Ma «garde à vue pour tous», le 15 avril 2013

par Jacques

Le camping

Dimanche 14 avril dans la soirée je reçois un texto d’un ami m’informant d’un « camping pour tous » devant l’Assemblée nationale. Je m’y rends peu avant minuit, motivé par le temps clément.

Sur place, plusieurs dizaines de personnes sont déjà présentes, tranquillement assises à jouer aux cartes ou bavarder à voix basse. Quelques tentes et sacs de couchage sont déployés. Tout est calme. Quelques gendarmes sont présents.

Des sympathisants continuent d’arriver et se joignent à nous. Puis plusieurs cars de gendarmes mobiles prennent position autour de la place et les effectifs autour de nous. Arrivée également du sénateur Pozzo di Borgo ceint de son écharpe.

Peu après, le sénateur discute avec le commissaire de police présent, lui demandant de ne pas intervenir sachant que ce lieu est le siège de nombreuses manifestations. Il appelle également le directeur de cabinet du Préfet de police, visiblement sans obtenir gain de cause.

Puis le commissaire nous somme de nous disperser car le rassemblement n’est pas autorisé. Quelques rares personnes lèvent le camp sans encombre avant que le cordon de gendarmes ne se resserre sur nous.

Commence alors le ramassage des campeurs. Nous nous tenons par les bras tandis que les gendarmes nous saisissent, nous tirent par les pieds, par les bras, nous collent le nez au sol, nous portent dans le panier à salade. Il est 0h50.

Dans le car nous nous retrouvons avec plaisir, chantons, nous prenons en photo, filmons les gendarmes en action, tweetons. Nous scandons aussi quelques slogans révolutionnaires : « Les gendarmes à St Tropez » « Apéro chez Flamby » ou encore le classique « les gendarmes avec nous » et bien sûr un hymne national pour la route.

L’Évangile

Petit Paris by night toutes sirènes hurlantes au frais du contribuable pour se retrouver dans le 18e arrondissement, rue de l’Évangile. Descente du car pour arriver dans une cour entourée de barbelés où nous sommes mis en lignes, encadré chacun de deux gendarmes. On ne sait pas ce qui va suivre ; on s’attend à un contrôle d’identité et retour au bercail.

Les gendarmes qui nous « surveillent » ont l’air plutôt détendus et ne cachent pas leur sentiment de ne pas savoir pourquoi ils sont là… Le dispositif s’allège, des conversations se lient.

Suivent des échanges très instructifs dans lesquels on peut entendre des militaires dire : « Par ma famille je suis très proche de votre combat » ou mieux encore : « Les consignes d’action contre vous sont disproportionnées, je ne sais pas jusqu’où on pourra suivre ».

Moins drôle, nous apprenons que nous serons mis en garde à vue (GAV), donc 24 heures d’enfermement en perspective et risque de poursuites pénales. Bon, je n’ai pas de rendez-vous demain alors soit ! Amusant toutefois d’entendre de la bouche de nos amis gendarmes que le commissaire agit, à son corps défendant, sur ordres venus « de haut »…

Le violon

Après plus de 2 heures d’attente (heureusement il fait très bon et le ciel est clair), je suis appelé pour le contrôle d’identité et la signification de la GAV. S’ensuit la fouille, la confiscation de tous objets, montres et bijoux et même des soutiens-gorge des femmes ! J’échappe, je ne sais pourquoi, au retrait de mes lacets alors que d’autres finissent pieds nus car les leurs ne peuvent pas s’enlever.

Vers 4h du matin je suis mis en cellule. Dans la mienne, environ 25 mètres carrés, nous sommes 21, moyenne d’âge de moins de 25 ans. Nous ne tenons pas tous assis sur les bancs, certains sont sur le sol. Les premières heures sont occupées à chanter et un vaste répertoire est connu. Ambiance scoute.

Très rapidement la température monte, les murs et le plafond sont vite couverts de buée. Un moyen de prendre de l’air frais est de demander à aller soulager certains besoins naturels pour lesquels nous sommes consciencieusement accompagnés. On en profite pour boire un peu d’eau au robinet avant de revenir en cellule où l’on est immédiatement pris par la chaleur et par l’odeur de poney qui règne. Ces petites diversions permettent de remarquer que deux personnes sont menottées à un banc dans le couloir. Ce sont les mineurs qui ont été pris avec nous !

Vers dix heures à la suite d’une visite d’un médecin, car certaines jeunes filles auraient eu des malaises, les portes sont laissées ouvertes avec un garde devant chacune. On commence à discuter avec eux sur un ton de plus en plus convivial. Ils sont étonnés de devoir faire du « baby-sitting » et satisfaits de ne pas être pris à parti par leurs pensionnaires ou encore d’entendre des chants « en français » dans ces lieux.

Peu à peu, les discussions avec les policiers sont franches et presque amicales. On apprend ainsi que dans la cellule voisine sont les personnes suspectées d’avoir poignardé deux jours plus tôt Samuel Lafont, militant LMPT. Ça ne provoque aucune réaction parmi nous.

Le chef de poste fini par nous laisser sortir dans le couloir, ce qui a deux mérites immédiats. D’abord de pouvoir respirer librement et ensuite de faire de la place sur les bancs pour ceux qui veulent dormir, bien que certains se sont résolus à se coucher sur un sol plus que douteux. Cette liberté nous sera laissée jusqu’à la fin.

À l’heure du déjeuner, des surgelés tièdes, pompeusement appelés lasagne, nous sont servis et retentit alors un bénédicité. Stupeur des policiers.

Le temps commence à devenir long et l’après-midi est plutôt morne malgré la clémence de nos gardiens. Coupés du monde, sans occupation, des rumeurs sur notre heure de sortie circulent. Des signes d’énervement apparaissent chez certains mais la bonne humeur reste de mise.

Dans l’après-midi, Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson, députés UMP, viennent visiter les lieux. Ils sont accueillis par de chaleureux applaudissements vite calmés car nous n’avons pas le droit de communiquer avec les gens de l’extérieur.

Un commissaire en tenue vient aussi jeter un œil sur nous. Le responsable présent sur place nous prie presque de rester sages (en gros de rester assis et de parler doucement) car il nous a déjà laissé beaucoup de latitude.

Ces petits intermèdes sont biens brefs dans l’attente que se fait longue.

La quille

Vers 17h, nous apprenons que nous sommes libérés avec un rappel à la loi. Soulagement général. Mais il faut encore accomplir les formalités de sortie et comme nous sommes 67, ça prend du temps. On récupère nos affaires, on remercie les policiers, on sort.

Dehors, je découvre avec plaisir des dizaines de personnes présentes et la presse.

On nous donne des oranges.

Lire aussi :
> Le Commissariat pour Tous, Mariton et Poisson à la rescousse

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28 Comments

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  • 0 / 10
  • Gisele , 18 avril 2013 @ 14 h 56 min

    Vous devriez voir la nouvelle pub du site de voyages kayak !!!!
    Edifiante !!!!
    Mais comme ça vole bas ..et que les Français auxquels ce message subliminal est destiné sont bouchés et indécrottables .. c’ est à dire 23 pour cents ….. ( tiens ? avec l apostrophe , le pourcentage ne fonctionne plus ) …………….

  • Gisele , 18 avril 2013 @ 16 h 24 min

    Moi j’ ai manifesté pour les écoles libres à Nantes et mon mari était de l autre côté de la barrière

  • J.P Lussan , 18 avril 2013 @ 17 h 04 min

    On peut obéir sans être obligé de faire du zèle et encore moins de la provocation

  • Gwalchavad , 18 avril 2013 @ 17 h 48 min

    Visiblement là cela n’a pas été le cas.
    ils ont été apparemment correctes

  • Poupette , 18 avril 2013 @ 19 h 36 min

    Peut-être pas bannanière, mais proche blochévique… la république!!! Je trouve désolant d’entendre certains se laisser aller à perdre confiance dans ce mouvement! Ne rien lâcher est vraiment le “gros” mot d’ordre! Gros, oui!!! à en croire certains députés de gauche, la france silencieuse qui paie sans moufter commence à vraiment leur faire peur! Et ce n’est pas en entonnant le temps des cerises en montant fièrement à la tribune que mme taubira va se refaire une beuaté “communicative” avec nous! Non! elle qui se dit choquée du manque de respect que certains manifestants (moyenne d’âge de 0 à 99 ans) ont vis à vis du gouvernement, parce qu’ils osent manifester, alors qu’elle même ose ouvertement se foutre de nous en chantant! pfffffff!!! attention à ce que la “carmagnole” ne se renverse pas et se reprenne en “sens inverse”! Ce serait presque marrant de voir la révolution dans l’autre sens!

  • emmanuel , 18 avril 2013 @ 20 h 43 min

    Je pense que si ils ont une conscience et qu’ils ne veulent pas mettre en péril leur job et leur carrière, ils peuvent se mettre en arret maladie… ils ne s’en privent pas d’habitude pour partir en week-end, garder le petit dernier, repeindre la cuisine… Mais encore faut il avoir une conscience

  • istina , 19 avril 2013 @ 7 h 54 min

    Ce matin 19 Avril, une certaine Frigide Barjot passablement excitée accuse sur R.M.C,des Jeunes d’Extrême Droite, de faire preuve de violence et demande leur incarcération.
    il ne vient pas à l’idée de la Dame en question, que les présumés d’extrême Droite, pourraient être en réalité des provocateurs d’Extrême gauche spécialistes de l’Entrisme????
    j’ai la nette impression que cette femme est un sous-Marin de
    l’U.M.P.

    J’aimerais qu’elle nous explique ce qu’est l’extrême Droite ? qui
    dans sa bouche équivaut au Fascisme qui lui, est mort l le
    7 Mai 1945 et qu’ils nous ressortent à tous propos comme le
    Loup Garou du Moyen âge

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