Sexe : de la « libération » à l’addiction

Tribune libre de Roman Bernard*

La vidéo que vous vous apprêtez à regarder date un peu (2009) mais son thème est toujours d’actualité. Il est même plus actuel que jamais, en ces temps de subversion féministe généralisée, de la part des « Pussy Riot » en Russie ou des « Femen » partout dans le monde.

Il s’agit d’un reportage de 20 minutes, diffusé dans le magazine « Tellement vrai » de NRJ12, sur le thème « Sexe : Abstinence ou Addiction ? ». Comme toujours, lorsqu’une fausse dichotomie sert de trame à un débat, c’est que celui-ci est truqué. Entre les deux extrêmes que sont l’abstinence et l’addiction sexuelles, la plupart des êtres humains choisiront la plus propice à la vie, et c’est bien là le piège. Car le téléspectateur averti peut se demander, en fin de reportage, si la vie d’une « sex-addict » comme Chloé mérite vraiment d’être vécue.

Nous rencontrons donc Chloé, dans les rues de Bourges, patrie de Jacques Cœur, grand argentier du roi Charles VII. Outre le palais médiéval de Jacques Cœur, monument national, Bourges abrite l’une des plus belles cathédrales de France, célèbre pour son fameux jubé et ses hautes tours du haut desquelles on peut admirer le Berry. Non loin de là se trouvent l’immense vignoble de Sancerre et les élevages de chèvres dont le lait donne le délicieux crottin de Chavignol. Pourtant, la vie de Chloé est aussi sinistre qu’un jour de soldes à Auchan. Les ruelles pavées de Bourges servent de décor à une vie terne, décousue, absurde.

18 ans et déjà 55 « amants »

À 18 ans, Chloé a déjà eu 55 « amants », des deux sexes, même si la voix-off ne s’attarde pas sur ce détail. En fait d’amants, il s’agit plutôt de « coups d’un soir » puisque, de son aveu, Chloé ne veut pas que la relation aille plus loin que la fin d’un coït qu’on devine machinal.

Selon les standards d’une civilisation corrompue, Chloé devrait être comblée : à 18 ans, elle est « indépendante » ; cela fait deux ans déjà qu’elle a quitté les deux domiciles parentaux (ses parents sont divorcés) à Dijon, suffisamment loin (250 kilomètres) pour en être détachée.

Le rêve de la « libération » féminine ne s’arrête pas là : Chloé vit seule, dans un véritable appartement. Bien qu’elle étudie visiblement en alternance (dans l’hôtellerie), on doute que son contrat de professionnalisation suffise à payer ses sex-toys et ses navrantes tenues érotiques. On ne saura pas, en revanche, si ses parents continuent à la soutenir dans sa vie dissolue, ou si elle dispose d’autres sources de revenus, moins avouables devant la caméra.

Même sa conception de la sexualité trahit une lourde influence de l’idéologie féministe. Alors que la conception traditionnelle veut que l’homme courtise la femme, c’est ici Chloé qui propose directement ses faveurs à ses « proies » : « C’est pas les mecs qui m’appellent, c’est moi qui les appelle ; c’est moi qui décide ». Et tant pis pour les prétendants qui ne se contenteraient pas d’une fois. NRJ12 organise une « confrontation » (vers 7’) entre Chloé et Lilian, qu’elle décrit comme le « numéro 43 ». Il regrette qu’elle n’ait « pas voulu le revoir ». Elle explique, sans aucune émotion : « J’suis comme ça, j’essaie de passer à autre chose. » Il lui demande de manière incongrue si elle a déjà été amoureuse. Elle répond par la négative.

Ni sentiments, ni plaisir

S’il n’y a pas de sentiments, y a-t-il au moins du plaisir ? Chloé confesse que non. « Après coup, je me dis que ça sert à rien ». « Je sais pas c’que j’cherche », dit-elle le regard vide.

On retrouve plus tard Chloé en terrasse, prenant un café avec Morgane, sa confidente. Les gros plans sur la gare SNCF glauque n’arrangent rien. Morgane, 19 ans, qui semble envier Chloé sans oser l’imiter, lui dit : « Tu t’amuses, tu profites, t’as raison », puis, se tournant vers la caméra : « Si elle a envie de continuer, de se faire plaisir, qu’elle le fasse ». Ce nihilisme absolu est sans doute ce qui explique que Morgane et Stephen, un ami visiblement homosexuel qu’elles retrouvent dans la soirée, acceptent que Chloé leur raconte ses ébats dans le détail : « J’veux sucer… Il m’dit “mors-moi”… alors là ma mâchoire elle fait “clac !”. »

La scène finale, chez un psychanalyste spécialisé dans les problèmes de sexualité (sur une ville de 67 000 habitants seulement, ce qui en dit long sur l’hyperérotisation de notre société), est pathétique, au vrai sens du terme : « J’me sens salie », lui confie-t-elle, l’air désemparé.

Pas de liberté véritable sans autorité

Ce qui frappe, dans ce reportage, c’est l’absence des parents, et notamment du père. Il est vaguement question de la mère, mais pas du père. Chloé explique qu’elle est partie de Dijon pour fuir sa « mauvaise réputation » (qu’elle a depuis l’âge de 14 ans et demi), et l’on doute que ce soit le prétexte qu’elle ait fourni à ses parents. Elle a sans doute invoqué celui des études, mais qui peut croire qu’il n’y a pas de formation en hôtellerie dans la capitale des vins de Bourgogne ? Et quels parents accepteraient de laisser leur fille passer à la télévision, sans visage flouté ni voix synthétisée, disant que tout Bourges lui est « passé dessus » ? Quels parents, sachant cela, accepteraient de continuer à la financer au lieu de la ramener de force ?

Une telle manifestation d’autorité contredirait nécessairement le dogme libertaire du refus de toute coercition, martelé dans tous les canaux de médiatisation, dont le cinéma avec Le Cercle des poètes disparus, où un étudiant se suicide parce que son père lui a interdit de jouer au théâtre pour le forcer à se concentrer sur ses études. Avec la délégitimation de toute autorité, il n’y a plus de garde-fou pour empêcher une adolescente de devenir dépendante d’une sexualité compulsive qui ne lui procure ni estime de soi, ni affection, ni même simple plaisir.

Chloé est majeure et donc juridiquement responsable de ses actes, mais seul un doctrinaire, un sadique ou un inconscient pourrait affirmer qu’elle est « libre » de ses non-choix, et qu’elle n’a donc à s’en prendre qu’à elle-même si elle a le sentiment, comme le dit le psychanalyste, d’être devenue une « poubelle à sperme ». Il faudrait être singulièrement dogmatique pour prétendre que Chloé, par l’« expérimentation », va apprendre de ses erreurs et adopter un meilleur comportement à force d’accumuler les humiliations. À partir de combien de « coups d’un soir » les fanatiques de la « liberté » pensent-ils que Chloé se sera responsabilisée ?

Les tenants de la « libération » sexuelle sont d’autant plus malhonnêtes qu’ils se prétendent rationalistes, et amis des sciences. Or, ce que la science nous enseigne, c’est qu’une stimulation sexuelle excessive a des effets traumatisants sur le cerveau (lire, en anglais, ici et ici), qu’il s’agisse de la consommation répétée de films pornographiques ou simplement d’une activité sexuelle trop fréquente. L’addiction dont souffre Chloé est bien la preuve qu’elle n’est plus « libre », et que seules des mesures coercitives pourront la soigner de ses accoutumances.

Or, à moins de renforcer encore la logique de l’État thérapeutique déjà dominante dans notre société, on voit mal qui, à part le père, a l’autorité nécessaire pour imposer cette coercition.

Les féministes comme les « Femen » mentionnées précédemment y verront un retour de la « phallocratie » ou du « patriarcat », ce en quoi elles auront raison. Il n’y a pas de société viable sans autorité, et celle-ci commence au plus bas échelon de la société : la famille.

La conséquence d’un refus de cette réalité constatée empiriquement dans toutes les sociétés, à toutes les époques ? Un effondrement démographique, qui, en Occident, coïncide très précisément avec le triomphe de la Révolution sexuelle, intervenu lors de la décennie 1960.

Même si le cas de Chloé sort probablement de l’ordinaire (et il n’est pas à exclure qu’elle ait « enjolivé » de son point de vue son palmarès), le phénomène qu’il révèle n’est pas marginal.

Cette sexualité est incompatible avec la procréation, ainsi qu’avec la famille, sans laquelle aucune société ne peut perdurer. Sans un retour de l’autorité paternelle (et, par dérogation, celle des frères, des oncles, des cousins, des maris), de plus en plus de Chloés livrées à elles-mêmes s’adonneront à une sexualité anomique, stérile, et au final destructive pour la société.

*Roman Bernard est l’ancien rédacteur en chef du Cri du contribuable.

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39 Comments

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  • 0 / 10
  • Aziliz , 16 décembre 2012 @ 13 h 48 min

    Toutes les femmes “féministes” ne sont pas des excessives, toutes les femmes féministes n’ont pas perdu leur âme.
    Tout en souhaitant plus d’égalité avec les hommes, elles ont gardé le sens de la proportion et leurs notions d’éducation, de responsabilité, ainsi que leurs convictions morales.
    Cette jeune fille est à plaindre car à 18 ans, elle est désabusée, sans espoir, seule en face d’un néant.
    En lisant cela, je n’ai pu m’empêcher de penser à mon enfant. Cette enfant que j’ai élevé seule, je lui ai cependant transmis les valeurs, les principes, les convictions qui m’ont été inculquées pendant ma jeunesse. Et, il n’y a pas très longtemps, elle m’en a remercié, car m’a-t-elle dit :
    “Avec toi et Ma Grand-Mère, non seulement j’ai reçu des notions essentielles du Bien et Mal, d’une bonne éducation, de valeurs morales et aussi des repères pour me déplacer dans l’Histoire de France et gérer ma vie”. “Merci Maman”.
    Beaucoup de parents sont laxistes, erreur criminelle.
    Il n’est pas besoin d’être un tyran pour éléver correctement son enfant. Beaucoup d’Amour, de Tendresse, de Patience et de Compréhesion avec de temps en temps, un petit coup de pied aux fesses, sont suffisants.
    On ne serait pas dans la chienlit actuelle si nombre de parents d’aujourd’hui n’étaient pas incapables – par paresse et intoxications diverses – et fasaient leur devoir d’éducateur au lieu de se reposer sur le Mammouth et la TV.

  • Robert , 16 décembre 2012 @ 14 h 07 min

    Enfant de parents divorcés qui doute peut-être d’être aimée et aimable et qui cherche chez les hommes à travers les expérience sans lendemain et sans joie l’amour consolant.
    Terrible et pathétique.

  • brennou , 16 décembre 2012 @ 15 h 21 min

    Comme le grain de sel dans le pain, c’est le “petit coup de pied aux fesses” qui fait la différence. Un canne d’aveugle n’est pas un pen-baz ou un épieu, mais elle est là et son autorité rassure !

  • Goupille , 16 décembre 2012 @ 16 h 48 min

    Merci pour cette petite promenade dominicale pleine de fraîcheur… Dimanche, jour du Seigneur : merci de nous rappeler que nous vivons dans un pays laïque déchristianisé.

    Merci pour cette promenade à Bourges, la plus belle ville de France puisque j’y suis née, merci de ces plans de la Cathédrale où j’ai été baptisée, merci de ces conversations sadiennes tournées dans le jardin de l’Archevêché où j’ai appris à marcher, parler, ouvrir les yeux sur l’éblouissante clarté du monde.
    Le monde a changé…

    Et à part cela : au fou !

    Il y a le symptôme : cette fille, dont nous ne connaissons rien de ce qui a pu l’amener là, sinon une première déception amoureuse bien trop prématurée, suivie d’une curiosité expérimentatrice qui a fini par la déborder.

    Cette fille c’est Don Juan sans le défi à Dieu. Parce que cette fille est un paquet de viande, c’est Coppelia qui n’a jamais croisé quelqu’un pour lui insuffler de la spititualité. C’est un personnage de Kundera, grandi comme il a pu dans un monde exclusivement matérialiste.
    Et cette fille, c’est un des innombrables clients des sexologues qui voient affluer des jeunes patients, des deux sexes, qui ont des problèmes divers, entre autres d’hyper-“consommation” ou de désappétence, à cause de la pornographie qu’ils ont eu à se mettre sous l’oeil avant même le plein développement de leur personnalité et de leur affectivité.
    Il est évident que c’est la conséquence d’une absence de repères et de limites donnés par les adultes, famille, école, religion confondus.

    Et puis il y a les symptômes de l’auteur :

    * Qui confond tout…
    “…en ces temps de subversion féministe généralisée”
    Les Pussy Riot et les Femen ne sont pas des féministes. Ce sont des folles furieuses, post-punks nihilistes, qui assurent leur notoriété par le scandale et la provocation, et qui n’existent que par l’importance que veulent bien leur accorder les media. Qui peut croire qu’une dizaine de cinglées vont mettre notre société et nos valeurs en danger ?
    Et d’ailleurs, quand les Femen sont allées camper Place des Vosges devant chez DSK ou manifester au Trocadero contre le port de la burka, je les aurais volontiers applaudies…

    Car, oui le féminisme a été subversif : il est né de la réaction de femmes jeunes qui avaient vu le sort réservé à leurs mères et grand’mères et qui ne voulaient pas être soumises au même sort et aux mêmes humiliations.
    Je suis née d’un grand’père à qui on avait fait épouser l’usine familiale et à qui on avait donné ma grand’mère en prime. Et d’un père féministe qui m’a poussée à avoir un métier pour que je ne me retrouve pas dans le situation de ma tante divorcée, sans formation, sans pension alimentaire et contrainte de nourrir ses deux enfants avec un salaire de misère, alors que, bachelière des années 30, son père lui avait interdit de faire des études, au motif que : “les filles, ça se marie et ça fait des enfants”…
    C’était cela, le patriarcat.
    Alors : non merci, et vive le féminisme.

    * Qui n’a d”autre réponse que “la coercition” …
    “..seules des mesures coercitives pourront la soigner de ses accoutumances”…
    Mais c’est qu’il voudrait bien nous ramener au temps béni de la Salpêtrière, le cher homme, au temps des asiles de “folles” et des pratiques du bon Monsieur Charcot . Ces temps où l’on martyrisait le corps des femmes pendant que les hommes se retrouvaient tous les soirs en maison close avant d’aller à l’Opera retrouver l’épouse respectée, ou courtiser l’amoureuse inaccessible…
    La Maman et la Putain, quoi…

    * Et dont on se demande bien si, au fond, il ne s’appellerait pas Mohammed…
    “…l’autorité paternelle (et, par dérogation, celle des frères, des oncles, des cousins, des maris.”
    En voilà un, au moins, dont on peut penser qu’il n’aurait rien contre l’islamisation de notre pays… Islamisation qui aurait l’avantage de ramener toutes ces salopes à la maison…

    Alors, mon petit bonhommme, je ne sais qui vous êtes. Mais vous pouvez être sûr que vous me trouverez sur votre chemin.
    Frontal sera le contact, et peu amène.

    Et qui vous permet de dire d’un jeune homme “enveloppé”, pour qui “tomber les meufs” ne doit en effet pas être un sport facile :”Stephen, un ami visiblement homosexuel” …
    Il faut vous faire soigner, Monsieur : il y a un excellent sexologue à Bourges…

  • Dominique , 16 décembre 2012 @ 17 h 02 min

    En droit, nous apprenons que l’Etat donne l’impulsion.
    Quelle impulsion donne-t-il ?
    Celle d’un Etat chrétien qui institutionnalise une liberté qui a des bornes, une liberté responsable, ou celle d’un Etat sans Dieu, donc sans conscience, ridiculisant ceux qui en ont, et institutionnalise d’une liberté débridée ?

    Plus que les parents, je pense à juste raison que c’est la république qui est cause des maux que rencontre cette jeune fille qui n’est pas un cas isolé. A elle de ne pas se laisser influencer, ce qui est impossible pour certaines.

    Quand j’étais en 4e, on se moquait de moi parce que j’étais vierge et que j’entendais le rester jusqu’à mon mariage. On me donnait en exemple une camarade qui avait eu des rapports sexuels à partir de 11 ans, ce que sa mère (qui l’élevait seule) acceptait, au nom de la libération des moeurs enseignée par les francs-maçons dans le seul but de détruire l’Eglise et de déchristianiser la France.

    Celui qui ne voit pas que cette addiction vient de l’inlfuence du politiquement correct (libertaire) n’a rien vu.

  • Roman Bernard , 16 décembre 2012 @ 17 h 49 min

    « Les Pussy Riot et les Femen ne sont pas des féministes. Ce sont des folles furieuses »

    Ce n’est pas incompatible. Prenez toutes les féministes connues en France (Clémentine Autain, Isabelle Alonso, entre autres exemples) et vous verrez même que cela va souvent ensemble.

    « En voilà un, au moins, dont on peut penser qu’il n’aurait rien contre l’islamisation de notre pays… Islamisation qui aurait l’avantage de ramener toutes ces salopes à la maison… »

    Pas vraiment. L’islam est une parodie de virilité : n’attaquer que celui qui est beaucoup plus faible que soi (en profitant du surnombre), être servile à l’égard de celui qui est plus fort, prendre ombrage d’un « regard de travers » mais pas d’avoir une vie absurde, jouer au « macho » mais avoir une peur bleue des femmes, supposées être par nature adultères… Tout cela n’est pas une solution pour l’Occident. C’est le revers de la médaille progressiste.

    En revanche, il est tout à fait vrai que l’islam pose un authentique défi à l’Occident. La société matriarcale dans laquelle nous vivons (si le cas de la France ne vous convainc pas, prenez la Suède, la Norvège, le Québec ou le Canada… c’est notre avenir proche) est stérile, l’islam est fertile. À plus ou moins long terme, c’est la démographie qui reprend ses droits. Si vous voulez éviter l’islamisation de l’Occident, il faut donc absolument sortir du modèle matriarcal actuel.

    « qui vous permet de dire d’un jeune homme « enveloppé », pour qui « tomber les meufs » ne doit en effet pas être un sport facile »

    Ce n’est pas son embonpoint qui me le fait penser, mais le fait qu’il est maniéré, efféminé. Et il est connu que nombre de femmes, jeunes ou moins jeunes, aiment avoir un « ami gay » qui leur sert de confident, mais aussi leur permet d’éviter d’être draguées quand elles sortent.

  • Robert , 16 décembre 2012 @ 18 h 10 min

    Bien vu!

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