Comment peut-on être réac ?

Dans son livre Dans la tête d’un réac, le journaliste Éric Brunet met en évidence la nature réactive de l’homme de droite, par opposition à la nature positiviste de l’homme de gauche. Ce caractère “impolitique”, typique du réactionnaire, a déjà été mis en lumière par le passé par des penseurs tels que Alain de Benoist ou Julien Freund. Cela laisserait à penser que l’homme de droite authentique serait condamné au choix cornélien entre l’impuissance politique par fidélité à sa nature ou l’engagement dans le système politique au prix de perdre son âme. Il est pourtant possible pour un réactionnaire d’agir efficacement sans pour autant se renier.

L’économie : accessoire mais essentiel

« Il n’y a pas d’économique pure, l’économique est toujours le reflet d’une métaphysique », rappelait le politologue Patrick Buisson. Vis à vis de l’économie, l’homme de droite part souvent dans deux impasses idéologiques : sa négation ou son absolution. Entre un fétichisme abstrait de la croissance et un discours historique pur coupé des réalités sociologiques, l’homme de droite a tendance à considérer soit que l’économie est tout, soit qu’elle n’est rien, ce qui est équivalent. La vérité est que si l’économie est bien un vide spirituel, elle est la base de la structuration socio-idéologique de la société, comme l’a montré notamment le géographe Christophe Guilluy dans son livre Fractures françaises. Dit autrement, la répartition économique des activités sur le territoire est le principal facteur déterminant les représentations mentales du monde des individus, et par suite leurs opinions politiques. Le réactionnaire doit donc considérer la question économique comme ce qu’elle est : un simple moyen d’agir sur la matière sociologique en fonction de ses objectifs à un instant donné.

Il convient à ce sujet de rappeler que les organisations dans lesquels nous sommes engagés sont des mouvements politiques, pas des œuvres de bienfaisance ou des syndicats d’initiative. Le fait que la croissance et le taux de chômage soient élevés ou faibles n’a aucune importance intrinsèque, en dehors de l’influence spirituelle que cela peut avoir sur la société à un instant donné. Notre objectif principal n’est pas d’augmenter la quantité de grain dans la mangeoire économique, mais de mettre nos idées au pouvoir.

Vider le système de sa substance spirituelle

« Le sens de la vie est en l’homme, pas autour de lui », rappelait le député suisse Oskar Freysinger. Notre objectif n’est pas tant de prendre le pouvoir formel que de prendre le pouvoir symbolique et spirituel. Dit autrement : nous ne cherchons pas tant à changer les hommes ni même à changer les lois qu’à changer les cerveaux. Comme pour tout système, celui qui nous gouverne actuellement tire sa force de l’adhésion tacite de la majorité de la population, laquelle croyant au minimum qu’il est le plus apte à maintenir notre niveau de vie. Autant il est contreproductif de s’y attaquer frontalement, comme l’a montré un Jean-Marie Le Pen n’ayant réussi qu’à diaboliser les idées qu’il défend, autant il est particulièrement efficace de le pourrir de l’intérieur.

D’un Gaspard Proust se glissant dans le costume du saltimbanque moderne pour mieux en souligner le nihilisme pornophile, à un Nicolas Sarkozy exprimant physiquement dans ses discours son désir décomplexé de taper dans le stock, en passant par la révolution quenelienne d’un Dieudonné illustrant le caractère desséché de nos institutions, toute parole publique contribuant à faire passer l’apostolat d’esclaves et de larbins de nos biens-pensants pour ce qu’il est est bonne à prendre. L’illustration par l’absurde de la tendance naturelle du progressisme à accoucher d’une société de crétins sympas et de salopes libérées est à coup sur le moyen le plus efficace de lui faire perdre le respect et donc le soutien actif du plus grand nombre.

Assumer la séparation de l’Église et de l’État

« La puissance gouvernementale ne flotte pas dans les airs », rappelait Karl Marx. De l’Espagne de Franco au Chili de Pinochet en passant par la Pologne de Walesa, l’histoire nous apprend que les changement de forme institutionnelle ne dépendent jamais de leurs exécutants, mais sont toujours la conséquence ultime d’un changement de fond spirituel. De même que le fantasme de grand soir mariniste, celui de coup d’État militaire ne montre que la paresse spirituelle de ceux qui le professent. Même si nous pouvons être monarchistes de cœur, notre objectif principal n’est pas de restaurer la monarchie en tant que telle, mais d’amener nos idées nos pouvoir. Le principe monarchique n’est que la clé de voute permettant de verrouiller le système. L’erreur typique du réactionnaire est de céder sans s’en rendre compte à la spiritualisation du système électoral professée par nos adversaires, en s’engageant derrière des candidats dont la connaissance encyclopédique de l’histoire de France voir de la Bible n’a souvent d’égale que l’inefficacité politique.

Sur un plan électoral, l’objectif du réactionnaire doit être de faire élire les candidats les plus à même de diffuser notre fond idéologique dans la société française, en faisant abstraction de toute considération formelle. Or, la principale caractéristique de notre société post-moderne est d’être marquée par le retour d’un vitalisme néo-païen s’opposant au rationalisme conceptuel, vitalisme dont un Nicolas Sarkozy constitue l’une des meilleures expressions selon le sociologue Michel Mafessoli. D’une manière générale, le candidat le plus à même de diffuser nos valeurs est celui capable de s’insérer au mieux dans la culture ambiante tout en étant fortement imprégné de nos idées sur le fond.

Conclusion : inventer l’avenir

Comme le rappelle un Denis Tillinac dans son livre Considérations inactuelles, ou encore un Julien Rochedy dans son livre Le marteau, la réaction n’est pas le passéisme. L’objectif du réactionnaire n’est pas de ressusciter un ordre social disparu par nature dépendant d’une situation sociologique caduque, mais de trouver le moyen de traduire des valeurs spirituelles immuables dans le monde d’aujourd’hui. Comme l’a montré le professeur Guillaume Bernard à travers son concept de mouvement dextrogyre, ou encore Jean-Yves Le Gallou dans son analyse des bouleversements actuels, l’histoire souffle dans le sens de nos idées. L’enjeu principal aujourd’hui consiste à être capable de définir les lignes de force d’un modèle politique cohérent permettant de convertir la violence stérile qui commence à s’exprimer en force féconde.

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75 Comments

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  • Louis A. F. G. von Wetzler , 16 décembre 2013 @ 2 h 53 min

    Les rois de France. La France sainte est celle de l’ancien régime. Cette sainteté de la France, sainte France, douce France, vient de l’institution qui a véritablement modelé le caractère de notre peuple pendant des siècles et c’est cela que l’on appelle l’ancien régime par opposition au “nouveau” qui en a été la dégradation, la destruction… Cet ancien régime, c’était celui de la monarchie très chrétienne et de l’Eglise florissante.

    Le roi de France, fils aîné de l’Eglise, c’est chronologiquement le premier roi barbare qui s’est incliné devant l’Eglise et qui a reconnu la suprématie de cette dernière sur sa propre monarchie temporelle. C’est admirable tout de même, là nous touchons des faits. Je ne suis pas simplement en train de vous dire quelles sont mes passions religieuses ou patriotiques, mais force est de constater que ces passions s’accordent d’une manière assez stupéfiante avec les faits.

    L’oeuvre chrétienne et catholique en France est magnifiquement déployé, nous le voyons dans l’histoire des Saints, des bons serviteurs de Dieu comme l’ont été les rois, les moines et quantité de gens de la noblesse et du tiers état.

  • François Desvignes , 16 décembre 2013 @ 4 h 38 min

    Des faits et des procédures plutôt que des considérations générales et des incantations ?

    Si vous voulez :

    1/ Le Plus grand révolutionnaire de tous les temps et aussi le seul dont la révolution a pleinement réussi, c’est le Christ.

    Tous les politiciens ont échoué partiellement ou en totalité, immédiatement ou in fine.

    2/ Au delà du contenu du message christique, ce qui a fait son succès, c’est que le Christ s’adressant à la foule, et après lui ses disciples sur son exemple, a toujours dit : “Vous êtes de sang royal” “Vous valez mieux que cela” (ce qui est RIGOUREUSEMENT exact).Ce n’était pas une flagornerie. Cela consiste juste à dire : Relevez-vous et marchez en prenant votre civière sous le bras car vous êtes de Dignité Céleste, véritablement fils de Dieu. C’est la première fois qu’on nous disait cela et depuis et en dehors des chrétiens, personne ne nous a répété, au contraire !

    Les politiciens font donc l’inverse

    3/ Il a toujours fait précéder , et souvent ses disciples à son exemple, l’acte d’aide sur la parole d’enseignement. Il guérissait les malades et nourissait les foules avant de les enseigner. Les missionnaires ont converti les foules en construisant des hopitaux et des centre sociaux.

    Les politiciens font l’inverse.

    4/Il a toujours refusé d’être rémunéré pour ses services et a toujours interdit à ses disciples d’être rémunérés pour les leurs, réduisant l’intégralité de ses recettes aux dons spontanés et non tarifés, et mettant le train de vie de lui-même et des siens sous le seul signe de la sobriété qui est la pauvreté vraie.Son Eglise est ainsi devenue la première fortune mondiale.

    Les politiciens font l’inverse.

    Profond respect.

  • Charles , 16 décembre 2013 @ 6 h 46 min

    La branche UMP du système UMPS est notre pire ennemie.
    C’est elle qui nous a donné le Bobolandisme.
    Patrick Buisson est le penseur stratège de l’UMP.
    Tout est dit.
    La renaissance Française passe par la disparition de l’UMP.

  • jejomau , 16 décembre 2013 @ 6 h 57 min

    Tous les réacs du peuple de France et de Navarre ; rendez-vous le 26 janvier 2013 pour le “Jour de Colère” : Ils verront bien si nous ne sommes qu’une poignée !

    http://fr.gloria.tv/?media=449433

  • JSG , 16 décembre 2013 @ 7 h 06 min

    “….Conclusion : inventer l’avenir…”
    Cette conclusion implique un mal-être de la société dans laquelle vivent ces utopistes qui s’arrogent la qualité d’inventeurs.
    Toutes les révolutions se sont traduites par le chaos, la régression, puis une nouvelle société pour laquelle il n’est pas prouvé que les boulversements précédents furent positifs.
    L’avenir ne s’invente pas, il se prévoit, du moins, c’est la base de la gouvernance, celle qui implique un esprit d’analyse, de synthèse. L’esprit étriqué des excités de la révolution comme seule “alternative” est un danger contre lequel il faut se prémunir.
    Une société équilibrée, est une société qui se protège contre ce qui représente un danger immédiat. Le changement de culture imposé par les chantres d’un mondialisme flou, mercantile, basé sur un esprit “bisounours” comme la seule perspective de paix, n’est qu’un leurre pour apaiser ce qu’ils considèrent avec dédain comme la “masse”.
    Une société qui s’est construite en des dixaines de siècles, ne peut supporter des changements brutaux, influés par des pseudos intellectuels jouant à la détruire comme des enfants détruisant leur légo après la réalisation de leur oeuvre.
    Une société qui se veut dynamique est une société qui croit à ses valeurs, qui sait évoluer en respectant son passé, dans un progrès réfléchi, qui sait adapter ses nouveautés sociétales en laissant les peuples évoluer doucement, avec réflexion.
    Aucun gouvernant n’a le droit moral de casser une organisation pour satisfaire son ego, il doit orienter avec une très large majorité dépassant le clivage politique.
    En bref, la réaction, n’est qu’un stress provoqué par une gouvernance irréfléchie.

  • fendu du chichoule , 16 décembre 2013 @ 7 h 47 min

    Depuis que la république est le pouvoir, l’idéologie et la pseudo science amusent les électeurs qui pensent être l’incarnation de ce pouvoir.

  • Charles , 16 décembre 2013 @ 7 h 49 min

    HS-Télé bobo (Analle-Plus) découvre le livre d’un habitant de Hénin-Beaumont

    http://vk.com/video231636035_167031386?hash=e9d748a6d8154591

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