Pourquoi le gouvernement n’a rien compris aux PME

À l’issue de sa première année d’exercice du pouvoir, le gouvernement semble toujours enfermé dans le déni de la crise et de l’urgence économiques. Pendant ce temps, la situation des PME empire inexorablement.

Sur le plan économique, la France a certes connu des périodes plus fastes que l’année 2012-2013. Mais elle a également connu des gouvernements plus réactifs face à la crise. Le maintien du « cap » annoncé par François Hollande en avril 2013 et les timidités mesures prises par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault depuis mai 2012 n’augure rien de bon pour la situation des PME françaises et donc de l’économie tout entière. À en juger par ce qui a déjà été entrepris, on se prend même à conclure que les gouvernants n’ont pas compris ce dont souffraient véritablement les petites entreprises. Dans ce contexte, les fermetures d’entreprises ne peuvent que se poursuivre au grand dam de leur dirigeant et de leurs salariés.

Pour une politique pragmatique

En mai 2013, l’heure est au bilan. Le bilan de la première année du quinquennat de François Hollande fait couler beaucoup d’encre, notamment en ce qui concerne l’économie. Que dire de l’initiative gouvernementale à ce sujet ? Depuis mai 2012, un début de réforme du marché du travail a vu le jour, mais il n’a pas été suivi de la réforme fiscale tant attendue par les entreprises et les collectivités locales. À vrai dire, même les alliés du PS désespèrent de voir la question de la fiscalité enfin traitée alors qu’elle fut annoncée en campagne comme l’une des priorités de François Hollande. « Nous devons envisager une réforme ambitieuse qui doit être consensuelle et respecter, tout à la fois, l’efficacité économique, l’égalité des territoires, le principe de la libre administration et d’autonomie fiscale des collectivités territoriales », déclarait encore en mars 2013 Jean-Vincent Placé, président du groupe Europe écologie – Les Verts au Sénat.

“Les difficultés des PME et des entreprises de taille intermédiaire vont en s’accumulant.”

Et puis il y a eu la Banque publique d’investissement. Qu’en est-il de cette institution censée irriguer le tissu entrepreneurial français ? Dotée de 40 milliards d’euros – une goutte d’eau dans l’océan des besoins de financement des PME –, elle s’annonçait néanmoins comme une excellente initiative de soutien financier complémentaire aux entreprises de moins de 250 salariés. Mais aussitôt mise sur pied, la BPI est devenue un instrument aux mains d’intérêts politiques. Son dirigeant, Nicolas Dufourcq, a par exemple été réprimandé par Ségolène Royal pour avoir contesté la pertinence de venir en aide aux entreprises Florange et Pétroplus compte tenu de leurs chances objectives de reprise. Ségolène Royal, pour qui le gouvernement s’est empressé de créer de toutes pièces un poste de « porte-parole » de la BPI, était alors secondée par Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, dans cette entreprise qui a consisté à apprendre son métier à un ancien directeur général adjoint chargé des finances du groupe Capgemini…

Ce type de comportement s’inscrit à rebours des politiques pragmatiques dont la France a besoin aujourd’hui. En matière économique plus que jamais, notre pays doit déployer des solutions qui ne soient pas seulement inspirées des manuels de comptabilité ou des programmes politiques, mais bien de la condition des entreprises. Les difficultés qu’elles éprouvent s’inscrivent dans le temps présent. C’est aujourd’hui qu’elles ferment sous la pression de la rareté du crédit. Elles n’ont que faire des déclarations de principes ou de la promesse de récupérer quelques fractions du montant de leurs charges sociales dans un ou deux ans grâce à la fastidieuse procédure du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) inauguré en janvier. Dans un ou deux ans, elles n’existeront peut-être plus, faute de trésorerie. Car c’est bien la trésorerie qui maintient aujourd’hui l’épée de Damoclès au-dessus des PME françaises.

Des PME à sec

En France, les entreprises ont des clients, pourraient faire croître leur chiffre d’affaires, pourraient embaucher, mais elles ne le font pas. Pourquoi ? Parce qu’elles manquent de fonds pour honorer leurs contrats. Les carences en fonds de roulement sont telles que certaines PME sont aujourd’hui prêtes à se vendre, ni plus ni moins, dans l’espoir de pouvoir renouer avec le développement.

C’est ce qu’a par exemple fait Jean-Michel Germa, dirigeant et fondateur de la première entreprise du secteur éolien français, la Compagnie du Vent. Mais quelle n’a pas été la désillusion de cette entreprise lorsqu’après avoir ouvert son capital à GDF Suez, son nouvel « associé » lui a finalement ôté le pain de la bouche. En 2007 en effet, les deux entreprises s’alliaient autour d’un pacte : GDF Suez deviendrait l’actionnaire majoritaire de la Compagnie du Vent et en échange, cette dernière bénéficierait du soutien du grand groupe sur quelques appels d’offres préparés de longue date par Jean-Michel Germa comme celui de Tarfaya au Maroc. Mais ça, c’était le gentlemen agreement scellé par un pacte d’actionnaires, avant que GDF Suez ne retourne sa veste et remplace le dirigeant historique de la Compagnie du Vent pour pouvoir disposer du capital immatériel de la société… en dépit des intérêts de cette dernière.

“Avec des entreprises plus solides, on libère la croissance, l’emploi, la consommation, et on augmente les recettes fiscales.”

Dans sa quête de liquidité, La Compagnie du Vent, désormais filiale de GDF Suez, a perdu une grande part de sa substance et son avenir est menacé. Mais elle n’est assurément pas la seule à avoir fait les frais du manque de fonds disponibles. D’autant plus que les difficultés des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire) vont en s’accumulant. On l’a vu lorsque Sernam a déposé le bilan. Quand cette filiale de la SNCF a mis la clé sous la porte fin 2012, c’est l’ensemble de ses fournisseurs que son sort a également fragilisé. « D’une part, nos contrats n’ont pas été renouvelés par le repreneur, Geodis, d’autre part Sernam a mis la clef sous la porte sans nous payer les mois de mars et avril », expliquait à l’époque un transporteur interrogé par Le Parisien, et dont 90% du chiffre d’affaires dépendant de Sernam.

Ainsi, les rangs de ces nombreuses PME en défaut de paiement recensées par l’Institut Altares n’en finissent pas de grossir. Cette année-là, on a enregistré une augmentation des défaillances d’entreprises dans toutes les régions de France sauf en Bretagne, en Île-de-France et en Alsace. Partout ailleurs, le nombre d’entreprises « ayant fait l’objet d’une ouverture de redressement ou liquidation judiciaire directe » a augmenté de 0,7% (pour la région PACA) à 18,5% en (Champagne Ardenne). Et comme l’explique l’institut, en compagnie d’Oséo qui publiait son Observatoire des PME en février 2013, la fragilité du tissu économique tient à des « freins » bien identifiés : les « restrictions budgétaires » d’une part, et « l’accès au financement » d’autre part. Sans le concours des banques et de l’État, il ne peut y avoir d’issue viable pour les PME.

Au mieux, ces entreprises se compromettent stratégiquement et perdent en autonomie. Au pire, elles ferment. C’est ce deuxième scénario que l’on observe ainsi le plus souvent aujourd’hui. Car faute de mesure de crise, les PME n’ont souvent aucun recours pour surmonter une échéance problématique. Une traite de trop due au banquier, un remboursement à l’investisseur que l’on a déjà trop fait patienter et c’est la paralysie. Telle est la réalité des petites entreprises qui peinent à croître quand elles ne disparaissent pas purement et simplement. C’est pour résoudre cette problématique que le gouvernement doit mobiliser son énergie. Il faut soutenir les entreprises immédiatement : réduire la fiscalité de façon réelle, faciliter l’accès au crédit des start-ups et des pépites nationales, réformer en profondeur le marché du travail. C’est à ce prix que l’État tendra à nouveau durablement vers l’équilibre. Avec des entreprises plus solides, on libère la croissance, l’emploi, la consommation, et on augmente les recettes fiscales. Mais pour dire non à la facilité du matraquage fiscal, les administrateurs de notre pays doivent aujourd’hui faire preuve de courage politique. Or un an après son arrivée au pouvoir, le gouvernement n’a toujours pas donné les signes d’un tel courage. Les donnera-t-il à l’avenir ?

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16 Comments

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  • Jannourè , 17 juillet 2013 @ 15 h 05 min

    Lisez sur Wikipédia le cursus de chacun de nos ministres ou sous-ministres: AUCUN n’a jamais eu l’expérience d’un travail “productif”, ne serait-ce que garçon de café ou agent de chez MacDo!

  • jeanaugustin , 17 juillet 2013 @ 16 h 32 min

    Peu de temps après l’arrivée au pouvoir de l’actuelle majorité j’ai compris que le premier impératif pour un gérant de société était de sauvegarder sa trésorerie. Peu importe les répercussions sur la croissance et l’emploi.
    L’état se doit de créer un contexte favorable aux entreprises. Attendons que les contraintes des évènements imposent le changement.

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