Le 24 mars, ne cédons pas : Les Champs-Élysées appartiennent à ceux qui y descendent !

Tribune libre de Frédéric Pichon*

Dans un communiqué  du 14 mars la préfecture de police de Paris indique avoir « écrit aux organisateurs de cette manifestation pour les informer de l’impossibilité, pour des raisons impérieuses d’ordre public, de se rassembler sur ce secteur. En effet, la proximité géographique de plusieurs institutions sensibles exclut la tenue de toute manifestation revendicative sur la place de l’Étoile, les Champs-Élysées et la place de la Concorde ».

On se souviendra cependant que l’un des derniers meetings de campagne de Nicolas Sarkozy s’était déroulé place de la Concorde. La préfecture n’y avait trouvé rien à redire. Elle ne s’était pas plus manifestée à l’occasion de la coupe du monde de football de 1998 ni même lors des rassemblements spontanés plus récents place de l’Étoile à l’occasion des matches de l’Algérie pendant la coupe du monde.

La distinction entre le caractère « revendicatif » de la Manif pour Tous et celui de « festif » pour les rassemblements de la Coupe du monde est un pur sophisme et on peut légitimement se demander si ces rassemblements dits festifs souvent agrémentés de consommation d’alcool (on pense à la Fête de la musique) ne sont pas plus à risque qu’une manifestation de familles disciplinées.

On s’étonnera également de l’une des motivations suivantes :

« Par ailleurs, l’ouverture des commerces sur l’avenue des Champs-Élysées, la forte fréquentation de cette avenue le dimanche, notamment par des touristes, et la configuration des rues adjacentes rendent inenvisageables l’encadrement et la sécurisation d’un tel rassemblement sur le secteur ».

Autrement dit, sous un gouvernement paraît-il de gauche, les lois du commerce (détenu par le Qatar !) semblent l’emporter sur les libertés fondamentales comme la liberté de manifestation. On rappellera cependant et pour être tout à fait honnête que si Nicolas Sarkozy n’avait pas fait voté la loi Maillé de 2009 sur le travail dominical, ce prétexte n’aurait pu être avancé, la manif ayant lieu un dimanche. Il n’est pas certain en tout cas qu’un tel motif perdurerait devant un juge administratif.

Après une sous-estimation manifeste du nombre de manifestants le 13 janvier (pouvant légitiment constituer un « faux »), après le refus du CESE d’examiner 700 000 pétitions, l’interdiction d’une manifestation devant l’Assemblée par les opposants au mariage homosexuel alors que, dans le même temps, l’autorisation avait été accordée à des associations favorables à la loi Taubira, les citoyens de bonne volonté vont finir par croire que notre gouvernement a des problème avec la liberté d’expression dès lors que le peuple ne partage pas ses présupposés tordus et totalitaires.

On ne pourra pas manquer de rappeler les lois d’amnistie concernant des « casseurs » à l’occasion de manifestations ni l’absence de poursuites judiciaires à ce jour contre les Femen, auteurs d’agressions contre Notre-Dame ainsi que contre la manifestation pacifique de Civitas.

Tout cela commence à faire beaucoup.

C’est la raison pour laquelle il est impératif de ne pas céder devant les tentatives d’intimidation du pouvoir ainsi que devant sa police politique qui sont des entraves aux libertés constitutionnelles.

Il convient de rappeler à cet égard que le rassemblement est soumis, non pas au régime de l’autorisation préalable mais à celui de la déclaration. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir l’autorisation de la préfecture. Il suffit simplement de faire une déclaration en préfecture selon certaines formalités requises. Si l’État et ses représentants peuvent encadrer voire restreindre ce droit, cette restriction ne peut s’exercer que sous un contrôle strict du juge administratif.

Les raisons liées au risque de trouble à l’ordre public ne suffisent pas. Non seulement celui-ci doit être démontré mais il faut également que l’autorité administrative démontre qu’elle ne dispose pas de suffisamment d’effectifs pour assurer cette liberté fondamentale.

Par l’arrêt Benjamin, le Conseil d’État donne toute sa portée à la liberté de réunion et de manifestation, consacrée par les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907 en exerçant un contrôle rigoureux des atteintes qui peuvent légalement lui être portées par des mesures de police, notamment pour le maintien de l’ordre public.

Comme l’indiquait le commissaire du gouvernement, suivant une formule souvent reprise : “la liberté est la règle, la restriction de police l’exception.”

En l’espèce, le communiqué de la préfecture et une éventuelle décision d’interdiction qui, à ce jour, n’a toujours pas été notifiée, pourraient être attaqués devant le juge administratif dans le cadre d’une procédure dite de référé liberté et ce dans un délai de 48 h après la saisine.

“En 2010, la préfecture avait fini par céder face aux organisateurs du rassemblement contre l’islamisation.”

Il reste cependant un paramètre qui n’est pas uniquement juridique : celui du courage du juge.

Cela peut sembler surprenant pour un profane mais cela l’est moins pour un praticien du droit. Tout dépendra, le jour de l’audience, de la sensibilité idéologique du juge et de sa capacité à rendre une décision en conscience. L’auteur de cet article a pu constater des revirements pour le moins surprenant de certains magistrats dont, pour des raisons évidentes, nous tairons le nom. Les pressions politiques existent surtout dans un domaine aussi sensible.

En résumé, il ne faut se faire aucune illusion sur l’indépendance des juges qui, en pareil cas et sauf exception, n’hésiteront pas à tordre le cou aux principes qu’ils sont censés défendre.

Une fois rappelées les règles du droit, il conviendra de s’interroger sur les modalités pratiques dans le cas qui nous intéresse : Que faire ?

Il convient en premier lieu d’être intimement convaincu de la légitimité de la démarche sur le fond : le bien fondé d’un rassemblement pour s’opposer à un projet de loi qui remet en cause la structure même de notre civilisation et qui porte atteinte aux droits des plus faibles que sont les enfants ; et parallèlement du caractère arbitraire et illégitime d’une telle velléité d’interdiction.

C’est là qu’interviennent les considérations d’ordre prudentiel et pratique.

Il me semble essentiel de ne pas céder à cette tentative d’intimidation du pouvoir. Si celui-ci ne reconnaît pas le droit à un million de manifestants de se rassembler, nous devrons inévitablement nous attendre à ce que demain nos libertés soient bâillonnées. Les hommes libres ont donc le droit mais aussi le devoir de descendre dans la rue pour y exercer une liberté fondamentale.

Il est certain qu’un rassemblement de 300 000 personnes sera plus difficile à contrôler qu’un rassemblement de 300 personnes.

On peut cependant considérer qu’à partir de plus d’un millier de manifestants déterminés, il est très difficile au pouvoir, à moins d’user de la violence (comme ce fut le cas lors d’une manifestation nationaliste du 7 mai 1993 ou un militant patriote fut tué par la police), de contrôler de manière efficace et prévisible la situation.

Contenir une foule de 300 000 personnes et a fortiori un million de personnes est impossible.

On rappellera à cet égard la manifestation du 18 juin 2010. On se souvient que des militants patriotes avaient appelé à manifester pour protester contre l‘occupation illégale de la rue Myrha par des islamistes. La préfecture (sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy) avait interdit le rassemblement.

Deux jours avant, les organisateurs, refusant de céder, avaient maintenu leur appel à manifester symboliquement près de l’Arc de Triomphe. Ce nouveau rassemblement avait de nouveau été interdit. Les organisateurs avaient maintenu le rassemblement et certains organisateurs avaient reçu, en dehors de tout cadre légal, des menaces et des convocations de la part des policiers de la rue du château des rentiers agissant sous l’instruction de la section A4 du parquet, spécialisée en matière de presse. De manière à dissuader les organisateurs, on les avait menacés de poursuites si des slogans interdits par les lois en vigueur étaient amenés à être scandés. Pressions pour le moins déplacées puisqu’on ne peut heureusement poursuivre un citoyen à titre préventif avant qu’il n’ait eu l’intention de commettre une infraction.

Finalement, devant la détermination des organisateurs et de 2 000 citoyens et patriotes arrivés de toutes parts près de l’Arc de Triomphe, la préfecture avait finalement cédé et le rassemblement bon enfant sur fond de saucisson et de jus de raisin avait fini tranquillement par la « Marseillaise ».

On peut raisonnablement penser que 300 000 citoyens déterminés auront eu raison de ne pas céder devant les tentatives d’intimidation d’un pouvoir qui, incapable de mettre au pas la finance qui détruit notre tissu industriel et social, cherche un dérivatif bien facile pour faire oublier la souffrance de compatriotes dans la misère.

La rue appartient à celui qui y descend. Le 24 mars, ne cédons pas !

*Frédéric Pichon est avocat et président du Cercle des avocats libres.

Lire aussi :
> Les Champs Élysées ou rien ! par Éric Martin

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36 Comments

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  • sainte lance , 17 mars 2013 @ 15 h 38 min

    sur l’air de “nous n’irons plus au bois….”
    le 24 nous chanterons : ” nous irons tous aux Champs le 24 mars, pour faire tomber la loi de madame Taubira, Entrez dans la danse, voyez comme on danse, chantez, dansez, embrassez qui vous voudrez”.
    chanter “le vingteu quatre”

  • westie51 , 17 mars 2013 @ 16 h 44 min

    …. sans oublier la suppression du Sénat ; sur les 34 ministres, il y en a qui ne servent à rien, tout comme leurs délégués (Sarko en avait 15…. et encore on ne les connaissait pas tous) ; suppression de tous les avantages (voiture de fonction, secrétaires, primes en tout genre, gardes du corps inutiles pour les anciens ministres… (liste non exhautive) !
    Et en grattant bien, nous pouvons leur donner des idées en matière d économie !
    Quant à la Manif pour tous, bien sûr que OUI il faut y aller même si Pingouin 1er s obstine dans sa bêtise.

    « Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. » (Albert Einstein)

  • Tintin , 17 mars 2013 @ 20 h 52 min

    En renonçant à l’arme atomique nous pourrons avoir le budget de nous constituer une armée, ce que nous n’avons pas actuellement, puisque l’arme atomique, un péril qui ne nous protège de rien mais va mener par accident (déclenchement fréquents et pertes fréquentes de contrôle sur l’arme atomique) à la fin du monde, accapare l’essentiel du budget de l’armée.

    Etablir sa cité au sommet d’un volcan ne nous protège pas d’une éruption, tout au contraire.

    L’arme atomique n’a tactiquement aucun intérêt.

    Tokyo fut rayée de la carte avec des bombes au phosphore (bombes incendiaires) lors de la seconde guerre mondiale, point besoin de l’arme atomique.

    Pour être capacité de tirer une bombe atomique, il faut maitriser l’espace aérien d’un territoire, mais si on maitrise déjà l’espace aérien de ce dernier, des bombes au phosphore sont moins couteuses et tout aussi efficace…

    Un asile de fous.

  • Tintin , 17 mars 2013 @ 20 h 56 min

    1 chance sur 60 de survie de l’espèce humaine jusqu’en 2020.
    1 chance sur 12 de survie de l’espèce humaine à partir de 2020.

  • Tintin , 17 mars 2013 @ 21 h 01 min

    Correction :

    Basée notamment sur la fréquence des accidents sur l’arme atomique, sur les centrales nucléaires et sur l’apparition des surgénérateurs nucléaires qui en France et en Chine doivent entrer en service d’ici 2020 :

    L’espèce humaine sur terre a 6 chances sur 10 de survie jusqu’en 2020.

    Puis, 1 chance sur 12 à partir de 2020.

    Des espèces intelligentes disparaissent sans cesse dans l’infini des multi-univers, lorsqu’elles entreprennent de s’autodétruire.

    Les humains sur terre n’en ont pas conscience.

  • théofrède , 17 mars 2013 @ 21 h 47 min

    et si le problème était tout simplement que Hollande crève de trouille parce que les Champs Elysées sont trop prés de l’Elysée ?

  • degabesatataouine , 17 mars 2013 @ 21 h 54 min

    Votre suggestion est certes très pertinente mais pour mieux rester dans l’ ambiance d une “descente dans la rue afin de la prendre “,même si c’est une avenue, je me permets de vous recommander ” les képis blancs ” ou la version “S”en vont les paras” où il vous suffira de remplacer” képis blancs” ou ” bérets rouges “par ” innocents “.
    http://musique-militaire.fr/legion-etrangere/les-kepis-blancs (deuxième couplet)
    (Au sujet des” dogmes que l’on abat” on peut aussi chanter suivant l’humeur : ” les hommes que l’on abat”)

    La musique originale est celle du ” Panzerlied ”
    http://www.youtube.com/watch?v=xQ4ldl12W0I

    Garanti hautement motivant spécialement en marchant au pas en rang par douze ,la cadence à adopter,Panzer, Para ou Légion, dépendant de l’ urgence à atteindre l’objectif.

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