Attentats de Paris : les assassins sont parmi nous

Entretien sans langue de bois avec Marc Crapez, chercheur en science politique.

Que penser du discours de Hollande devant le Congrès ?
Il a oublié d’identifier l’ennemi. Car l’ennemi n’est pas Daesh, prononcé comme une marque de lessive, mais l’islamisme. Il a omis, en outre, de faire son mea culpa. En mars 2012, en effet, lors de la tuerie de Toulouse, avant qu’on identifie Mohamed Merah, François Hollande, alors candidat de gauche à la présidentielle, interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV, accusait implicitement l’extrême droite : « Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent, ceux qui exercent des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire ». Mélange de polémiques anti-sarkozyste et de catéchisme antiraciste sur la parole qui se libère et les mots qui tuent.

Depuis que Hollande est au pouvoir, au cours d’une longue liste d’événements marquants, d’aucuns s’employèrent à dédouaner l’islam et/ou incriminer l’extrême-droite : affaire du film américain hostile à l’islam, en septembre 2012 ; attentats de Boston, en avril 2013 ; émeutes du Trocadéro et attaque au couteau d’un militaire français à La Défense, en mai 2013 ; mort de Clément Méric, en juin 2013 ; tireur de Libé, en novembre 2013 ; tuerie de Bruxelles, en juin 2014 ; attentats de Dijon, Nantes et Tours, en décembre 2014.

Ce n’est qu’avec le carnage à Charlie hebdo, en janvier 2015, que cessa cette entreprise tendancieuse. Hollande persista néanmoins à ne pas prononcer le mot « islamisme », même après les attentats de Copenhague, en février, la décapitation en Isère, en juin, et la tentative d’attentat du Thalys, en août. Il vient seulement de rompre cette omerta. Mais le nouveau mot d’ordre de « guerre contre la barbarie » établit une perspective englobante qui ne désigne pas nommément un choc des civilisations. Son 2ème discours, devant le Congrès, fait d’ailleurs machine arrière en persistant à ne pas énoncer le mot « islamisme ». Comme si l’on pouvait taper dans la fourmilière sans prononcer le mot « fourmi ».

Quelle est la singularité des attentats de Paris ?
C’est ce que j’appellerais un terrorisme de proximité. Le 11 Septembre était un terrorisme technologique. Ce terrorisme sophistiqué s’est essoufflé, au point qu’à la mort de Ben Laden, certains experts pronostiquèrent la fin du terrorisme en général. En réalité, il était entré dans une seconde phase : celle de l’exportation, sur le sol occidental, du terrorisme de proximité qui, jusque-là, visait Israël.

Le fait qu’un passant peut, à tout moment, dans l’anonymat d’une rue, vous attaquer, fait entrer dans une nouvelle dimension. Ce terrorisme opère quasiment par génération spontanée. Le rôle de Daesh est tout au plus un partenariat car, si le commanditaire est syrien, le cerveau est belge, et les petites mains localement enracinées.

“Sur I-télé, la bourgmestre de Molenbeeck, d’où proviennent certains tueurs, a involontairement désigné la source du problème : ‘là où une minorité est devenue majorité’ »

Ce terrorisme de la 2ème décennie du XXIème siècle est illustré par la fusillade perpétrée sur ses condisciples par le militaire américain Nidal Malik Hasan, en 2009 ; la décapitation d’un militaire en civil, à la machette, en pleine rue de Londres, en 2013 ; et la série de trois attentats contre des policiers et militaires au Canada et aux Etats-Unis, en 2014. C’est ce terrorisme de proximité qui vient de frapper a Paris. Il est basé sur la possibilité, pour un kamikaze, de jaillir d’une foule dans laquelle il se fond.

Est-ce à dire que les assassins sont parmi nous ?
Le terrorisme de proximité signifie que les assassins sont parmi nous. Les terroristes prennent comme bases-arrière des lieux où ils passent inaperçu, voire évoluent comme des poissons dans l’eau. Ils y trouvent un appui logistique, un incognito ethnique et une absence de dénonciation aux autorités due à une idée de solidarité des opprimés et de communauté des croyants. Ces bases-arrière forment le substrat où prospèrent un parler spécifique, un argot de haine, une contre-société, des associations sportives ou caritatives, une économie parallèle et des caches d’armes.

Si la majorité des musulmans aspire à se faire une place au soleil dans une société paisible, une minorité notable forme des enclaves. Comme je l’ai écrit il y a cinq ans : « Cette contre-culture poursuit une sorte de volonté de revanche pour laver l’affront d’une humiliation ». En son sein : « Une phalange a fait sécession et se prépare à se soulever en répondant à l’appel de consignes de guerre civile ». Le terrorisme d’aujourd’hui est donc « perpétré par des loups solitaires ou par des acteurs non-étatiques soutenus par des États ».

D’où provient cette dérive communautariste ?
Sur I-télé, la bourgmestre de Molenbeeck, d’où proviennent certains tueurs, a involontairement désigné la source du problème : « là où une minorité est devenue majorité ». L’historien Alain Besançon évoqua jadis cette immigration incontrôlée à Bruxelles-capitale, en posant la question : « Avions-nous vraiment besoin de tous ces immigrés ? ».

Marchant dans la rue au lendemain des attentats, je prête l’oreille à un groupe mêlant maghrébins et noirs, en grande discussion sur l’actu. Un noir explique – ce qui ne laisse planer aucun doute sur les sentiments des autres membres du groupe – que, quitte à être terroriste, mieux valait s’en prendre à des policiers ou des militaires car : « Si tu veux être… disons, ‘radical’, et que tu as des c… dans la culotte, tu ne tues par des gens qui vont au concert de rock ». Tels sont les termes du débat chez une large frange des immigrés.

Leur haine de la société française se trouve attisée par tout un discours pseudo-sociologique. Un universitaire d’extrême-gauche, par exemple, disculpait Merah, qui avait assassiné des enfants à bout portant, en ces termes : « Il s’agit moins de terrorisme (ses voyages dans les pays musulmans relèvent d’une errance quasi touristique) que de jusqu’au boutisme d’un jeune homme sans avenir ni espoir […] De tels parcours montrent aussi la grande violence symbolique qui s’exerce sur les plus faibles dans une société comme la nôtre ».

Comment agir ?
Primo, Schengen 2, bouclage des frontières, arrêt de l’immigration, révision du droit d’asile réservé à des opposants politiques avérés. Secundo, coordination des polices européennes et élaboration d’une procédure pénale convergente. Tertio, en France coopération interservices (par exemple que la police ait un meilleur accès aux fichiers de la sécurité sociale ou de La Poste) avec une réorganisation, des réaffectations de personnels, des réallocations de crédits, des reversements de matériels sous l’égide du mérite, de la compétence et de la motivation (et surtout zéro recrutement, a fortiori dans l’urgence, ce qui signifierait incompétence).

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37 Comments

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  • Cap2006 , 17 novembre 2015 @ 9 h 01 min

    Je ne suis pas certains qu’en s’en prenant aux innocents, a des signes extérieurs de religion ou de culture, sous pretexte qu’au milieu d’entre eux il y aurait bien quelques fous furieux indignes de notre république, nous puissions nous sentir en sécurité.

    Ce que je sais en revanche, c’est que ce programme correspond exactement à ce qu’espère DAESH et tous les extrémistes musulmans.

    – abandonner les fondements d’une société basée sur le droit.
    – pousser les millions de musulmans qui ne seraient pas expulsés dans les bras grands ouverts des fanatiques.
    – immédiatement multiplier par 10 ou 100 le nombre de tueurs isolés, capable de commettre des agressions jusque dans les moindre recoin du pays.

    Une spirale infernale .
    En aucun cas un quelconque espoir de trouver une issue de ce côté là.

    PS : je pense qu’un serment citoyen, et la reconnaissance de la supériorité absolue de l’état de droit sur les lois divines s’impose à tous… Et aux musulmans qui n’ont pas vecu la séparation de l’état et de l’église, et aux chretiens qui tentent aujourdhui de revenir sur cette séparation et remettre en place une théocratie .

  • tuttbull45 , 17 novembre 2015 @ 9 h 58 min

    @ Alainpsy
    Programme on ne peut plus réaliste, mais avec les politicos collabos dhimmis qui nous gouvernent, et leur affidés de journalopes; malgré le coup de semonce que les Chances pour la France viennent de nous envoyer, je doute vraiment que son application soit pour demain la veille.
    Nous sommes un pays, ou il est nécessaire d’en prendre vraiment plein la gueule pour connaître les prémices sérieux d’un retournement…
    Mais bravo pour vos analyses de bon sens, que je lis toujours avec plaisir.

  • Alainpsy , 17 novembre 2015 @ 10 h 30 min

    Cap2006, vous faites partie de la plaie infectée, votre serment citoyen est d’une mièvrerie à tomber. Allez discuter avec un prof qui a vécu l’après Charlie, quand les 3/4 de sa classe se félicitaient, avec une joie non dissimulée, de tous les meurtres.
    Il est malheureusement possible que des gens comme vous aient le dernier mot, le problème c’est que vous avez aussi eu le premier,
    et votre angélisme compassionnel jusqu’à la nausée nous a conduit
    où nous en sommes. Le déni, cet entêtement à ne pas voir, c’est une vraie pathologie suicidaire, et vous ne pouvez pas vous en rendre compte, vous vous en nourrissez et vous périrez avec.

  • ras le bol , 17 novembre 2015 @ 10 h 39 min

    Ils ne sont pas aveugles, ils sont cupides ! Et comme la guillotine est au chômage…. !!! Sarkozy ayant pris soin de faire voter leur irresponsabilité. Il prévoyait son cas, bien sûr. Ils sont donc tranquilles… pour l’instant !

  • lagode , 17 novembre 2015 @ 11 h 56 min

    un connard de député, a pourtant bien dit: L’ISLAM EST L’AVENIR DE LA FRANCE: pauvre abruti!

  • Normandito , 17 novembre 2015 @ 14 h 21 min

    Super commentaire Alainpsy…a quand une vraie représentation politique pour le peuple? Celui qui subit,qui souffre,qui paie et qui continue de se faire enculer…..misère…

  • frannot , 17 novembre 2015 @ 14 h 26 min

    Hollande ne veut surtout pas employer l’expression “état islamique”, ou “islamisme” parce qu’il y a (forcément !) le mot “islam” dedans, et qu’il ne veut surtout pas STIGMATISER NOS COMPATRIOTES MUSULMANS QUI SONT DES GENS TB DANS LEUR IMMENSE MAJORITE (et qui ont voté à 70% pour lui à la présidentielle)

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