Internet et la démocratie directe

Personne, aujourd’hui, ne conteste l’utilité d’Internet dans la vie quotidienne, mais il y a surtout un domaine, où aucun média ne peut l’égaler : l’expression directe des citoyens. Certes, les débats peuvent être souvent outranciers, voire vulgaires, mais en faisant le tri, on trouve toujours quelques réflexions intéressantes et pertinentes, grâce à la diversité des intervenants qui sont inévitablement de sensibilité, d’éducation ou de conditions très différentes. Un vrai patchwork humain, réelle représentation citoyenne de toutes les valeurs universelles.

Les humains ont toujours communiqué de deux façons : par l’oral et par l’écrit ; longtemps oralement, même après l’invention de l’écriture. Si l’oral reste la communication privilégiée des humains qui savent pourtant, que, comme on dit communément : “les paroles s’envolent, mais les écrits restent”, Internet a su, très justement appliqué ce vieil adage en ayant tendance à privilégier l’écriture, l’écriture directe (courriels et réseaux sociaux). Sa grande force est d’avoir su, tout de même, allié et croisé l’oral avec l’écrit, en développant ce concept par tous les moyens techniques possibles et en démultipliant les images et les sons, les dessins et les schémas. Tous ces moyens s’entremêlent et s’entrecroisent à l’infini dans toutes sortes de combinaisons, que les internautes eux-mêmes inventent tous les jours, pour former un outil ultra performant, une encyclopédie universelle, toujours en perpétuelle construction (Diderot et d’Alembert n’aurait pu rêver mieux) et une énorme bibliothèque, consultable dans le monde entier. Internet, c’est aussi, un stock impressionnant de ressources documentaires qui font reculer les murs de l’ignorance et de l’obscurantisme. En créant un universalisme du savoir, la connaissance, dorénavant accessible à tous, devient une compétence ; tout citoyen devient journaliste et peut intervenir immédiatement en envoyant des photos ou des vidéos informatives et dénoncer un fait-divers. Et la recherche de la vérité, ou tout au moins l’information la plus équitable possible, n’est plus utopique. Par la comparaison constante des renseignements, il se développe sur la toile, une efficacité redoutable pour tout individu désirant être un acteur politique, car c’est aussi par la somme de tous les acquis de chacun que l’internaute peut s’instruire, se cultiver et se former à l’intervention citoyenne. Il peut s’exprimer en toute liberté et sans retenue surtout quand il le fait sous couvert d’anonymat. Beaucoup ne s’en privent pas. D’autres préfèrent affirmer leurs idées et leur vraie personnalité avec leur patronyme.

De façon plus personnelle, l’échange permanent, même virtuel, développe chez ceux qui réfléchissent un peu, une aptitude à la remise en cause salutaire d’eux-mêmes et, plus globalement, de leur conception du monde. La multiplication des sites et des blogs critiques, des forums de discussions et des commentaires, atteste l’intérêt croissant de l’engagement des internautes, au point que même les médias traditionnels les utilisent pour affûter leurs informations.

Ce n’est pas par hasard que l’utilisation des nouvelles technologies comme vecteur de diffusion des idées a été prise à bras-le-corps par les partis politiques et plus particulièrement par le Front National qui est le premier parti en matière d’abonnés sur Facebook, sans compter la présence très forte de mouvements patriotes qui gravissent autour de ce parti. Un site comme “François de Souche”, en général très critique envers le système libéral et libertaire, est devenu une référence pour tous les autres sites, mêmes royalistes. Il occupe la première place en matière de visiteurs avec environ 80 000 visiteurs par jour, et a franchi depuis sa création en 2005, la barre des 50 millions de visiteurs. Marine Le Pen doit à Internet une grande part de sa popularité, qui lui a permis – son charisme n’y est pas pour rien – de s’imposer ensuite dans les médias traditionnels. S’il suffisait des sondages d’Internet pour la propulser à l’Élysée, il y a longtemps qu’elle y serait installée. Et, sachant cela, le Parti Socialiste au pouvoir ne s’y est pas trompé : il rêve de limiter la liberté d’expression sous prétexte de lutte contre la criminalité. Internet est déjà un dispositif intéressant pour la démocratie directe et participative, mais a besoin pour se développer d’une liberté totale. Quand le peuple peut s’exprimer sans entraves, il fait toujours avancer la démocratie ; c’est quand il est bâillonné que l’histoire fait du surplace, ou pire, peut basculer en arrière… Les citoyens doivent se saisir pleinement de cet outil pour affirmer et imposer leurs aspirations. Et en revendiquer l’accès pour tous.

Évidemment, le virtuel ne remplacera jamais le réel. Le dialogue et le débat entre personnes physiques resteront toujours prépondérants : c’est humain. Mais Internet peut devenir, dans bien des cas, un lien d’approche pour stimuler et enrichir les rencontres intellectuelles.

Related Articles

19 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Pascal , 18 décembre 2014 @ 19 h 24 min

    Oui, l’universalité de la technique va paradoxalement de pair avec une balkanisation culturelle.

  • Enoch , 19 décembre 2014 @ 12 h 33 min

    Il est finalement assez logique que dans un monde sans « limite », l’homme qui est un animal social et qui se construit autour des limites des groupes (familles, culture, culte, nation), cherche un groupe d’affiliation.

    On détruit les nations, le sentiment d’appartenance nationale, on recrée de facto du tribalisme et du communautarisme.

    Ce qui se passe était prévisible pour qui conque s’intéresse à la nature intrinsèque du mammifère sociale qu’est l’être humain. Nous nous construisons au travers de nos interactions avec les limites.

    On peut aussi en conclure que le sentiment national, malgré la propagande de masse, est loin d’être mort.

    Je voulais aussi rebondir sur votre remarque de Mc Luhan. En terme de propagande de masse (masse media), le medium est vraiment le message. Si on regarde la chute du pays en terme de pensée politique complexe, elle correspond à l’avènement de la télévision comme media dominant.

    Nous sortons du medium de l’écriture. L’écriture et la lecture sont le temps longs, le temps de la réfection complexe et subtile. Même si les mots sont piégeurs. Ils le sont moins que l’image et le son.
    La télévision c’est le règne de l’émotion, c’est le règne des affectes, des archétypes. Avec la télévision nous touchons des couches inferieures de l’organisation du cerveau, la couche archétypale, décrit par Jung. Nous sommes dans le monde du rêve et non, le monde du réel conscient.

    Toute la société se fait piégé par cet outil de déformation du réel. Le rêve c’est une autre dimension de la vie, la télévision aussi !

    Nous sommes revenu dans un monde du symbolique, le monde des chamanes du néolithiques ?

    Dans un monde comme celui-ci, les croyances dans l’irréel ne peuvent que se multiplier. De nouveau mythes vont apparaître.

    Internet démultiplie cette réalité par ses flux multidirectionnels qui vont remettre en cause toutes les institutions construites sur le monde de l’écrit.

    Nous en vivons les prémices. Il est encore difficile d’imaginer toutes les conséquences. Mais elles seront nombreuses et inattendues. Pour le meilleur comme pour le pire.

  • Pascal , 19 décembre 2014 @ 18 h 29 min

    Dans Un mythe contemporain : le dialogue des civilisations, Régis Debray, pour faire comprendre ce qu’est une civilisation, rappelle dans un premier temps les différences fondamentales entre un système technique et un système culturel :

    « Un système technique est de courte durée, et atteint aisément l’échelle planétaire. Il n’existe par exemple que 2 voltages électriques dans le monde, vieux de moins d’un siècle. Les progrès techniques sont en général irréversibles.

    Un système culturel existe en revanche dans la longue durée, et à l’échelle locale. Il existe ainsi encore 3000 langues, vieilles pour certaines de plusieurs millénaires. Les progrès culturels ne sont malheureusement pas irréversibles.

    Selon Régis Debray, un système technique ne peut donc être à l’origine d’un système culturel. Si un réseau routier et ferroviaire est par exemple nécessaire pour construire l’Union Européenne, il est bien insuffisant à créer une identité européenne. Au contraire, la mondialisation technique s’accompagne d’un mouvement inverse de balkanisation et d’affirmation renforcée des identités culturelles. En effet, l’uniformisation technique à grande échelle, atténuant les particularités locales, conduit, par rééquilibrage, à un renforcement ethnique, afin de garantir ce que Régis Debray appelle le “thermostat de l’appartenance”.»

    Source Wiki

    Par ailleurs gardons à l’esprit que les islamistes qui ont fait les «beaux jours» des universités égyptiennes durant les décennies écoulées se trouvaient principalement dans les filières scientifiques.

    Nous ne sortons pas de la graphosphère mais de la vidéosphère. Trop long à expliquer dans un modeste commentaire.

  • claude picard , 20 décembre 2014 @ 12 h 52 min

    @ Enoch

    Il existe un danger, pour certains usagers d’Internet, de déconnexion avec le réel, de fascination facile et de radicalisation, mais mon propos n’était pas sur l’usage global d’Internet. Il ne s’agissait que de démocratie directe et là, je pense que cet outil est imbattable, et pour la connaissance, et pour la diffusion des idées, et pour l’échange intellectuel. Il faut apprendre à savoir faire le tri et à savoir prendre ses responsabilités.

    Les apprentis djihadistes savaient déjà ce qu’ils cherchaient sur Internet. Ils n’ont eu que la confirmation de leur engagement…

  • Elégant , 22 décembre 2014 @ 10 h 31 min

    @tartemuche
    Par deux fois, j’ai signalé, à la suite de votre post relatif à la fermeture de “Minurne résistance”, l’existence d’un site (qui lui ne sera jamais interdit) du nom de debunkers , site prônant, notamment, la dénonciation des propos soit-disant, factieux.
    Par deux fois, mon commentaire a été rejeté.

    @Éric Martin
    Pour rappel, votre entretien sur Enquêtes et Débats, lors de la création de N.D.F
    Question: Que pensez-vous de la liberté d’expression aujourd’hui dans le pays ?
    Réponse: Elle est bafouée comme de nombreuses autres libertés (de vivre, de se défendre, etc), ce que nous regrettons bien évidemment.

    @Guillaume de Thieulloy
    En qualité, également, de directeur de Riposte Catholique, de L’Observatoire de la Christianophobie, et du Salon Beige, vous êtes le garant de la liberté d’expression sur N.D.F. La charte des commentaires étant réduite à la portion plus que congrue (zéro), il est impossible de savoir ce que N.D.F considère comme “acceptable” en terme de liberté d’expression.
    Comment, donc, faut-il interpréter que deux de mes commentaires informatifs aient été interdits de diffusion ?

    “Quand le peuple peut s’exprimer sans entraves, il fait toujours avancer la démocratie ; c’est quand il est bâillonné que l’histoire fait du surplace, ou pire, peut basculer en arrière… Les citoyens doivent se saisir pleinement de cet outil pour affirmer et imposer leurs aspirations. Et en revendiquer l’accès pour tous.”
    Lu dans: Internet et la démocratie directe

Comments are closed.