Faut-il tuer les partis politiques ?

Etats-Généraux de 1302, par Jean Alaux, source : muzeo.com

Pas un seul des grands partis politiques en place en France n’est sorti indemne des dernières semaines. L’UMP a été secoué en tous sens par une série d’affaires de financements qui ont décrédibilisé sa direction. Le PS a été sévèrement vaincu lors des deux derniers scrutins électoraux et fragilisés par une véritable hémorragie d’adhérents. Le FN s’est coupé de son fondateur et avance vers la victoire sans programme de gouvernement cohérent pour la France, mais bien plus une collection de mesures plus ou moins opportunes. L’UDI et le Modem manquent d’assise populaire, les autres partis sont soit peu crédibles, soit à la remorque des grandes maisons politiques en crise.

Cette débandade des structures partisanes françaises n’est que le reflet de la crise politique majeure que traverse notre pays et qui voit les citoyens, désabusés, s’éloignaient de la politique, du vote, de l’adhésion partisane, dans un “à quoi bon” de vaincus. Ce n’est qu’un des symptômes d’une société française malade dans ses structures.

C’est pourquoi, la vieille lune ressortie récemment par plusieurs analystes politiques sur la possibilité d’une suppression des partis politiques ne ferait que casser le thermomètre sans régler le problème.

En outre, c’est une idée séduisante, sans doute, pour quelques esprits, mais absolument irréaliste. En effet, un parti politique est une association de personnes visant à promouvoir des idées ou à conquérir le pouvoir et ensuite à l’exercer. Comment interdire de tels groupements ? Quand bien même ! Ils se reconstitueraient d’une manière ou d’une autre.
Que cent personnes aux idées convergentes décident de se présenter à des élections et, pour financer leurs campagnes, elles mutualiseront leurs moyens, puis elles créeront une association de soutien et, si leur mouvement prend de l’ampleur, l’association structurera l’action des élus et de leurs amis, redonnant vie à un parti politique.
Que les défenseurs d’un projet de gouvernement décident, pour se faire entendre, de grouper leurs soutiens et d’organiser une prise du pouvoir, par une voie ou une autre, une structure associative reverra le jour.

Les syndicats, les associations professionnelles sont politisés, très souvent, parce que le souci de la doctrine ou d’idéaux communs fait partie de la conscience politique des citoyens. Ces groupes sont distincts des partis, mais parfois ils se sont alliés à eux, ou ont mutés en partis durant l’histoire du XIXe et du XXe siècle.

Les partis interdits se recréeraient naturellement. Interdire à un élu d’appartenir à un parti serait tout aussi absurde. Les élus ont besoin du soutien financier et logistique du parti pour être élus ou réélus. Pour contourner la loi ils s’organiseraient en clubs de réflexion et s’associeraient, en sous-main, au parti.

Les lois visant à mieux réglementer le financement, à empêcher les conflits d’intérêt, on l’a vu, n’ont pas enrayés le dégoûts des Français pour les partis.

Le mal est ailleurs.

Le mal est sans doute dans le trop grand éloignement entre les partis et les préoccupations concrètes des Français. Choisir des élus proches du peuple n’y changerait rien. On le voit avec les mouvements populistes dont les cadres sont plus souvent issus de couches populaires. Ils finissent par déplaire autant que les autres.

Un élu est en phase avec les préoccupations concrètes des Français non pas en fonction d’une appartenance partisane ou sociale, mais en fonction du type de mandat qu’il exerce. Si les Français considèrent leurs conseillers généraux et régionaux comme inutiles, leurs ministres comme des menteurs, leurs sénateurs et leurs députés comme des incompétents emplis de morgue, ils portent une large confiance envers leurs maires, leurs élus locaux de proximité.

Le maire représente un élu proche des électeurs, enraciné dans un territoire, en lien avec ses soucis, ses forces et ses faiblesses. La démocratie locale reste encore, surtout depuis la mise en place des conseils de quartiers et des intercommunalités, l’une des formes les plus positives de vie politique en France. Cependant, il ne faut pas en conclure que la représentation nationale ou régionale est inutile. De fait, elles sont nécessaires au vote des lois et aux orientations politiques générales du pays. La France ne peut se gouverner par actes administratifs avec un simple gouvernement. Cette annulation de la démocratie à l’échelle nationale ne réglerait rien, puisque le Président élu porterait, sur lui, le poids du mécontentement général et n’oserait pas plus agir que des députés, soucieux de préserver son mandat.

Il est possible, cependant, d’imaginer une autre forme d’élection des élus nationaux et régionaux, plus proche de ces réalités concrètes que l’on évoquait. L’historien Fustel de Coulanges, voisin en cela du comte de Chambord sans le savoir, considérait que le problème n’était pas le suffrage universel ou censitaire, mais la question posée aux citoyens. Il déplorait que l’on demande aux Français de se prononcer sur des questions générales pour lesquelles ils n’avaient aucune lueur et il proposait que ceux-ci votent au suffrage universel mais pour les représentants de leurs corps de métiers ou de leurs territoires.  Ce corporatisme d’Etat fut envisagé en son temps par le régime de Salazar au Portugal, puis par De Gaulle dans sa réforme du sénat, avortée en 1969. Mélanger représentation nationale politique et représentation professionnelle n’est peut-être pas souhaitable, pourtant, à cause des risques évidents de confusion des genres et de prises d’intérêts néfastes d’élus nationaux dans les syndicats professionnels, et inversement de ceux-ci au sein de l’Assemblée, institutionnalisant des lobbys.

On peut en revanche rêver d’une représentation nationale concrète et non corporatiste qui représenterait les grands corps sociaux de la nation, sans tomber dans le détail des métiers et des groupes d’intérêts. Ces propositions ont été élaborées de longue date par le mouvement royaliste Alliance royale, qui imagine, depuis 2004, une Assemblée nationale représentant les élus des familles, des collectivités territoriales, des salariés, des entrepreneurs et professions libérales. Quatre collège électoraux, avec les mêmes élus siégeant au conseil régional et à l’Assemblée nationale. C’est le Sénat qui conserverait seul une représentation partisane classique.

Chaque citoyen serait ainsi appelé à choisir un élu correspondant à son corps, sachant que quelques-uns seraient certainement appelés à voter plusieurs fois, comme cela se fait d’ailleurs en Allemagne pour la désignation des députés au suffrage uninominal et proportionnel, comme cela se fait en France avec les grands électeurs votant pour les sénateurs mais aussi comme tout le monde aux autres élections, sans que personne n’y trouve à redire.

Les partis politiques existeraient toujours, en s’en doute, pour des raisons tant pratiques qu’idéologiques. Mais leur nature même serait appelée à changer puisque les députés ne seraient plus les représentants d’une nation abstraite ou d’un parti, mais des employés ou des familles de leur département. Cela peut faire sourire sans doute. Mais dans un tel système nous serions certains de disposer de députés en ligne directe avec la réalité de la composition sociale du pays, avec le concret de la vie des Français. Ils seraient, de manière schématique, la nation photographiée à l’Assemblée. Pour autant, si certains votes particuliers mobiliseraient plus un corps qu’un autre, tous les votes transversaux, et c’est la majorité, concernant tous les corps de la nation, échapperaient au réflexe corporatiste, car intéressant tout le monde et non un seul groupe. Mais les membres de groupes porteraient des intérêts concrets et non plus des consignes purement partisanes binaires entre l’opposition et la majorité. On se doute, en effet, que le fonctionnement binaire de l’Assemblée ne serait plus opérant dans ce schéma organique.

Cette manière à la fois très neuve et authentiquement enracinée de concevoir la représentation nationale mériterait d’être méditée à l’heure de la désaffection généralisée pour la chose publique. Il est dommage que seuls des royalistes s’en soient fait les thuriféraires.

> Gabriel Privat anime un blog.

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28 Comments

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  • pas dupe , 17 juin 2014 @ 8 h 11 min
  • pas dupe , 17 juin 2014 @ 8 h 30 min

    Alors que les politiques désossent la France dans toutes ses institutions, qu’ils ont traîné du pied pour voter la réforme du cumul des mandats qu’ils n’ont jamais voulu s’appliquer à eux-mêmes pour ce mandat présidentiel… Ils se sont votés leur retraite au bout d’un seul mandat quand d’autres s’épuisent à la tâche toute une vie ! Ils se sont octroyés trois ans de salaires après une défaite électorale… Alors, il est assez intéressant d’entendre le rapporteur PS Savary parler des cheminots en grève qui défendent leur beefsteak en parlant de “conflit d’orgueil” ! Alors que la déstructuration de la SNCF est destinée à ouvrir à la concurrence européenne cette institution pour la vendre un jour….

    Toutes ces réformes sont là dans le cadre du grand remplacement ! Lorsque les français verront en place des travailleurs français des cheminots étrangers, des taxis étrangers, ils comprendront l’ampleur du mal importé par l’amérique ce pays qui hait la France !

    Il y a quelques jours un chauffeur de taxi déclarait que des taxis hongrois, polonais… se positionnent en France et bien sûr les impôts sont payés ailleurs !!!!!!

    Quand un chef d’état est le toutou d’un malade de son égo, il est intéressant de constater que pas un député ne demande son départ !!! Et que la loi organique d’ailleurs n’est toujours pas votée !!!

  • PG , 17 juin 2014 @ 8 h 58 min

    Article intéressant, qui ”oublie” que De Gaulle, inspiré parTAINE sans doute, ou les théories de Maurras, avait imaginé la fusion du SENAT et du CESE lors du référendum de 1969, avec justement une représentation des corps sociaux, tout en maintenant l’AN.
    Il ne faut pas se leurrer, une représentation unique, fondée uniquement sur des catégories sociales entraînerait des alliances fondées sur des intérêts catégoriels, du lobbying aussi puissant, etc…..
    >Enfin, puisque des proches du FN n’ont jamais la parole et sont interdits de tribune, je m’y colle : le dénigrement chic et bobo (ou royco) des partis politiques en les mettant tous dans le même sac poubelle, je trouve cela excessif concernant l’UMP et le FN : la tête de l’uMp est un crise profonde, corruption etc…. mais il s’y trouve d’excellents élus, même s’ils sont peu nombreux… Reprocher au FN la même chose est très injuste. Il y a un débat, très ancien et récurrent sur les jeux de mots du ”fondateur”, qui n’est pas anodin, puisqu’il s’agit de la crédibilité indispensable à acquérir sur le sujet de la capacité à choisir une direction, en quittant la petite crique des habitudes de la connivence de l’extrême droite et des tics de langage pour prendre le grand large.
    L’absence de programme est de plus une injustice ou une malveillance : c’est un buzz lancé par l’UMP , que COPE reprenait à chaque émission,et que serinent les yeux fermés les milieux bourgeois conservateurs pour se donner l’apparence de l’intellectualité. Les mêmes qui votent UMP les yeux fermés après le gender à l’école au second tour de 2012 et l’explosion de la dette et du nombre de fonctionnaires (si, si, le nombre de fonctionnaires a augmenté sous Sarkozy, mais pour le savoir, il faut lire autre chose que le Figaro, les documents rectificatifs du budget accessible sur le net, si on se pique d’intellectualité programmatique sur le FN), sans avoir rien examiné du bilan de SARKOZY, font la fine bouche sur ce que propose le FN, qui est le fruit de réflexions réelles et correspond à ce que disent beaucoup d’économistes, si on prend le domaine économique.

    Ce mépris pour les partis ignore qu’à la cour des rois, il a existé des ”partis”, des clans, représentant des intérêts catégoriels, et que leur rôle fut souvent néfaste : les partis traditionnels UMP et PS et leurs élites ne demandent que cela, qu’on méprise tous les partis et qu’on s’éloigne de tous, que les gens de droite et les catholiques ne militant jamais, sauf dans des comités théodules et des grands machins où on fait de la mousse et du bruit sans jamais menacer leur pouvoir. Que l’on débine les partis en y englobant le FN leur est très utile : leur crainte serait que leur droite sociologique rejoigne le FN massivement, s’y engage et lui fournisse le tissu civique qui lui manque.
    Je sais c’est une constante des milieux conservateurs de droite : quand la droite nationale était très faible elle était extrémiste, quand elle est forte, les raisins sont trop verts. C’est la meilleure excuse pour ne rien faire.
    Critiquer le principe des partis, penser à une reforme institutionnelle pour donner de la représentation aux corps sociaux, oui.
    Mais au passage glisser le venin du désengagement politique utile au système et à droite à l’UMP, c’est autre chose : il ne faut pas établir une confusion entre la théorie et la réalité de 2014.

  • Bd St-Germain , 17 juin 2014 @ 9 h 37 min

    Non.

    Le président d’honneur a mis sur le devant de la scène un parti vraiment différent. Sa fille en a fait un parti de franc-maçons parachutés comme les autres.

    Elle n’a même pas spécialement augmenté la popularité du FN.
    Celui-ci monte depuis que JMLP le dirige et Marine n’a pas spécialement accéléré cette progression. (5 525 906 de voix pour JMLP en 2002, 4 712 461 pour le FN aux européennes en 2014)

    Le FN ne vaut plus rien aujourd’hui. Même les journalistes ont cessé de pleurer après ses victoires.

  • fleurdenavet , 17 juin 2014 @ 10 h 04 min

    Tuer les partis ? Il y a beaucoup trop de partis en France, nous avons vu cela aux dernières élections. Diviser pour régner !
    Par ailleurs, nous en avons marre de voir depuis plusieurs décennies les même têtes ; des politiques corrompus, afféristes, menteurs, manipulateurs, indifférents à la France et aux Français.
    Souvent, je me demande à quoi a servi la Révolution Français ? Les aristocrates ont été remplacés par des parasites sans scrupules qui ne pensent qu’à s’enrichir et se faire valoir.
    Il est grand temps d’assainir cela !

  • pas dupe , 17 juin 2014 @ 11 h 28 min

    Ohhhh que oui des parasites !
    Et pour assurer une politique de corruption et de destruction, ils ont imposé des étrangers !

  • Christiane , 17 juin 2014 @ 11 h 49 min

    A la liste des membres de la French American Foundation, on se doit d’y ajouter Dupont – Aignant, François Hollande, Fleur Pellerin, Michel Sapin, Anne Lauvergeon, Alain Richard ( ancien ministre de la défense ) et bien d’autres, dans le monde politique comme celui de la presse. Il est à noter que tout ce beau monde se bouscule également à l’invitation du banquet annuel du CRIF; Significatif, non ?

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