Dénaturation du mariage : Cessons la désinformation sur le vote du vendredi 12 avril !

par Hubert Montmirail*

Il a été dit beaucoup de choses sur le vote par lequel le Sénat a adopté le mariage homosexuel, le 12 avril dernier : collusion avec la gauche, complot… D’autres plaident l’incompétence ou l’hypocrisie de l’UMP, dont celle de son groupe parlementaire au Sénat, sur cette question. Que la position des uns et des autres ne soit pas si claire, que l’opposition soit motivée par des considérations électoralistes est une chose. Nul ne disconviendra du fait qu’un combat politique se mène avec des arrière-pensées. Soit. Mais affirmer que l’opposition a été délibérément complice est une contre-vérité. Dans ce cas, pourquoi avoir engagé un combat aussi long (une semaine complète) avec un nombre d’orateurs aussi conséquent ? Pourquoi avoir également laissé le texte adopté à une si faible majorité ? Certaines thèses, propagées par diverses personnes, même de bonne foi, laissent entendre une forfaiture du groupe UMP au Sénat, y compris à l’insu de ses membres. La demande de scrutin public ordinaire aurait été sabotée par le groupe ou certains de ses permanents. Le présent article entend apporter quelques supputations, compréhensibles quand on apprend le passage du mariage pou tous, mais surtout le faible écart des voix.

Le scrutin public ordinaire. Rappelons ce qu’est un scrutin public ordinaire. Ce mode de scrutin permet aux sénateurs de se prononcer pour, contre, ou de s’abstenir au moyen d’un bulletin remis à une secrétaire de séance. Il a l’avantage de présenter un vote formalisé et solennel. Plus long que le vote à main levé, il permet de discipliner les votants. Outre son application obligatoire à certains textes (lois de finances, etc.), il peut être demandé par un président de groupe ou par trente sénateurs. On affirme qu’il n’a pas été demandé par la majorité sénatoriale, ce qui est vrai, mais si l’on regarde un certain nombre de votes précédents (amendements ou articles), émis lors de la discussion du projet de loi, on remarque qu’il a pu être demandé par la majorité et que l’écart des votes, dans les différents scrutin, est toujours resté défavorable à la droite (voir les paragraphes suivants). Le recours au scrutin public ordinaire n’a donc rien changé. Rien ne dit que le recours au scrutin public ordinaire lors du vote final aurait renversé l’écart au profit des opposants au mariage homosexuel. Il aurait davantage révélé l’échec à peu de voix. On aurait aussi pu convenir d’un vote encore plus solennel, donc plus procédural, pour le vote final à l’instar du scrutin public à la tribune, mais cette modalité ne peut être accordée que par l’instance parlementaire au sein de laquelle l’ordre du jour est fixé : la conférence des présidents. Or, cette instance n’est nullement dominée par l’UMP, car la gauche est tout simplement majoritaire au Sénat. La demande de scrutin public ordinaire pouvait donc être demandée par le groupe UMP. Mais cela suffisait-il pour qu’il fût réellement utilisé ?

Le contexte. Rappelons aussi que le débat a lieu depuis une semaine, chaque jour, à l’exception du samedi et dimanche, soit du jeudi 4 avril au vendredi 11 avril. Or, en une semaine, on peut parfaitement concevoir l’épuisement et la nervosité dans les deux camps. La droite souhaite empêcher l’adoption des articles et du texte final, tandis que la gauche cherche à empêcher toutes les manœuvres qui retarderaient cette adoption. À cela s’ajoutent plusieurs séances de nuit et des explications de vote assez nombreuses sur les amendements. On peut comprendre la fatigue et la difficulté à surveiller constamment l’adversaire.

Un vote serré ? Si l’on regarde les différents scrutins depuis le vendredi 5 avril, date où les motions qui auraient permis de ne pas examiner le texte en séance publique sont débattues, on constate que l’écart entre partisans du mariage pour tous et opposants reste toujours à l’avantage des premiers, même lorsqu’il est ténu. C’est une donnée qu’il faut garder en tête, car elle a été présente tout au long du débat. Ainsi, l’écart va de 45 suffrages, dans certains cas, en passant au niveau médian de 15-20 suffrages, pour aller jusqu’à 3 suffrages ! Ce n’est qu’à la fin que l’écart a fini par se resserrer, mais sans conduire au retournement rêvé. Il faut donc partir du postulat qu’il existait un écart incompressible qui semblait difficile de renverser. On peut toujours affirmer que c’est par la voix de l’UDI et de l’UMP que le texte a été adopté, mais on peut aussi souligner que des voix de gauche ont été manquantes : des sénateurs PS ou RDSE ont voté contre (on recense 4 votes contre), se sont abstenus ou n’ont pas pris part au vote (8 sénateurs dans ces deux dernières hypothèses). Autrement dit, on recense 12 sénateurs de gauche à ne pas avoir voté le mariage pour tous. Quant aux abstentions ou aux votes favorables au mariage pour tous provenant de la droite et du centre, elles représentent 11 sénateurs. Autrement dit, les abstentions et votes pour à droite compensent de peu les abstentions et votes contre à gauche.

Le faible écart des votes reflète bien l’équilibre du Sénat. En réalité, le scrutin du 12 avril dernier n’a fait que reproduire le faible écart entre sénateurs de gauche (177) et sénateurs de droite et du centre (171) : 170 voix favorables au mariage pour tous contre 165 défavorables, comme le démontrent les intentions de vote. Supposons que les sénateurs de droite favorables au mariage homosexuel ou abstentionnistes aient finalement voté contre : dans ce cas, il faudrait aussi réintégrer les sénateurs de gauche hostiles au mariage homosexuel ou abstentionnistes dans le camp des pour. Or, si l’on procède ainsi, on constate que l’écart reste le même : 174 voix à gauche pour le mariage contre 166 voix à droite défavorables, soit un écart hypothétique de 8 voix, mais toujours à la défaveur des défenseurs de la famille. Cela n’a pas grand sens, car nous sommes en pleine fiction. Dans ce cas, autant prendre en compte toutes les fictions possibles ! On est davantage dans un scénario de probabilités que dans une certitude. En tout état de cause, on ne sait donc pas par quel miracle la bascule aurait été possible…

La réalité sur l’« épisode » du 12 avril 2013. Que s’est-il donc passé le 12 avril 2013 ? En réalité, la sénatrice Catherine Troendle (UMP) devait demander le scrutin public à la tribune. Elle doit simplement trouver le moment opportun, qui apparaît normalement à la fin des interventions. À ce sujet, rappelons que tout président de groupe pouvait le demander, de même que 30 sénateurs. Le dérouleur indique que le président de la commission des Lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur, doit s’exprimer après Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi. C’est à ce moment que la demande de scrutin public ordinaire aurait été faite. Mais au moment où l’intervention du rapporteur se termine, Jean-Pierre Bel décide de passer au vote d’ensemble. Cela se fait si rapidement que tout le monde vote, avec le résultat que l’on connaît. Le mal est fait : le vote a lieu à mains levées au grand étonnement des sénateurs. Aussitôt, juste après le vote, Catherine Troendle émet le souhait d’une publication des votes, ce qui sera accordé par le président du Sénat. Or, la publication des intentions de vote révèle toujours un écart ténu (supra). On peut aussi admettre que Jean-Pierre Bel a voulu aller vite. Si quelque chose d’intentionnel a été commis, c’est bien de son côté qu’il faut regarder.

Les vraies questions. En revanche, autant sur le fond que sur l’ambiance politique, de vraies questions se posent. Le Gouvernement veut passer en force et accélérer la procédure en prévoyant immédiatement l’examen du texte voté au Sénat cinq jours après, le mercredi 17 avril ! Cela laisse entendre un passage en commission des Lois extrêmement rapide. Enfin, la date limite pour le dépôt d’amendements au texte qui devait être adopté en commission des Lois à l’Assemblée nationale a été fixé au lundi 15 avril, à 11 h… Sur ce point, il aurait au moins fallu une bonne semaine d’écart entre le vote du Sénat et le début de la discussion à l’Assemblée nationale. Manifestement, le Gouvernement a voulu prendre de court les manifestations à venir – celle du 26 mai est clairement dans le collimateur – afin de faire adopter le projet de loi avant la fin du mois de mai. Si la manifestation est initialement fixée au 26 mai, on peut aisément imaginer que l’adoption du projet de loi est possible dans un intervalle qui va du 12 avril au dernier dimanche de mai, sachant qu’il existe deux semaines de suspension de séances du 27 avril au 12 mai. D’où les dates du 21 avril et du 5 mai ajoutées entre-temps par les organisateurs de la Manif pour Tous et qui répondent à la volonté manifeste de faire adopter le texte rapidement.

En réalité, c’est à une bataille de calendrier que se livrent Gouvernement et opposants à la dénaturation du mariage. Politiquement, le débat a bien quitté l’arène parlementaire. Il n’est pas choquant que la question des manifestations soit à nouveau soulevée. Si la gauche verrouille et ment, faisons l’effort, à droite, de ne pas sur-interpréter ! Raison garder : n’est-ce pas une devise royale ?

*Hubert Montmirail est collaborateur d’élu.

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24 Comments

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  • 0 / 10
  • passim , 18 avril 2013 @ 16 h 32 min

    Bref, le scrutin public à la tribune n’a pas été demandé parce que la sénatrice Catherine Troendle, UMP, a “oublié” de le faire.
    Vous l’avez virée, cette sotte ? Vous l’avez privée de dessert ?

  • Diex aie ! , 18 avril 2013 @ 16 h 45 min

    tiens? pas de remarque sur le fait que Collard soit Franc-mac… hypocrite…

  • Diex aie ! , 18 avril 2013 @ 16 h 46 min

    Jacques Bompare précise bien dans cette phrase : “Vous avez orchestré un véritable coup d’état légal au Sénat, sous les yeux éberlués, voire complices, des groupes d’opposition.” que l’UMP est belle et bien complice… Merci à lui de dire haut et fort la vérité aux français et merci à Marion Maréchal-Le Pen d’en faire autant !
    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2013/04/votre-pr%C3%A9tendu-mariage-nest-quune-triste-farce.html#more

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