Lettres au père Jacob, « une confrontation menant à la rédemption »

Un film de Klaus Haro.

Ce film est d’une telle intensité dramaturgique, qu’il est heureux qu’il soit si court. Pour autant il ne se passe rien ou pas grand-chose le récit est d’une banalité trop simple : un curé demande en urgence une secrétaire car il est aveugle, et il faut absolument que son courrier soit lu pour qu’il puisse y répondre.

Or voici donc une nouvelle secrétaire particulièrement mal embouchée et décidée à repartir sur le champ. Cet homme de Dieu dont on ne sait trop s’il s’agit d’un pasteur ou prêtre catholique, l’invite à sa table, la sert et commence à essayer de la faire travailler.

L’acharnement négatif de Léila de ne pas faire ce qu’on lui demande ne semble pas ébranler la détermination du prêtre, quelle que soit sa souffrance devant cette créature brute d’enfermement.

On entre alors dans un huis clos terrible, comme une lutte à la mort à la vie, entre la volonté bonne d’un homme qui ne sait que donner et se donner et la volonté mortifère de cette femme ; étrange ballet, surprenante confrontation dont on peut que s’interroger sur l’issue fatale auquel il faudra tenter d’échapper.

L’ébranlement de cet homme est aussi psychique, car à travers ces lettres ce sont autant de misères, de souffrances et de désespoirs qu’il doit absorber. S’il ne tient que par la prière et la contemplation intérieure l’homme n’en est pas moins soumis à des forces qui semblent le dépasser, et s’il n’y a aucun faux surnaturel la vie recluse de cet homme dont le seul contact avec l’extérieur est donc cet échange épistolaire et la visite quotidienne du facteur sur son vieux vélo grinçant.

Aussi, lorsqu’il se retrouve seul dans son église, abandonné des hommes, comme reclus, il ne trouve plus la prière, ne sait plus s’adresser à Dieu ; sa déréliction est totale ; derrière le don y aura il le vide ?

Ce film est donc d’une rare violence de celle qu’il faut pour s’empare du royaume des cieux comme le christ lui-même le rappelle.

Au fur et à mesure que se déroule ce film dans lequel il ne se passe « rien », on assiste comme à un glissement de la violence entre Leila et le vieil homme condamné ne pas sombrer comme tenu à l’héroïsme.

Il se peut que ce soit trop pour lui, mais qu’au bout du chemin au prix de son sacrifice il y ait comme une rédemption.

Tout en discrétion et silence, servi par une superbe musique classique et une extrême sobriété de paysages extérieurs, ce film a minima, servi par un jeu exceptionnel de justesse des acteurs est une liqueur à réserver aux amoureux des sensations fortes.

Ou plus simplement aux amoureux du beau quand, parfois, il nait de la plus extrême déréliction.

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