettre à l’ordre du jour la question dite de la “pédophilie” (1) au sein du clergé pour  se repentir collectivement de l’avoir trop longtemps tolérée, au mépris des victimes  :

« Nous n’avons pas assez écouté les victimes comme elles l’attendaient et ne les avons pas toujours accompagnées avec la compassion nécessaire », a ainsi confessé le cardinal André Vingt-Trois,  Au nom de la centaine d’évêques présents, il a imploré le pardon de Dieu pour leur « manque de courage et de discernement pour affronter le fléau des abus sexuels dans l’Église ».

 Mgr Luc Crepy, qui préside la Commission permanente de lutte contre la pédophilie (CPLP) en a rajouté : « Nous avons pu en être complices, nous évêques, par notre silence, notre passivité ou notre difficulté à entendre et à comprendre la souffrance » des victimes. L’ évêque du Puy-en-Velay met  en cause un souci excessif  de « sauvegarder  l’image de respectabilité de l’Église», « la peur du scandale » qui auraient entrainé  un « trop long silence coupable de l’Église » et pense  que l’épiscopat a « failli » à sa mission « en n’étant pas meilleur  que le reste de la société ».

Point trop n’en faut

Tout cela était-il  bien  nécessaire ? Nous ne le pensons pas.

Gageons que le grand public, peu averti, éloigné de l’Eglise et peu attentif à ce qui s’y  passe, lisant en diagonale  les grands titres, a cru  que les évêques se repentaient d’actes pédophiles ! Une nouvelle fois et sans nécessité, l’idée de clergé aura été associée à celle de pédophilie, alors même que parmi les professions au contact des jeunes, le clergé catholique est la moins touchée qui soit. Mais qui le sait ?

Cette équivoque va particulièrement  affecter les jeunes, encore plus éloignés de  l’Eglise et plus ignorants d’elle que leurs aînés  et qui , les enquêtes le prouvent , en ont  une mauvaise image.

Certes nous savons, nous, que les membres de la conférence ne  se sont pas confessés d’actes pédophiles mais de passivité pour les prévenir ou les sanctionner, d’insuffisante compassion envers les victimes. Mais qui est responsable de cela ? Tous ? Ou bien quelques uns seulement ? C’est  à notre sens une dévaluation de l’authentique repentir, nécessairement individuel,  que de le diluer en  repentance collective, ce qui n’a d’ailleurs  pas de  précédent dans la tradition de l’Eglise.

Et personne  n’a fait remarquer que les seuls évêques mis en cause par les médias ou en justice  pour ces supposées complaisances étaient , comme par hasard,  les plus engagés avec La Manif pour tous.

On n’attend pas des  évêques qu’ils   battent leur coulpe  à tort et à travers, mais qu’ils se comportent  en authentiques pasteurs. Pasteur  dans la Bible , cela veut dire  chef. Imagine-ton un chef de guerre qui passerait  son temps à se repentir devant ses troupes ?  Le chef doit entraîner, inspirer confiance, être respecté, préserver sa dignité,  si importante pour le peuple. Dès lors qu’il  est un personnage public,   sa bonne réputation,   à condition qu’elle ne recouvre aucune hypocrisie, a plus d’importance que sa bonne conscience.  “Le pasteur connait ses brebis” : il doit donc faire attention à la manière dont elles vont percevoir  ses déclarations. Il doit aussi agir de telle manière qu’elles soient fières  de lui.

L’Evangile du  jour  semblait tendre la perche à ces exercices de repentance  “ Si quelqu’un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer (Mathieu 18, 6) . Mais  cette citation qui nous semble  en effet pouvoir être appliquée à la pédophilie ( pour laquelle Jésus Christ demande  rien moins que la peine de mort !), peut être  retournée : scandaliser les petits , c’est  aussi leur laisser croire  par des déclarations inopportunes  que l’Eglise n’est rien  d’autre qu’un nid de perversions et les éloigner ainsi des immenses bienfaits qu’elle pourrait   leur apporter.

La mode de la repentance  n’a pas de limites : l’évêque de Pamiers ne voulait-il pas que l’Eglise se repente  de ce qu’elle aurait fait subir aux cathares ? Quelle prétention  de juger ainsi ses  prédécesseurs, hors de tout contexte, à  800 ans de distance !  Quelle ignorance de s’imaginer que les cathares , c’était le peuple de l’Ariège alors qu’ils se recrutaient dans l’ élite urbaine et que généralement le peuple les détestait (2).

Cette mode de la repentance s’est même répandue  en Afrique .  Les évêques du Rwanda ont récemment cru bon  de se repentir du  génocide de 1994 . Repentance doublement absurde :  en  1994, les évêques  catholiques  n’avaient  nullement participé aux massacres  et, de toutes façons, ceux  qui étaient alors en place ont tous été révoqués. Le gouvernement rwandais actuel, qui porte , lui, une lourde responsabilité , directe ou indirecte, dans les  massacres de ces années là,  a refusé avec mépris  les excuses des évêques :  c’est bien fait pour eux,  serait-on  tenté de dire !

La racine du mal : l’esprit de corps

D’autant qu’à  y regarder  de près, au  moins en France,  il s’en faut de beaucoup que la racine du  mal soit  coupée. La racine non de  la pédophilie ( aucun évêque français n’en a , Dieu merci, été soupçonné), mais de la passivité plus ou moins complice . La cause de cette passivité , c’est, disons-le,  l’esprit de corps  au sein du clergé en général  ou au sein des évêques. Or quelle plus belle illustration de la permanence voire du renforcement de cet esprit de corps que la réunion toujours unanime   de  la Conférence des évêques de France   ?  Les signes en sont nombreux :  dévaluation   au nom de  la “collégialité”, de la “synodalité” et  de la préférence pour le   collectif  de la parole personnelle  du pasteur successeur des apôtres au bénéfice de déclarations  communes  à l’eau tiède, préparées dans l’obscurité des bureaux,  camouflage soigneux des   divergences , de ces divergences  qui montrent qu’un organisme est vivant  : on peut  se demander ce que la conférence des évêques aurait autorisé à dire  un saint  Augustin,  un Bossuet , un Mgr von Galen .  Il semblerait  aujourd’hui qu’au sein du clergé,   la forme supérieure  de la charité, ce soit l’esprit de corps, celui-là même qui a amené certains évêques à couvrir  des  actes condamnables. C’est la tendance de toute institution de faire prévaloir sa discipline interne sur toute  autre considération. Mais la pesanteur sociologique et la grâce sont deux choses différentes:   l’esprit de corps  ne saurait  être  un absolu.  S’est on repenti aussi de cela ? C’est douteux.  Toute pénitence doit être suivie de bonnes résolutions: en sus  de dénoncer des complaisances, généralement vieilles de vingt ou trente ans,  les évêques auraient  pu aussi   remettre l’esprit de corps  à la juste  place, toute relative, qu’il doit occuper.

Roland Hureaux

1. Nous mettons des guillemets à cette expression malheureuse  qui  discrédite le beau sentiment de la philia . Pédérastie,  qui se réfère à l’eros  serait plus juste.
2. Et nous ne parlons pas du caractère profondément négatif de  la doctrine des cathares .

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4 Comments

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  • hermeneias , 17 janvier 2017 @ 9 h 35 min

    Ces repentances à n’en plus finir sur la poitrine d’autres qu’eux mêmes , sentent la tartuferie morbide et la lâche reddition face aux menaces du pouvoir politico-médiatique .
    Les mauvais pasteurs , abdiquant leur charge et vocation PERSONNELLE , jettent en pature au Moloch , à la bête , les quelques prêtres fidèles qui restent et résistent après qu’ils aient , eux même , entrepris de vider les séminaires pour mieux controler le profil des candidats

  • champar , 17 janvier 2017 @ 11 h 33 min

    J’attends toujours (depuis plus de 30 ans) la vraie repentance de l’épiscopat à propos du CCFD qui avait livré des armes aux indépendantistes en Nouvelles Calédonie avec l’argent des quêtes du carême !
    Pour mémoire le CCFD avait attaqué le Figaro-Magazine en Justice pour cette révélation qui a été reconnue parfaitement exacte par les tribunaux français, ceux-ci ayant statué sur le fond de cette affaire et non sur la forme. Un tout petit entrefilet était paru dans “Le Pélerin” et dans “La Croix” à l’époque pour relater la perte du procès comme s’il s’agissait d’une affaire anodine.
    Il est vrai qu’il est très facile de faire repentance des péchés des autres.

  • hermeneias , 17 janvier 2017 @ 12 h 24 min

    Et très lâche et traitre de faire repentance pour les supposés pêchés des autres et d’obéir du même coup aux injonctions des puissants du moment pour obtenir une fausse “paix” provisoire et quelques petits avantages….. .
    “Dieu reconnaitra les siens”

  • borphi , 17 janvier 2017 @ 18 h 14 min

    « manque de courage et de discernement pour affronter le fléau des abus sexuels dans l’Église».
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    Je voudrais rendre hommage à l’action de notre Pape Benoît XVI qui à fait un travail énorme pour que ce problème de la pédophilie ait toute l’attention juridique légitime.
    Un travail énorme pour lequel il a été vilipendé dans les médias qui n’ont pas su voir les qualités de ce pape.

    L’ évêque du Puy-en-Velay pense que l’épiscopat a « failli » à sa mission « en n’étant pas meilleur que le reste de la société ».
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    Eh bien si l’épiscopat a fait bien mieux que tout le reste de la société .
    Preuve en est de la négligence de la gestion des casiers judiciaires:
    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2017/01/27-enseignants-p%C3%A9dophiles-suspendus-en-2015.html

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