Le salaire de la servilité

La décision de l’Australie de rompre, sous la pression des Etats-Unis, un contrat de fourniture de douze sous-marins à propulsion classique de 40 milliards d’euros, événement aux conséquences économiques considérables pour la France et camouflet diplomatique pour Macron, ne saurait surprendre ceux qui connaissent les manières habituelles de procéder des Américains avec leurs alliés, même européens. Les exemples de mépris foisonnent. L’excellent livre d’Éric Branca, L’ami américain (Perrin, 2017) les rappelle. Angela Merkel dont le téléphone personnel avait été mis sur écoute en sait quelque chose.  N’est-ce pas d’ailleurs la manière normale dont procèdent à toute époque  tous les alliés, ce que seule la naïveté française, qui confond alliés et amis, empêche de voir ?

La décision ne saurait surprendre non plus ceux qui savent combien la France pèse peu dans la sphère internationale après quatre ans de présidence Macron. Les flonflons, les rencontres multilatérales de toutes sortes où le président français sait si bien faire  le beau ne sauraient nous illusionner sur le peu d’autorité qu’il y a.   Macron paye là le prix de son insigne servilité, aux Etats-Unis et à l’OTAN. Sans doute le parti-pris l’avait-il amené à battre froid Trump, qui n’en avait cure, et comptait-il sur une lune de miel avec Biden  qu’il a  soutenu hors de toute réserve diplomatique !  Il a vu le résultat. Servilité en Syrie, où Macron a collé à la politique américaine aussi longtemps que se sont prolongées les hostilités et encore aujourd’hui où le feu couve toujours sous la cendre. Servilité quand   il s’est fait, avec une arrogance qu’on ne se serait même pas permis au temps des colonies, le commis voyageur de forces internationales hostiles auprès d’un Liban, ami historique de la France, frappé par le malheur. Servilité vis-à-vis de la Russie au point d’envoyer des forces françaises dans les pays baltes pour les protéger – appoint ridicule à un dispositif qui ne l’est pas moins. Si Macron a fait croire un moment qu’il pourrait jouer un jeu personnel avec les Russes, ceux-ci ont vite compris qu’il n’y avait rien derrière : ce ne fut qu’une courte valse dans une soirée de Saint-Pétersbourg concédée par un partenaire au carnet de bal déjà plein. Servilité quand Macron envoie (au nom de l’Europe !) un bâtiment français patrouiller en Mer de Chine, sans doute pour faire l’important. Servilité au moment de la tension, aujourd’hui réglée sans nous, entre Washington et Berlin au sujet du gazoduc Nord Stream 2 : Macron, traitre de comédie, a soutenu discrètement Washington quand   tout justifiait au contraire, pour une fois, une claire  solidarité européenne. Pour rien, sinon, peut-être, pour faire oublier des années d’assujettissement aux diktats économiques de Berlin.

Hélas, dans l’arène féroce des relations internationales, la servilité ne paye pas.  Il est toujours plus facile de piétiner celui qui est déjà couché que celui qui reste debout. Même si de puissants intérêts étaient en jeu, gageons que les Anglo-Saxons y auraient regardé à deux fois avant de faire un pied de nez pareil à Macron s’ils en avaient craint les moindres représailles. Représailles ? Suspension de notre participation à telle ou telle instance de l’OTAN, rappel de notre contingent en Lituanie, levée de telle ou telle sanction vis-à-vis de la Russie, renoncement à  toute  patrouille en Mer de Chine (acte symbolique dont les retombées diplomatiques auraient été considérables).  Mais nos « amis » en savent assez sur Macron pour deviner qu’ils n’ont rien à craindre de la sorte.

De toute les façons, qui ignore que dans l’espace anglo-saxon – et de plus en plus mondialiste -, les Français se sont que les cousins de province que l’on fait mine de ménager quand nul intérêt essentiel n’est en jeu ?

Camouflet pour la France, l’affaire des sous-marins d’Australie est aussi le signe que ceux qui décident à Washington se moquent comme d’une guigne de savoir si Macron sera ou non réélu.

Roland Hureaux, ancien ancien fonctionnaire et essayiste

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9 Comments

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  • Gérard Rolland , 18 septembre 2021 @ 13 h 24 min

    La France ne mérite pas un tel guignol à sa tête ! Il est temps d’en finir !

  • Melisenda , 18 septembre 2021 @ 14 h 18 min

    Et le guignol qui se permet de morigéner nos médaillés olympiques ! Qui pour lui fonner la correction orale qu’il mérite après cet affront ? C’est toute la considération qu’il mérite pour avoir insulté la France à l’étranger et les Français chez eux ! Merci qui ?

  • HuGo , 18 septembre 2021 @ 15 h 39 min

    Macron, sa clique, ainsi que l’immense majorité du personnel politique, mais ils sont pléthoriques dans la continuité de leurs prédécesseurs, collaborent.
    Ne peuvent s’étonner que les aveugles ou les indifférents.
    Quitte à ce que la France en arrive à perdre plus encore, quelle importance, pourvu que les intérêts des capitulards qui les soutiennent soient plutôt garantis.
    On retrouve la clique capitularde de Bazaine face à Guillaume II, de Pétain, sa créature Laval et la clique de Vichy face au IIIème Reich…
    Maintenant les «responsables» de tous acabits se succèdent, planqués au sein de l’UERRSL qui est sous contrôle des USA par l’Allemagne !
    Rien ne change, sauf que la situation empire plus sûrement d’année en année depuis la décennie bénie du général De Gaulle !
    Il a tenu dix ans, mais ils ont réussi à le chasser, servant quasi les mêmes intérêts, les leurs acoquinés à ceux de la très haute finance apatride.

  • champar , 18 septembre 2021 @ 16 h 18 min

    Notre principal atout était notre présence en Nouvelle Calédonie or comme la France n’est pas fiable en la matière, ni fiable dans ses livraisons de matériel avec toujours une dose de moraline (cf la rupture de contrat sans raison avec la Russie pour les “Mistral” qui étaient terminés), il est logique que les acheteurs soient prudents quelle que soit la qualité du matériel vendu.
    Nous avions marché sur les plates-bandes des anglais dont c’est une ancienne colonie, pourquoi être surpris qu’ils reprennent leur place et que les australiens choisissent un partenaire plus fiable que la France actuelle ?
    Tout cela est une très mauvaise tragi-comédie, nous sommes victimes de nous-mêmes.

  • charles campi , 18 septembre 2021 @ 16 h 59 min

    Non, la commande passée avec la France concernait des sous-marins à propulsion classique diesel-électrique. celle-ci ne voulant pas, stupidement, exporter sa technologie nucléaire, même à ses alliés. Le résultat est là: Zorro-Trump (car c’est lui à l’origine de l’accord AUKUS) est arrivé et a raflé le contrat avec des sous-marins ancienne génération mais à propulsion nucléaire.

  • Delannoy , 19 septembre 2021 @ 12 h 20 min

    Bonjour : dans l’affaire des sous marins on ne parle pas beaucoup de Boris Johnson de la perfide Albion . il nous a fait aussi un coup dans le dos . alors il est temps de remontrer nos muscles :
    remettre en cause l’accord sur le filtrage des migrants a calais : qu’on les laisse passer : cela allégera notre fardeau .
    Et qu’on arrête de leur vendre du papier WC dont ils sont grand importateurs : la réaction va être immediate !
    Un retraite chti

  • Marcel Hubert , 20 septembre 2021 @ 0 h 35 min

    Crise des sous-marins :
    Magnifique, un scandale pareil, une humiliation pareille pratiquement digérée et expulsée en 24h, quelle efficacité la Macronie pour étouffer les dévastations consécutives que la niaiserie de ce gouvernement fait subir au pays. Faut dire que la presse est entièrement sous maîtrise…
    Pour Macron la priorité c’est l’emballage de l’Arc de Triomphe et les milliards pour Marseille.
    Merkel, Hollande et Macron on mit un sacré bazar en Europe, elle, elle part au bon moment…
    Espérons que prochainement, on n’entendra plus parler des deux autres non plus….
    De Gaulle serait sorti de l’OTAN illico presto dans la minute de l’annonce de la résiliation, d’ailleurs il n’a jamais voulu y entrer et comme ce n’était pas un amateur, il savait pourquoi….

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