Lorsque le candidat de la « droite » considère que le centre-gauche est trop à droite, il est plus que temps de s’inquiéter

Tribune libre*

Le Président Sarkozy s’en est pris, encore une fois, au libéralisme jeudi soir sur France 2. Il l’a fait en s’attaquant au quotidien de renommée internationale Financial Times, affirmant que ce journal prône l’application du « modèle anglo-saxon » en France. Il s’agit apparemment d’un tort aux yeux du président français.

Il a été répété par de nombreux rédacteurs et commentateurs libéraux et de droite que le Président Sarkozy a, au cours de son mandat, totalement oublié les valeurs qu’il prônait en 2007. Contrairement à la dernière élection, il n’essaie même plus de se faire passer pour un candidat de droite : il assume pleinement son ancrage philosophique dans le keynésianisme.

Cependant, il me semble que le pire dans cette déclaration n’est pas le fait qu’il s’en prenne au libéralisme et au « modèle anglo-saxon ». Après cinq années de politiques clairement engagées à gauche en économie, nous commencions, nous militants de droite, à être habitués. Sa campagne s’est aussi clairement engagée dans une lutte contre le libéralisme et l’économie de marché. Son ancrage philosophique à gauche n’est désormais plus une surprise.

Non, le pire est la prise du Financial Times comme le modèle de journal prônant l’économie de marché « à l’anglo-saxonne ». Le FT, comme l’appelle le président, est un journal de gauche. Le Financial Times est engagé quotidiennement dans la promotion d’une économie soutenue par plus d’intervention du gouvernement de Londres dans l’économie. Ce journal est aussi fondamentalement pro-européen, prônant l’utilisation de l’euro au Royaume-Uni et le renforcement du pouvoir de Bruxelles pour unifier les efforts d’intervention étatique dans l’économie sur le continent européen, comme le rappelle Daniel Hannan.

Pour l’avoir plusieurs fois acheté moi-même, j’en suis aussi convaincu : toute personne philosophiquement de droite ne peut pas retrouver nos idées libérales-conservatrices dans ce journal. Certes, de nombreux médias sont bien plus ancrés à gauche, de manière radicale et sans aucun respect pour les philosophies libérales et conservatrices. Oui, lire The Financial Times est bien plus agréable pour un libéral que lire The Guardian, par exemple. Ce n’est pas pour autant que vous reconnaîtrez vos idées dans ce qui y est écrit. Certains articles sont rédigés par des rédacteurs de droite, et oui, ils interrogent de manière plus objective que d’autres les personnalités de droite. Cela ne fait pas pour autant du FT un journal de droite. Cela en fait un journal de centre-gauche qui fait plutôt correctement son travail journalistique.

Cette réalité est réellement la plus inquiétante. Que reste-t-il des idées de droite dans cette campagne électorale si le candidat de la « droite » considère qu’un journal de centre-gauche est trop à droite, trop libéral ?

Après ces cinq années de politique de gauche appliquées par les différents gouvernements Fillon, le Président Sarkozy a réussi ce que le PS échoue à réaliser depuis sa fondation : détruire la force des idées de droite en France. Non seulement il a supprimé toute opposition à droite, mais surtout il s’est déplacé tellement à gauche que le PS et ses alliés ont été obligés de réaliser la même chose. L’intégralité de cette campagne présidentielle de 2012 aura été focalisée à gauche, entre l’extrême-gauche économique (Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon), la gauche dure (François Hollande) et le centre-gauche (Nicolas Sarkozy).

Les seuls militants pro-Nicolas Sarkozy avec lesquels j’ai pu personnellement discuter qui sont réellement convaincus par son programme sont philosophiquement ancrés à gauche.

Les candidats « plus à gauche » sont devenus tellement radicaux dans leurs programmes que les électeurs et les militants de droite sont effrayés. La perspective d’une élection de François Hollande est terrible pour l’immense majorité de ceux qui ont voté Nicolas Sarkozy en 2007. C’est ainsi que l’intégralité de cette campagne électorale s’est déroulée. Les militants libéraux-conservateurs ayant rejoint Nicolas Sarkozy n’utilisent pas d’arguments en faveur du président qu’ils soutiennent. En majorité, ils ne sont pas intéressés par son programme. La campagne sur internet et sur le terrain est absolument effrayante et à l’image de ce que cherche à réaliser le président : l’objectif n’est pas de défendre le programme ou le bilan de Nicolas Sarkozy. Cette campagne est tournée vers la destruction de François Hollande en jouant sur les peurs des électeurs de droite. Les seuls militants pro-Nicolas Sarkozy avec lesquels j’ai pu personnellement discuter qui sont réellement convaincus par son programme sont philosophiquement ancrés à gauche.

Il est certain aujourd’hui que, quelle que soit l’issue de cette élection présidentielle, les valeurs et les politiques de gauche seront les gagnantes du suffrage.

La différence est particulièrement frappante lorsque l’on s’intéresse aux États-Unis. La campagne présidentielle américaine entre le candidat républicain et le candidat démocrate a débuté le 10 avril. Le choix s’annoncera clair outre-Atlantique : l’économie « sociale » et l’État fort avec le Président Obama ou la liberté individuelle et la libre entreprise avec le gouverneur Romney. Dans ce pays, la droite assume ses valeurs et ses solutions. Le 13 avril dernier, Mitt Romney a résumé son projet en une phrase : « La solution pour une économie faible, ce n’est pas plus d’intervention du gouvernement. C’est plus de liberté. »

Le Président Sarkozy s’est d’ailleurs déjà prononcé en opposition à la libre-entreprise de Mitt Romney, en affirmant publiquement au Président Obama qu’il souhaitait sa victoire en novembre 2012…

C’est de cela dont nous avons besoin. Le GOP France, que je préside, lancera en août une campagne de grande envergure en faveur du candidat républicain. Les militants de droite en France qui le souhaitent seront réunis derrière Mitt Romney et pourront présenter aux électeurs français son programme et le bon sens de droite des deux côtés de l’Atlantique.

Il s’agit aujourd’hui, hélas, de l’unique chance pour les militants libéraux-conservateurs de défendre nos idées et nos valeurs en France en 2012. L’élection présidentielle française de cette année est déjà perdue pour la droite. Aujourd’hui, à six jours du premier tour de cette élection présidentielle démoralisante, il faut regarder vers le futur…

*Pierre Toullec est le président de l’association des amis français du Parti Républicain (blog|site).

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6 Comments

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  • Philippe Edmond , 16 avril 2012 @ 12 h 16 min

    Nous risquons d’avoir un président de gauche élu dans une France à 60% de droite ce qui va accentuer le décalage entre le pays concret et la sphère politique.

  • Komdab , 16 avril 2012 @ 13 h 03 min

    Marine Le Pen extrême gauche économique ?

  • Kuing , 16 avril 2012 @ 23 h 28 min

    Rien d’étonnant : Sarkozy n’a jamais été libéral, contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse mainstream et il n’a d’ailleurs jamais appliqué une politique libérale :
    –>
    http://www.youtube.com/watch?v=v2rX9B-FyoU

    Voilà, il faut remettre les choses à leur place.

  • Chris du Fier , 17 avril 2012 @ 9 h 11 min

    Bien que trés réducteur l’ article est bien amené et ne fait que refléter le sentiment de bon nombre d’ électeurs 2007 du candidat-sortant… Le ‘sarkozisme’ est mort-né. L’autoposie revèle que le processus de l’ avortement, administrativement dénommé IGV, a commencé au soir même de l’ accession au pouvoir de son auteur naturel. Il fut un temps où il était de mise de dénoncer les 200 familles qui se servaient copieusement dans la gamelle commune, aujourd’hui celles-ci ne sont plus qu’ une vingtaine – Alléluia – mais alors, qu’ est ce qu’ ils se gavent ! Que du bonheur. Orate Fratres l’ enterrement du bébé se fera dans quelques jours.

  • N a t r é p , 17 avril 2012 @ 16 h 59 min

    Et en plus, Mitt Romney est le roi des retournements de veste ; c’est surtout un beau parleur. N’oublions pas qu’il a mis en place au Massachusetts un régime d’assurance santé similaire à celui d’Obama, avant de finalement dénoncer ce dernier !
    http://2012.talkingpointsmemo.com/2011/11/obamacare-romneycare-are-the-same-fucking-bill-says-former-romney-adviser.php

    L’avenir des États-Unis n’est pas particulièrement radieux non plus…
    __

  • Tintin , 20 avril 2012 @ 11 h 12 min

    Nicolas Sarkozy comme chacun le sait (ou pas), n’est pas bilingue, il ne sait pas lire l’anglais et ne le comprend pas.

    Nicolas Sarkozy a échoué à remporter le dernier diplôme qu’il eu tenté, à cause de sa déficience à maitriser l’anglais.

    Il fallait choisir en 2007 entre Ségo et Sarko, qui peut le moins peut le plus, Ségolène Royale était folle, mais Sarkozy est un ballait à chiottes.

    Sarkozy n’a donc jamais lu, ni Keynes, ni Hayek, ni la Grève et il n’a donc jamais lu une seule fois le FT tout simplement parce qu’il ne comprend pas l’anglais…

    Il faut renverser la République, Marianne il faut l’étouffer avec son bonnet phrygien et il faut instaurer la souveraineté de chaque commune et la démocratie directe.

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