Réponse à Jean-Louis de Morcourt suite à son parallèle entre le Front national et l’Action française

Compte tenu de l’évolution, ou plus exactement de la dégradation de la situation politique, il n’est pas de semaine, voire de jours sans qu’un papier paraisse sur le Front National, dont la montée, régulière depuis trois ans, à savoir depuis que Marine Le Pen est devenue sa présidente, excite les imaginations.

Aussi, n’étant pas membre du Front National, aurions-nous laissé passer sans réagir l’article de Jean-Louis de Morcourt paru sur Nouvelles de France le 13 septembre si l’auteur ne faisait un parallèle entre l’évolution actuelle du Front National et l’émergence de l’Action française au début du XXe siècle. En clair, de même que les « royalistes positifs » de l’Action française ont su, à compter de 1899, sortir le royalisme français de la naphtaline où il risquait de se momifier, de même, selon l’auteur de l’article, Marine Le Pen « a compris ce qu’est la politique : un moyen d’accéder au pouvoir, pas une façon de ‘témoigner’ ou de rassembler une ‘famille’. » Et d’ajouter : « Il est maintenant entendu qu’a contrario de son père se contentant du rôle de porte-parole d’une France traditionnelle ayant une fâcheuse tendance à fonctionner comme une réserve indienne, Marine Le Pen désire accéder au pouvoir et est prête à s’en donner les moyens. Il est d’ailleurs à noter que malgré son opposition idéologique avec Nicolas Sarkozy, la démarche de la candidate frontiste de faire intégrer à son parti une culture du résultat est très proche de celle conduite au sein de l’UMP par l’ancien président. »

Alors que Sarkzoy est en passe de revenir sur le devant de la scène — l’a-t-il du reste jamais quittée —, il est assez piquant d’entendre évoquer sa « culture du résultat », surtout en référence au Front National, lui qui se vantait, en 2007, de l’avoir éradiqué de la scène politique… avant, cinq ans plus tard, de faire élire François Hollande ! On ne saurait avoir plus faux sur toute la ligne ! Aussi n’est-il pas certain que Marine Le Pen tire profit à s’en inspirer !

Nous ignorons quant à nous quelle est l’intention profonde de la présidente du FN et ne saurions donc en juger, mais ce que nous savons, c’est qu’on ne peut prendre pour modèle l’Action française pour justifier un quelconque abandon des fondamentaux en vue de prendre le pouvoir. Bien au contraire, si l’AF a tant attiré dès ses débuts, c’est qu’elle n’a jamais rien lâché, ni sur le plan politique — rejet d’un parlementarisme corrompu et impuissant à défendre l’intérêt national —, ni sur le plan économique et social — la nécessaire lutte contre un libéralisme individualiste qui interdisait au prolétaire de s’intégrer pleinement dans la société —, ni sur le plan des valeurs : l’AF fut en première ligne sur la question des Inventaires, comme elle le fut en 2013 sur celle du « mariage pour tous » et comme le FN aurait dû l’être aux côtés de tous les citoyens désireux de ne rien lâcher sur la famille, socle de la société et base de la nation — être l’otage du Marais et des LGBT sur la question du mariage ou sur la théorie du genre a du reste coûté à Hollande le vote musulman tout en lui aliénant une grande partie d’un électorat chrétien que son cynisme et sa vulgarité avaient éloigné de Sarkozy.

Aussi, considérer que le FN aurait eu raison, si l’on suit l’auteur de l’article, s’agissant notamment du mariage pour tous, de s’être délivré d’une « inhibition mal placée » en n’appelant pas à manifester, pour ne se préoccuper que des classes populaires précarisées, comme si les deux combats étaient incompatibles, est-il un contre-sens total.

“Le chômeur de Hayange ou d’Hénin-Beaumont, qui vote FN, souhaite-t-il pour sa fille le destin que Bergé, ami de Hollande, lui prépare : louer son ventre au même titre que ses bras ?”

Inhibés, les centaines de milliers de Français montés à Paris cinq fois de suite pour manifester leur opposition à l’inversion de toutes les valeurs et au triomphe du libéral-libertarisme ? Inhibée, Marion Maréchal-Le Pen, membre du FN et la plus jeune députée de France — de quel côté était donc la jeunesse ? —, venue ceinte de son écharpe tricolore ? Inhibés, tous ces jeunes Français qui montraient leur refus d’un jeu politique déserté des valeurs ? « Le calcul est simple : pour assurer le succès institutionnel de l’axe souveraino-identitaire, il est nécessaire de sacrifier les axes moraux et libéraux peu rentables voir contre-productifs au plan électoral » : écrire cela, c’est avouer qu’on prépare les campagnes électorales d’hier, comme nos généraux avaient pris l’habitude de préparer les guerres du passé, et qu’on n’a rien compris à la leçon du printemps 2013, s’agissant du moins des axes moraux — qui sont le contraire de la défense d’un quelconque ordre moral, celui que cherche précisément à nous imposer la gauche, après l’avoir inversé. Si l’analyse de Jean-Louis de Morcourt est exacte, alors, c’est la direction du FN qui a avoué son inhibition — et son immaturité —, en déclarant refuser d’être à la remorque de l’UMP sur la question du mariage homosexuel pour justifier son attentisme au moment même où l’UMP n’était à la remorque que de sa propre inconsistance sur le sujet. Car la direction du FN se serait alors révélée incapable non pas tant de récupérer un grand mouvement populaire — c’eût été impossible — que d’évaluer à sa juste ampleur un mouvement historique et d’être en phase avec le pays réel. Un positionnement sociétal clair et actif sans être évidemment exclusif — là est la raison principale de l’échec de Christine Boutin, outre son déficit médiatique —, loin d’aliéner des voix au FN, notamment celles des classes populaires, aurait au contraire prouvé aux yeux des Français qu’il était enfin devenu un parti sachant, comme un grand, affirmer ses propres valeurs auprès de toutes les classes de la société, dépassant un populisme toujours sujet à caution. Du reste, le chômeur de Hayange ou d’Hénin-Beaumont, qui vote FN, souhaite-t-il pour sa fille le destin que Bergé, ami de Hollande, lui prépare : louer son ventre au même titre que ses bras ? Le FN manquerait de cohérence (il est également resté bien muet sur la théorie du genre) s’il ne combattait pas au plan sociétal un libéralisme qu’il affirme combattre aux plans économique et social. « Différencier les combats électoraux et idéologiques » ne peut que se révéler une politique à courte vue si cela doit aboutir, en un cynisme grossier, à un reniement sur toute la ligne.

On dira que ses scores en hausse permanente sanctionnent positivement cette ligne politicienne que pense discerner Jean-Louis de Morcourt. Observons que le FN n’a surtout réussi, jusqu’à présent, qu’à approcher, pas même atteindre, les scores du PC à sa plus belle époque, un PC qui, lui aussi, n’a jamais parié que sur un discours tronqué, visant les seuls « travailleurs », et qui a fini par se contenter de jouer les utilités avant de disparaître du champ politique, mangé par plus gros et plus madré que lui. Le FN ne sera un parti de gouvernement que lorsqu’il aura réussi à crever le plafond de verre du populisme. C’est également la leçon de ses partis frères européens. Aucun n’a encore réussi à diriger un gouvernement.

Lorsque Marine Le Pen est devenue présidente du FN, nous avons immédiatement souligné qu’elle devait, pour gagner, réussir la banalisation du FN sans consentir à sa normalisation. C’est-à-dire l’imposer comme une force du jeu politique tout en refusant d’en faire un parti, comme un autre, de « petits mufles réalistes » (Bernanos) : allier le combat social et politique et le combat pour les valeurs doit rester une constante, pour faire la différence. Or, selon un sondage récent (IFOP, pour le JDD, du 31 août), 75 % des Français ont une mauvaise opinion du PS, 67% de l’UMP… et 74% du FN. Ce n’est pas gagné !

Pour réussir à peser sérieusement sur la vie politique française, le FN aura donc également à attirer à lui ces électeurs pour lesquels le combat des valeurs n’est pas une « inhibition mal placée »…D’autant que la relève est assurée, comme l’a montré la jeunesse du grand Printemps 2013. En revanche, s’il suit les conseils de Jean-Louis de Morcourt et finit de se normaliser, il verra progressivement s’éloigner de lui des Français qui préféreront toujours l’original à la copie : ils retourneront à des partis traditionnels qui, faute de les combler, les rassureront au moins par leur expérience du pouvoir. Il ne faut pas oublier en effet que « le suffrage universel est naturellement conservateur » (Maurras) : il lui faut des motifs sérieux pour modifier ses habitudes en profondeur.

> François Marcilhac est directeur politique de L’Action Française 2000.

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25 Comments

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  • Louis-Marie , 16 septembre 2014 @ 20 h 53 min

    Cher monsieur,

    Merci pour votre exposé, très clair, argumenté et documenté. Cela fait plaisir de lire des choses comme ça. Ouf ! M’accorderiez-vous la permission de publier ce commentaire sur notre modeste site de La Cité Blanche ?

  • PG , 16 septembre 2014 @ 22 h 50 min

    @ Louis
    Ce n’est pas chrétien de mentir : vous affectez de parler chrétien, mais vos méthodes sont celles du cynisme et de la diffamation. Marine Le Pen est aussi chrétienne que vous : en quoi l’etes vous plus qu’elle ?
    Les cadres et élus du FN étaient à toutes les MPT : les videos sur Youtube en témoignent.
    Tapez leurs noms, le mot MPT et les dates des MPT, à Paris comme en Province, sur Youtube ou sur des moteurs de recherche et vous trouverez un démenti à vos affirmations erronées;
    A confesse, et vite…..

  • PG , 16 septembre 2014 @ 23 h 05 min

    Quant aux Croix de Feu, idem, le Colonel de la Roque, tel un Mariton ou une BARJOT ou autre Maxime de la Devèze, comme à la MPT, ne bougea pas.
    Mais il existe un sondage jamais publié sauf qu’il a été décrit par un historien dans une revue universitaire, le premier effectué en France selon la méthode novatrice de l’Institut GALLUP, sur le vote des Français pour les élections de 1940, qui furent repoussées pour cause de drôle de guerre, puis de débâcle : le PSF y aurait obtenu 40 ou 45 % des sièges. Or l’un des slogans de ce parti était : ”Travail, Famille,Patrie”. Sans la défaite, un début de révolution nationale aurait commencé en 1940, en évitant la compromission de la collaboration et de l’occupation.

  • louis , 17 septembre 2014 @ 5 h 49 min

    Le même De Morcourt dans ses exploits :

    http://www.voxnr.com/cc/tribune_libre/EupkEFEAZVrKiiPiVD.shtml

    Avec un enfumage sur le libéralisme dont il prend une fois une définition, une autre fois une autre définition.

    Le problème c’est l’anti libéralisme de la gauche, qui est le même que celui de Mussolini ou Hitler. Pour les gens de gauche l’Etat, la loi et les fonctionnaires doivent régler la vie de tout un chacun dans leurs actes quotidien, aucune liberté, aucune initiative, ne doit être laissée aux individus (anti individualisme), y compris d’un point de vue économique, il faut donc les assomer d’impôts pour leur retirer même cette liberté-là.

    La loi et les fonctionnaires pour les gens de gauche, c’est l’islam et la la charia pour les musulmans.

    Le problème n’est pas le libéralisme mais l’anti libéralisme de la gauche. Ca va enfumer à tout va comme d’habitude pour faire passer en force ce que les français ne veulent pas,

  • Athos 77 , 17 septembre 2014 @ 8 h 14 min

    Mise au point opportune de François Marcilhac.
    Plutôt que de se fatiguer vainement à l’amélioration de la RUINEpublique, allons à l’essentiel : travailler concrètement à l’avènement du seul regime qui a fait l’unité de la France et qui assurera sa pérennité : la monarchie.
    L’Action Francaise, aujourd’hui, travaille à cette perspective utile pour le Pays et pour les Français.
    Voir : l’Action Française 2000 et son mouvement le CRAF (Centre Royaliste d’Action Francaise)

  • Pascal63 , 17 septembre 2014 @ 16 h 37 min

    Les chrétiens n ont rien à gagner à rester au FN , parti de la Nouvelle Droite païenne ! Du G.R.E.C.E.! Rejoignons les courants royalistes , là est la place du chrétien , pas dans un parti républicain, dont l origine est judeo maçonnique et libérale ( le libéralisme est un pêché de Don Sarda y Salvany) .

  • Pascal63 , 17 septembre 2014 @ 17 h 15 min

    Il suffit de ne pas voter pour ces partis républicains , au mieux , voir au pire voter A.R. ! Au pire car le fait de voter à une connotation trop républicaine pour être salvatrice. Mais c’est le seul moyen de se faire connaître , en dehors des ” clous” républicains; je suis donc assez partagé ! Mais du FN , constatons simplement que MLP n est pas mariée , ne vit donc pas très chrétiennement , et laisse le doute sur les affaires morales et sociétal es. Les vrais chrétiens doivent quitter ce parti ; de toute façon, un chrétien ne peut déontologiquement républicain, on pourra hurler, grimper aux rideaux, faire le poirier ou trépigner , c est ainsi ! On ne peut être chrétien et frayer avec des principes qui rejettent le christianisme. Il s agit de s en souvenir même si cela paraît être à contre courant !
    Je conçois qu il faille peut être en passer par le FN …..pour tendre vers un autre système définitivement monarchiste car le système républicain est à bout de souffle. Pour s en rendre compte, il faudra que les Français souffrent à un point qu il devienne un rejet , là sera le retour de la gloire de notre pays. Le FN n est qu un tremplin pour s en sortir mais certainement pas un but !

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