Jean-Yves Le Gallou : «les recettes sortent, les dépenses entrent, les élus flambent»

Aux Nouvelles de France, nous donnons souvent la parole aux libéraux qui disent dans nos colonnes tout le mal qu’ils pensent de l’étatisme et du fiscalisme ambiants. Cette fois-ci, nous avons voulu connaître l’opinion d’un intellectuel identitaire, Jean-Yves Le Gallou, le président de la Fondation Polémia, dont nous publions régulièrement des travaux, sur ce sujet. Entretien.

Jean-Yves Le Gallou, on vous dit attaché à l’État, alors la révolte antifiscale vous en pensez quoi ?

La France est – hors poussée de fièvre – un pays où l’impôt rentre plutôt bien.

Mais à trop tirer sur la corde, la corde casse. Avec 57% de dépenses publiques dans le PIB, le seuil de tolérance est dépassé.

C’est de la faute à Hollande et aux socialistes ?

Pas seulement. Quand ils sont arrivés, le taux de dépenses publiques dépassait déjà 56% du PIB. L’UMP leur a laissé un héritage désastreux. La part des dépenses publiques dans le PIB  a explosé depuis 2007. C’est resté longtemps indolore pour le contribuable puisque c’est la dette qui a financé les augmentations de dépenses. Fillon – Premier ministre de Sarkozy – a déclaré en 2007 qu’il était « à la tête d’un État en faillite » puis il a endetté la France de 600 milliards (près de 4 mois de PIB) supplémentaires ! Et il se prend pour un « homme d’État » !

C’est la faute à Sarkozy, alors ?

Pas seulement ! Depuis 1981, pas un seul budget n’a été présenté en équilibre. La France a été dirigée par la dynastie des Endettors : Mitterrand, Chirac, Sarkozy et maintenant Hollande (qui fait à la fois de l’impôt et de la dette, chapô !). Les Français ont leur part de responsabilité : ils n’ont écouté ni Barre en 1988, ni Bayrou en 2007, ni Le Pen en 1988 et 1995. Les Français se sont laissés clientéliser. C’est le côté République bananière…

Il faut donc réduire le train de vie de l’État ?

C’est déjà ce qui se fait ! En fin d’année, les administrations n’ont plus de papier, la gendarmerie plus d’essence et les directeurs de ministère roulent dans des voitures dont les maires adjoints de ville moyenne ne voudraient même pas ! Quant à la revue générale des politiques publiques pensée par les grands cabinets de conseils anglo-saxons, son bilan est catastrophique : peu d’économies mais beaucoup de complexité technocratique et de démotivation. Sans parler de la réforme catastrophique des bases de défense.

Plus sérieusement, les dépenses de l’État au sens strict du terme représentent moins du tiers des dépenses publiques. Et le régalien pur (défense, affaires étrangères, justice, intérieur, patrimoine culturel et naturel, grandes infrastructures) de l’ordre de 10% du PIB… Et c’est là-dessus, et là-dessus principalement que les médias libéraux tapent. C’est étrange.

Où faudrait-il chercher les économies ?

Du côté de Leonarda ! Plus largement du côté des dépenses d’assistance qui explosent et singulièrement du côté de l’immigration : les gros bataillons de demandeurs d’asile coutent cher en logements et aides diverses, les clandestins coutent une fortune en aide médicale d’État (800 millions en 2013) sans parler de la CMU, de la complémentaire CMU et du RSA. Et c’est la délinquance venue d’ailleurs qui plombe les budgets de l’Intérieur et de la Justice. Mais là-dessus, le MEDEF et Les Échos sont d’une discrétion de violette…

Et le gaspillage des collectivités locales ?

Elles roulent à guichets ouverts et en klaxonnant. Rien n’est trop beau pour les maires et les présidents de région et de conseils généraux. Les subventions aux associations explosent. En Île-de-France, 200 millions de subventions en 2004, 800 millions maintenant. Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, c’est plus de 2 milliards de subventions aux associations, le plus souvent politiquement correctes ou de copinage : c’est insupportable. Et c’est dans les collectivités territoriales que l’absentéisme du personnel est le plus fort. Sans parler des emprunts toxiques sur lesquels maires PS, UMP et communistes se sont précipités. Quant aux nouvelles intercommunalités voulues par Chevènement, elles se sont construits des palais et sont une manne d’indemnités pour leurs élus. Le budget de la Défense va baisser de 12%, on pourrait bien baisser de 6% les subventions aux collectivités territoriales, non ?

“Les Français ont leur part de responsabilité : ils n’ont écouté ni Barre en 1988, ni Bayrou en 2007, ni Le Pen en 1988 et 1995. Les Français se sont laissés clientéliser. C’est le côté République bananière…”

Vous avez une théorie sur le déficit public ?

Elle tient en quatre phrases :

– les recettes sortent,

– les dépenses entrent,

– les dépenses de clientélisme explosent,

– et le déficit s’accroit chaque année de l’augmentation de la charge de la dette.

Développons ensemble : les recettes sortent…

« Trop d’impôt tue l’impôt » (Laffer) : il y a donc un exil fiscal des plus riches. Mais là n’est pas l’essentiel.

L’essentiel, c’est la délocalisation de la matière fiscale en Irlande ou au Luxembourg. Avec des montages juridiques artificiels et des pratiques financières douteuses, les grandes multinationales paient peu d’impôts dans les pays où elles réalisent leurs activités. Ainsi les grandes entreprises technologiques américaines implantées en France (Amazon, Apple, Google) en délocalisent 1 milliard d’impôts. Or elles bénéficient de clients français, d’ingénieurs français, d’infrastructures françaises (routes, postes, télécom, etc.). Ces impôts qu’elles ne payent pas, ce sont les PME qui les payent pour elles. Des PME dont le taux réel des impôts sur les sociétés est trois fois plus élevé que celui des grandes entreprises.

L’essentiel, c’est aussi les travailleurs des pays de l’Est, travaillant sous le statut de leur pays d’origine et ne participant donc ni aux frais généraux, ni aux frais sociaux de la France mais là aussi en bénéficiant.

L’essentiel, c’est enfin l’exode des forces vives, ces Français dynamiques et entreprenants qui vont créer de la richesse ou ailleurs. On peut le regretter mais sûrement pas leur jeter la pierre.

Les dépenses entrent…

Le « solde migratoire » camoufle cette réalité : d’un côté, des Français à haut potentiel qui sortent, de l’autre, des immigrés qui entrent pour occuper des petits boulots ou bénéficier de nos avantages sociaux ou médicaux. Avec un paradoxe : un État-providence généreux dont les recettes sont territorialisées sur l’hexagone (et encore, une partie en sort) et des dépenses qui potentiellement s’appliquent au monde entier avec des frontières poreuses à Lampedusa ou Roissy, Saint-Laurent du Maroni ou Mayotte.

Mais à la marge, cela concerne aussi les  travailleurs frontaliers qui produisent en Allemagne ou en Suisse (où, on les comprend, ils trouvent de bons emplois) mais bénéficient des protections françaises ou les expatriés qui viennent passer leur retraite (et les soins médicaux qui vont avec) en France.

Les dépenses de clientélisme explosent…

Notre système politique repose sur le scrutin majoritaire. Et le scrutin majoritaire facilite l’élection des maires comme députés. Le clientélisme municipal consolide la détention de leurs mandats : on ne vote pas contre le père Noël. D’autant que les députés s’arrangent pour que les recettes des collectivités territoriales soient indolores (les reversements de l’État) ou peu douloureuses (un enchevêtrement de taxes difficile à comprendre et une superposition de collectivités plus ou moins irresponsables). Résultat : les dépenses locales ont grimpé très vite.

L’augmentation mécanique de la charge de la dette…

Depuis 40 ans, les budgets sont votés en déficit. Et depuis 20 ans, l’inflation est jugulée. Résultat : la charge de la dette pèse, chaque année, à hauteur de 40 milliards sur le déficit.

Quels remèdes pour que cesse cette gabegie ?

Le discours convenu sur le « choc de compétitivité » ou ces « satanés 35 heures » n’est pas à la hauteur de l’enjeu. D’autant que la main d’œuvre française est plutôt productive. Il est illusoire – et indécent – de demander au travailleur français d’être payé 5 euros de l’heure. Il est non moins illusoire d’imaginer aligner notre fiscalité sur celle du Luxembourg ou de l’Irlande.

Il faut donc des remèdes de cheval ?

Oui. Il faut notamment mettre les collectivités territoriales et leurs élus à la diète et diminuer drastiquement les reversements qu’elles reçoivent de l’État. Quand ils auront perdu les élections locales, les socialistes le feront d’ailleurs !

Mais cela ne suffira pas. Il faut aussi changer de paradigmes. À tout le moins rétablir des frontières  physiques, économiques, sociales, juridiques pour reterritorialiser, remettre en phase la population, la production, la fiscalisation et les avantages sociaux.

Nous ne sortirons pas de la crise budgétaire sans profonds bouleversements.

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21 Comments

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  • 0 / 10
  • ranguin , 18 novembre 2013 @ 7 h 32 min

    Et çà qu’en pensez-vous ?
    http://www.insolent-montauban.com/?p=1061

  • micaelli , 18 novembre 2013 @ 7 h 34 min

    ” Les recettes sortent les dépenses entrent ” ,
    mais les immigrés entrent aussi en même temps que les dépenses …… !

  • Mizette , 18 novembre 2013 @ 8 h 09 min

    Tout à fait, c’est le bon sens même.
    Lorsque un Pays ne se suffit plus à lui-même, il ne peut être question de subvenir aux besoins de tous ces gens qui arrivent pour profiter de ce Pays, sans même l’aimer !

  • utopie , 18 novembre 2013 @ 8 h 31 min

    Tout à fait en accord avec Jean Yves Le Gallou , cela nous change des commentaires de supposés économistes comme Le chypre qui passe son temps à cracher sur la fonction publique d’état en martelant qu’il faut en réduire la dépense et oser dire que l’immigration rapporte 12 milliards à l’état Français .
    En effet, le papier d’imprimante, les fournitures..etc , sont de plus en plus rares ou de très mauvaise qualité , l’informatique défectueux n’est pas remplacé ..
    Par ailleurs, les fonctionnaires d’état qui partent en retraite ou mutés ne sont pas remplacés dans les départements(Dordogne, Lot, etc…) n’intéressant pas la gauche afin de les déployer principalement en Seine St Denis en, recrutant des “jeunes des cités”sans aucune qualification .
    En fait le gouvernement est en train de transformer une fonction publique d’état de qualité en une une véritable pompe aspirante de gens recrutés sans concours ou avec concours mais en fonction naturellement du nom et de l’origine , donc sans qualification, la discrimination positive fonctionnant à plein régime .
    Concernant les collectivités locales, il est vrai que beaucoup vivent très souvent au dessus de leurs moyens et ont souvent la folie des grandeurs .La discrimination positive fonctionne là aussi très bien pour accorder emplois, aides, subventions et autres petits extras culturels et autres à une certaine communauté dont je tairais le nom ,

  • Alexis , 18 novembre 2013 @ 8 h 41 min

    Il faudrait peut-être que les identitaires regardent un peu plus la France telle qu’elle est. Qu’ils aillent donc relire les ouvrages de Gustave Le bon ou Yves Guyot qui déjà à la fin du 19ème siècle pleuraient sur l’abaissement de la France. Il n’y avait pas tant d’immigrés que cela à l’époque, me semble-t-il. Si la France est dans le triste état dans lequel elle se trouve c’est aux français eux mêmes qu’elle le doit en premier. A force de créer des postes de fonctionnaires, en veux tu, en voilà; mais aussi de cracher sur les lois élémentaires de l’économie, nous en sommes arrivés à la situation actuelle. Si les français veulent moins d’immigration, qu’ils commencent par réduire le nombre de fonctionnaires. Car les immigrés ne sont là que pour faire tourner une machine devenue folle. Pour ceux qui doute, vérifiez donc les chiffres, Entre les fonctionnaires et ceux qui dépendent de l’état, il y a 7 millions d’individus en France qui sont payés par l’état. Sur 28 millions d’actifs !!!! On les paye comment ces gens sans les impôts et les immigrés qui viennent faire le sale boulot ?

  • V_Parlier , 18 novembre 2013 @ 10 h 02 min

    Un grand bravo pour ce résumé de la situation concis, efficace et percutant! Aussi, je suis heureux de trouver ici cette remarque que je lis beaucoup trop rarement et qui mérite d’être mise en valeur:

    “Le régalien pur (défense, affaires étrangères, justice, intérieur, patrimoine culturel et naturel, grandes infrastructures) de l’ordre de 10% du PIB… Et c’est là-dessus, et là-dessus principalement que les médias libéraux tapent. C’est étrange.”

    Et aussi: “Mais là-dessus, le MEDEF et Les Échos sont d’une discrétion de violette…”

    Encore une preuve du rôle de l’hyper classe mondialiste, bien à l’abri de nos problèmes, dans toutes ces décisions conformes au politiquement correct.

  • MarcS , 18 novembre 2013 @ 10 h 36 min

    J’espère qu’il faut comprendre :
    – moins d’aide aux émigrés
    – moins de soins gratuits pour ces derniers
    et non pas plus (+) mais vous avez certainement voulu dire
    – supprimer les aides ……
    – Supprimer les soins ….

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