En route vers l’étatisation de la santé

Une tribune de Thibault Doidy de Kerguelen*

Telle une pieuvre tentaculaire, la Sécurité sociale veut tout régir, pour le plus grand désagrément des patients.

Les négociations tripartites entre l’assurance maladie, les syndicats de médecins libéraux et les organismes complémentaires santé ont repris, le 14 septembre, avec la proposition par la Sécurité sociale d’un contrat d’accès aux soins pour inciter les praticiens à honoraires libres à limiter leurs dépassements.

En vertu de ce contrat « pour un meilleur accès aux soins » qui serait signé sur la base du volontariat, les médecins de secteur 2 (honoraires libres) devraient s’engager à ne pas demander de dépassements aux patients éligibles à l’aide à la complémentaire santé (ACS), c’est-à-dire ceux qui ne peuvent s’offrir une mutuelle. Jusqu’ici, ils devaient s’abstenir seulement pour les bénéficiaires de la CMU-C ou en cas d’urgence pour tous les patients.

Le contrat garantirait aussi la même base de remboursement d’actes identiques pour les deux secteurs tarifaires. Pour des raisons historiques, la base de remboursement de la Sécu pour les actes de secteur 2 est inférieure de 20% environ à celle du secteur 1. L’assurance maladie rembourserait aussi une partie des charges sociales des médecins du secteur 2 pour leurs actes au tarif Sécu comme elle le fait jusqu’ici pour le secteur 1.

La prochaine réunion de négociations sur les dépassements d’honoraires est prévue pour le 19 septembre.

Il est vraiment curieux de voir à quel point la Sécurité sociale est sortie de son rôle et attente chaque jour à la liberté des soins, à la liberté de pratiquer et au libre choix des praticiens. Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que de prendre à son compte une partie des charges des praticiens ? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que de contrôler le nombre d’actes de chaque praticien et de pénaliser ceux qui travaillent plus (pour la plus grande satisfaction des patients, d’ailleurs…) ? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que d’empêcher tel ou tel praticien de prendre des dépassements d’honoraires ? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que d’offrir de substantielles primes à des praticiens pour qu’ils demeurent (il ne s’agit même pas d’attirer de nouveaux, mais simplement de « payer » des praticiens déjà installés pour qu’ils s’engagent à rester trois ans) dans des zones médicalement sous équipées ? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que d’imposer un « parcours de soins » souvent inutile et coûteux? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que de sanctionner tel ou tel praticien parce qu’il est « statistiquement » différent de ses confrères ? Est-ce du ressort de la Sécurité sociale que de décider en lieu et place des praticiens des traitements et suites de soins post-opératoires ?

Plus la Sécurité sociale sort de son rôle et se mêle de la gestion de la santé dans ses moindres détails, plus la qualité des soins et de la santé en France baisse et plus le déficit de la Sécurité sociale s’accroît. Jamais, depuis 1945, le niveau de remboursement des soins des patients par la Sécurité sociale n’a été aussi faible. Jamais, depuis 1945, la Sécurité sociale n’a régi avec autant d’autorité (autoritarisme ?) les moindres recoins du secteur de la santé. Jamais, depuis 1945, les cotisations n’ont été aussi élevées. Jamais, depuis 1945, le niveau de la santé publique n’a régressé comme actuellement. Jamais, depuis 1945, le déficit chronique de la sécurité sociale n’a été de cette ampleur. Nous faisons fausse route. À tout vouloir réguler, à vouloir tenir les professionnels de santé par les primes, par les « aides », par les subventions, la Sécurité sociale est en train de fonctionnariser un secteur d’activité qui, du coup, perd son dynamisme. Cessons de distribuer des primes à la télétransmission, des primes à l’installation, des primes à la sédentarisaton, des primes à tout va ! Laissons les praticiens travailler comme ils l’entendent, le soir s’ils veulent parce que leurs patients reviennent du travail (ça désengorgera les urgences…), le dimanche s’ils veulent. Laissons les communes s’occuper de l’installation ou d’attirer des professionnels de santé. L’équipement des communes, l’offre de services des communes, c’est l’affaire des communes, pas de la Sécurité sociale.

Si un air de liberté soufflait sur la santé en France, nous retrouverions rapidement le niveau d’excellence qui était le notre il y a quelques années.

*Thibault Doidy de Kerguelen est l’expert fiscaliste des Nouvelles de France. Il anime le site MaVieMonArgent.info.

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8 Comments

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  • Michel , 18 septembre 2012 @ 10 h 39 min

    Bonjour,

    Quid de la fin du monopole de la Sécu intervenu en 2001 ?
    Cf. Claude Reichman et le MLPS : http://www.claudereichman.com/mlps.htm
    On a tous le droit, suivant la loi (imposée en France par Bruxelles (pour une fois qu’ils font qqchose de bien !)) de s’assurer où on veut, en France (très peu de compagnies ont osé par peur du terrorisme intellectuel ambiant), en Angleterre (le moins cher), au Danemark, etc.
    Ainsi, vous ne payez plus : votre part de sécu, la part patronale, le CSG et la CRDS !
    Lisez le site. Il est un peu brouillon mais c’est une mine d’infos.

  • Michel , 18 septembre 2012 @ 10 h 47 min

    ATTENTION !

    Attention à ne pas utiliser sur le site précité le lien appelé “libreassurancemaladie.eu” : il a manifestement été détourné et comporte un virus, un cheval de Troie.

  • anonymus yc , 18 septembre 2012 @ 14 h 45 min

    lire si vous le trouvez le “manuel du protestataire” écrit vers 1950 par george duhamel (académicien) dans un style parfaitement moderne;

    déjà il s’inquiète de la pieuvre administrative et du danger qu’elle allait faire courir à la médecine libérale (médecins de famille, etc) ; lui-même était un médecin.

    Il faut croire qu’il ne sert à rien de s’exprimer clairement ou pas puisque sa contribution est assez ignorée malgré ses qualités d’analyse et de synthèse, et du coup on finit par redire la même chose sans fin en croyant à tort révéler quelque chose de neuf,

    ne pas réussir à bâtir sur ce qui a déjà été déblayé par nos prédécesseurs, et ainsi perdre du temps, est je crois une des sources de nos “problèmes” et de notre façon de piétiner sur place (ce qui nous fait perdre du temps et finit par nous forcer à nous arracher au sur-place et nous incite à nous montrer plus radicaux et plus brutaux donc plus faciles à “dénoncer” publiquement par nos ennemis) (j’essaye ici de montrer l’enchainement de conséquences en apparence anodines).

    amicalement.

  • Delaye , 18 septembre 2012 @ 15 h 28 min

    Ils feraient mieux de limiter la CMU, qui est un gouffre pour la Sécu, à un maximum de 4 visites par mois, car les abus sont monumentaux et permettent à des familles entières sans droit se se faire soigner au détriment des Français qui n’en ont pas les moyens. Mais personne ne le fera;

  • Alain , 18 septembre 2012 @ 15 h 54 min

    Suprimer la CMU à ceux qui ne cotisent pas, et naturellement l’ AME, il fut un temps ou il fallait produire 120 heures/mois pour prétendre à la CAF, aujourd’hui ce n’est plus le cas, le sésame social est donné gratuitement à tout nouvel entrant en France et bien entendu pour ceux de plus de 65 ans
    une retraite ( minimum vieillesse) alors qu’ils n’ont jamais cotisé, chercher l’erreur, et surtout le fameux TROU.

  • LE VERRE , 18 septembre 2012 @ 17 h 54 min

    merci Mr de Kerguelen!!! je suis professionnelle de santé paramédicale, et j’ai toujours refusé dans mon exercice libéral d’être payée pour télétransmettre!!! nos syndicats libéraux, de santé nous ont conduit à une socialisation rampante de la médecine!!! personne n’ose plus s’opposer à la Sécu qui est depuis des années ds un abus de pouvoir. Les ordonnances Juppé de 95 avaient commencé le travail, la droite n’a pas su protéger la médecine libérale, donc aujourd’hui, tapis rouge pour tuer le libéralisme! alors il est temps de trouver un vrai chef qui conduise la France vers la création d’une VRAIE ASSURANCE MALADIE.

  • Jacques , 18 septembre 2012 @ 19 h 38 min

    Depuis pas mal de temps, les ministres de la santé sont plus préoccupés par le sauvetage à tout prix de la sécurité sociale, ses syndicalistes et ses absentéistes, que par la finalité de la sécurité sociale, à savoir le meilleur service aux français dans le domaine de la santé. D’où les déremboursements successifs. Il est tabou de dénoncer le taux record d’absentéisme de cet organisme, il est plus tendance de désigner à la vindicte les médecins qui auraient le malheur de travailler trop, ce qui va à rebours de la mentalité ambiante dans la fonction publique. La sécurité sociale aurait du depuis longtemps être cantonnée à la prise en charge des maladies les plus graves donc les plus couteuses et donc être déchargée de la bobologie, qui représente un gouffre de dépenses, les assurances privées pouvant prendre le relais. Bien sûr il faudrait rompre avec l’assistanat et arrêter de déresponsabiliser et d’infantiliser les français, ce n’est donc pas pour demain…

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