Socialisme : la querelle des anciens et des modernes

En général, je ne m’occupe pas du socialisme, j’ai mieux à faire. D’une part, tout a été dit sur cette doctrine depuis qu’elle existe, ce qui aurait dû en éloigner tous les gens sains d’esprit. D’autre part, je crois plus utile de m’occuper du libéralisme, de l’expliquer et de le promouvoir dans un pays qui l’ignore depuis des siècles mais qui va peut-être le découvrir. Je fais une exception aujourd’hui à cause de la « querelle des anciens et des modernes » qui a éclaté la semaine dernière.

 

Or donc, Madame Aubry et Monsieur Valls ont échangé quelques aménités. Pour Aubry, Valls est ringard et le socialisme de l’avenir c’est celui qu’elle professe. Pour Valls, Martine Aubry a un message du XIXème siècle alors qu’il faut installer le socialisme du XXIème. Cette querelle évoque l’affrontement au congrès de Tours en 1920, au cours duquel la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) a explosé, la majorité créant le Parti Communiste Français, en liaison étroite avec Lénine, et les minoritaires demeurant socialistes (Léon Blum). Pour les uns, le socialisme doit triompher grâce à la révolution prolétarienne (et au coup d’Etat), pour les autres, le socialisme vaincra à travers le processus démocratique. Entre réformistes et révolutionnaires la lutte a été permanente.

Mais qu’importe la branche du socialisme, révolutionnaire ou réformiste, ancien ou moderne, puisque de toute façon il s’agit de socialisme ? La division des socialistes n’efface pas la nature du socialisme, qui inspire aussi des personnes qui ne se sont pas encartés au PS. Hayek s’adressait « aux socialistes de tous les partis », car on les trouve aussi bien à droite qu’à gauche, aux extrémités qu’au centre.

Or, par nature, le socialisme est constructiviste, collectiviste, matérialiste et je pourrais allonger encore la liste de ses vices de constitution.

Constructiviste, le socialisme se propose de bâtir la société parfaite : juste, prospère, fraternelle. C’est la « présomption fatale » des utopistes, de ceux qui dessinent le plan de la société et n’ont de cesse ensuite de vouloir l’imposer à tout le monde : serait-on assez fou pour refuser le bonheur de l’humanité ? Les opposants au plan sont les ennemis de la science et du peuple : guillotine, goulag et camps de la mort.

Collectiviste, le socialisme nie la propriété privée. Non seulement, elle serait source d’exploitation et d’inégalités injustes, mais elle serait un  moyen de contrôler l’Etat. La propriété flatterait l’individualisme, l’esprit de lucre ; à travers l’héritage, elle perpétuerait les écarts de richesse. C’est parce qu’il s’oppose à la propriété privée que le socialisme est rejeté par Léon XIII dans le premier chapitre de l’encyclique fondatrice de la doctrine sociale de l’Eglise Catholique : Rerum novarum. Tout ce qui va avec la propriété, comme l’échange, le contrat, est condamné par le socialisme.

Matérialiste, le socialisme ne voit dans l’humanité qu’une lutte pour la richesse, le résultat des rapports de force au sein du monde économique, l’histoire elle-même serait animée par la dynamique des modes de production. Les valeurs spirituelles ne seraient que tromperies pour masquer la réalité sociale (« la religion, opium du peuple »), la morale serait faite et imposée par la classe dominante. De même, l’Etat et le droit ne seraient que moyens d’oppression des possédants, puisque ce sont eux qui les contrôleraient.

J’en viens à des considérations plus pratiques et plus actuelles. Tout d’abord, il faut se dire que le socialisme a vécu et que ceux qui essaient d’en sauver quelques bribes ne pourront pas aller très loin. Les « anciens » appartiennent sans doute au passé, mais les « modernes » tout autant. Aucune conversion, aucun placage du socialisme sur quelque sociale démocratie ou démocratie libérale ne peut effacer les tares fondamentales de la philosophie socialiste. Ainsi doit-on se tenir loin de toutes les tentatives de « bricolage » du vieux tacot socialiste. Pourquoi certains discours hostiles à la propriété, à la liberté d’entreprendre et d’échanger, au profit ? Bannissons ceux, de tous partis, qui prêchent le socialisme sans le savoir. Bannissons aussi toute tentative de « troisième voie », la troisième voie est une impasse, puisqu’elle prétend mêler deux logiques incompatibles : la logique de commandement et la logique de liberté.

Ensuite le socialisme peut nous servir de négatif et révéler l’image du libéralisme. Ne nous attardons pas sur les erreurs, les mensonges et les scandales dont le gouvernement actuel nous régale. Expliquons pourquoi les socialistes en sont arrivés là : ils croyaient au socialisme. D’autres ne croyaient en rien, sinon aux honneurs et aux mannes du pouvoir, mais le socialisme est plus efficace de ce point de vue parce qu’il gonfle les dépenses publiques et élude toute responsabilité.

Le libéralisme est à l’inverse exigence de rigueur, de réduction de la sphère publique jusqu’à son minimum régalien, d’initiative responsable, de libre choix et d’épanouissement personnel. Le socialisme procède du scientisme, le libéralisme de l’humanisme. Le libéralisme n’est ni ancien, ni moderne, il est de tous les temps parce qu’il est naturel, il apporte à l’homme la liberté qui lui permet d’épanouir sa dignité.

> Jacques Garello préside l’ALEPS et anime le site Libres.org.

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