Un gouvernement dont il n’y a rien à attendre

On cherche en vain qui, en France, pourrait attendre quelque chose de positif de l’action du gouvernement que vient de nommer le nouveau président élu le 7 mai 2017.

Cela pour une bonne raison : on ne trouve rien dans le programme d’Emmanuel Macron qui ne soit la suite ou l’aggravation de celles qui ont provoqué, au cours des dernières années, le divorce profond des Français avec leurs élites. Hélas, ils ne s’en sont pas encore aperçus.

Comment attendre une amélioration de l’emploi d’un président qui ne veut pas toucher à l’euro sans avoir annoncé pour autant les sacrifices nécessaires à son maintien . Tel quel, l’euro maintient des prix à l’exportation trop élevés, et donc ralentit de l’économie et accroit le déficit commercial : quel commerçant peut espérer augmenter son chiffre d‘affaires si ses prix sont au-dessus de ceux de ses concurrents ? Si l’on ne sort pas de l’euro, il ne reste qu’un moyen de rétablir la compétitivité : baisser les salaires, baisser les charges (et donc la couverture sociale et la dépense publique). Rien n’indique qu’on en prenne le chemin ni que les Français y soient prêts. Privilégiant, lui, la sincérité sur la démagogie, Fillon avait annoncé cette rigueur, qui d’ailleurs n’est même pas assurée de réussir : trop brutale, elle risque d’entrainer le pays dans une spirale déflationniste : baisse des revenus, baisse de la demande, baisse des impôts, nouveaux déficits.

Encore moins faut-il attendre du nouveau président la baisse des dépenses publiques. Son programme comporte environ 100 milliards de dépenses nouvelles [1]. S’y ajoutent la suppression de l’ISF et de la taxe d’habitation . Tout cela financé comment ? Des économies budgétaires très vaguement annoncées et surtout de nouveaux impôts : alourdissement sensible de l’impôt foncier (ou inclusion d’un loyer fictif dans l’impôt sur le revenu des propriétaires), alourdissement de l’impôt payé par les retraités, hausse de la CSG.

Tout cela nous ramène, de fait, à la politique au fil de l’eau menée par Hollande : peu regardante sur l’augmentation des dépenses publiques, préoccupée certes des déficits (tutelle de de Bruxelles oblige ) mais ne connaissant pas d’autre moyen de les réduire que l’alourdissement de la fiscalité. Nouveauté chez Macron : un ciblage plus systématique des classes moyennes et des retraités (qui ont, pourtant, largement voté pour lui). Il en résultera une poursuite de la stagnation et un écrasement encore plus fort de la société. Macron président suivra les traces de Macron ministre : qui pouvait s’attendre à autre chose ?

Les libéraux grugés

Parmi les déçus, les libéraux de tout poil (Contribuables associés, IFRAP etc.) qui avaient fait toutes sortes de plans en vue d’économies budgétaires ou sociales, un objectif qui leur parait, avec raison, prioritaire. Il y a trente ans qu’ils espèrent être écoutés par un nouveau président, en vain. Ce sont là, (comme les retraités, les chefs d’entreprises ou, sur un autre registre, les catholiques), des gibiers à démagogues : toujours présents à l’appel dès qu’on dit libéral-libéral et toujours couillonnés ! Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que le libéralisme international qu’incarne Macron reflète les intérêts d’une oligarchie mondiale qui se fiche comme d’une guigne de la lourdeur des prélèvements obligatoires en France, car ils ne la touchent guère ; ce sont les classes moyennes qui trinquent et ils n’ont que mépris pour elles . Ils sont même plutôt satisfaits qu’un système social lourd à la charge de celles-ci amortisse les effets du libéralisme international qu’ils veulent imposer.

L’autre source de déception est que le programme de Macron (comme d’ailleurs de presque tous les candidats) porte la marque de toutes les lubies technocratiques, jamais remises en cause, qui sont à l’origine du mécontentement des Français, sans qu’ils s’en rendent toujours compte. Elles reflètent cet autisme des classes dirigeantes qui croient avoir raison sur tout alors même que les gens de la base mesurent bien mieux qu’elles ce qu’ont de nocives la plupart des réformes engagées sur la base de préjugés simplistes. Rien qui laisse supposer la remise en question d’une coûteuse intercommunalité (400 000 emplois créés en vingt ans, qui dit mieux ?), de l’évaluation généralisée (synonyme de mensonge généralisé et de démotivation, comme le Gosplan de jadis), de la réforme à tout va des organigrammes, de la politique pénale fondée sur l’excuse, d’une politique sociale abstraite et inéquitable qui entraine de plus en plus de frustrations, de méthodes pédagogiques absurdes, d’une complication toujours plus grande des procédures. Ce qui les complique le plus, ce sont d’ailleurs les préoccupations à la mode qui, selon les critères du temps, font un projet « jeune et moderne » et sur lesquelles Macron n’a pas manqué de faire de la surenchère : Europe, environnement, non-discrimination, risque zéro. Même si ces préoccupations ne font l’objet d’aucune loi, elles pénètreront aussi longtemps qu’elles seront prioritaires la jurisprudence et les pratiques administratives, promesse d’un climat un peu plus oppressant.

L’ignorance des vrais sujets

Aucune proposition sérieuse sur les questions auxquels nos contemporains sont les plus sensibles : déclin de l’éducation nationale – des classes de 12 élèves : qui payera et à quoi bon si les méthodes demeurent inchangées ? -, délinquance, système social injuste, déréliction de la « France périphérique », flux migratoires hors de contrôle (mais Macron, en phase avec le club Terra Nova et quelques autres de ses protecteurs ne pense-t-il pas au fond qu’il en faut plus, pour casser l’orgueil d’une France coupable des pires crimes ?), lourdeur de la machine européenne : là aussi Macron en veut toujours plus. Encore moins d’idées sur la politique familiale et l’immense problème démographique, ignorés avec mépris dans son programme : il n’envisage pas, comme on l’a dit, la suppression des prestations familiales, c’est lui, comme ministre des finances, qui les a supprimées en 2014 à toute une partie de la population : que lui importent les enfants, que lui importe l’avenir ? Comme ses amis des Gracques, il pense, n’en doutons pas, que, sur tous ces sujets, la rationalité technocratique se heurte à l’irrationalité populaire, voire populiste, alors que la réalité est à l’inverse : c’est le bon sens populaire qui résiste à la déraison idéologique. On ne voit pas qui, dans le présent gouvernement, sauf peut-être Bayrou, pourrait mettre en doute ces certitudes autistes.

Ce ne sont pas quelques gadgets clinquants promis ici ou là qui résoudront les vrais problèmes de la France, tels la moralisation de la vie politique (curieuse promesse d’un candidat qui n’a jamais permis qu’on l’on perce ses mystères patrimoniaux ou familiaux !) : mise en œuvre, elle se traduirait par plus de contraintes sur les élus, meilleur moyen d’en éloigner encore davantage les bons, l’injection d’une dose de proportionnelle, soit plus de pouvoir aux partis auxquels les électeurs viennent pourtant d’infliger un désaveu cinglant, etc.

Macron ne veut le bien ni de la France ni des Français. Il a été élu pour servir les intérêts d’une idéologie mondialiste, transhumaniste, transfrontière, voire transgenre. Son logiciel est à l’opposé des aspirations des Français : à l’épreuve du réel, il devra sans doute l’adapter mais comme il est mauvais, aucune adaptation ne suffira.

A moins d’un reniement total et de ce qu’il a promis et de ce qu’il est, tout cela promet à ce président bien mal élu – et aux Français – une immense déception.

Roland HUREAUX

[1] Sur ses 96 propositions, 27 annoncent une augmentation des dépenses, presque aucune ne tend à les réduire : augmenter le minimum vieillesse de 100 € par mois , augmentation de l’allocation adulte handicapé de 100 € aussi, extension du bénéfice de l’assurance chômage à ceux qui démissionnent volontairement, remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires, plan de 5 milliards pour la santé, de 5 milliards pour l’agriculture, grand plan d’investissement de 50 milliards , 2 % du PIB pour la défense nationale (comme par hasard, l’objectif fixé par l’OTAN ), soit au moins 20 milliards de plus. Il est dit aussi : “Nous augmenterons les salaires de tous les travailleurs, des ouvriers, des employés » d’un 13e mois. Le Fonds pour l’industrie et l’innovation, prévu en sus, sera financé par la vente des participations de l’Etat dans les industries stratégiques, ce qui va encore affaiblir sa capacité de manœuvre. De politique industrielle, il est à peine question chez celui qui a autorisé la cession d’Alstom à General Electric. Il maintient la retraite à 60 ans.

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