Yves Pendeliau : Otage au Qatar. La diplomatie française aux abonnés absents

Yves Pendeliau, c’est ce citoyen français originaire de Paray-le-Monial bloqué au Qatar pour un litige locatif et dont la diplomatie française ne semble pas pressée de s’occuper. Alors que sa sœur, déjà malade, a entamé il y a 13 jours une grève de la faim pour faire réagir les autorités compétentes, Nouvelles de France a choisi de lui ouvrir ses colonnes. Entretien sans langue de bois avec un Français au bout du rouleau, désormais prêt à s’évader si les actions en cours n’aboutissent pas.

Yves Pendeliau, depuis quand êtes-vous bloqué au Qatar ?

J’y suis bloqué par un travel ban (une interdiction de quitter le pays, ndlr) daté du 4 juillet 2011 ou la seule raison donnée est que je ne dois pas m’échapper parce que je suis étranger, entre parenthèses français

Ce document n’est passé par aucun dépôt de plainte en justice, en conséquence le cas ne sera pas jugé

Que faisiez vous dans ce pays ?

J’y suis toujours. Je suis technicien dans l’industrie du gaz

De février 2007 a décembre 2008 pour CTJV (Chiyoda –Technip Joint Venture) ou j’ai participé aux activités de construction/mise en route du projet Qatargas 2 dans des activités telles que Safety, gestion/coordination des permis de travaux, participation technique aux activités précitées

De janvier 2009 a fin mars 2011, passage chez le client final de CTJV : Qatargas , pour tous les projets de Qatargas à l’intérieur et à l’extérieur du plant comme Risk mitigation Lead (Prévention du risque) dans toutes les zones de construction et de mise en route situées dans la zone industrielle de Ras Laffan (RLIC).

Le 28 avril, j’ai rejoint Qatar Shell sur demande de l’un de leurs responsables du moment et j’y suis toujours. Je gère toutes les activités relatives à Qatar Shell effectuées dans les zones RLIC.

Je travaille encore ici pour pouvoir nourrir ma famille mais aussi pour pouvoir conserver mon visa de résident au Qatar car sans visa résident, on ne peut plus travailler et l’on doit quitter le pays ou l’on reste tout de même bloqué par ce travel ban. C’est du travail obligatoire dans un but de survie

Pour quelles raisons vous interdit-on de quitter le pays ?

Comme je vous l’ai dit, la seule raison écrite sur le travel ban est que je ne dois pas m’échapper parce que je suis étranger (français).

Le reste des commentaires ne sont que des excuses infondées dans un but d’extorsion de fonds écrites sur un document auquel on a donné une apparence officielle

Ce genre de litige est-il courant au Qatar ?

De nombreuses personnes de toutes nationalités sont bloquées ici de cette façon, dont actuellement des Français dont le cas et l’identité peuvent être obtenues au Quai d’Orsay.

C’est ici, apparemment, une pratique commerciale normale…

“De nombreuses personnes de toutes nationalités sont bloquées comme moi au Qatar, dont actuellement des Français dont le cas et l’identité peuvent être obtenues au Quai d’Orsay.”

Comment avez vous appris que vous ne pouviez plus quitter le pays ?

Le 24 juillet 2011, j’ai été rejeté au contrôle des passeports de l’aéroport international de Doha sans aucune explication puis je me suis rendu dans trois « cours de justice », à la troisième, on m’a remis quelques documents en langue locale et on m’a dit que j’avais une semaine pour rejeter les termes des documents.

Ce jour-là, mon épouse Theresia, mes deux filles, Marie-Lou et Gwenaëlle m’attendaient à l’intérieur de la zone internationale de l’aéroport de Doha pour qu’en famille nous puissions passer des vacances d’été en France où m’attendait mon fils Thomas, ma soeur Nicole et son fils Adrien,

Il n’y a pas eu non plus de fêtes de fin d’année familiales, ni d’anniversaires, ni de vacances d’été 2012. Mon épouse et mes enfants, ma soeur Nicole qui est lourdement handicapée par une polyarthrite rhumatoïde, ont été malades ou en difficultés et je n’ai pas pu être à leurs côtés pour leur apporter mon soutien.

La diplomatie Française, par le biais de son ambassade, n’a pas trouvé anormal que j’aie été bloqué au contrôle des passeports et ne s’est absolument pas indignée que je n’aie pas été autorisé à rencontrer mon épouse accompagnée dont deux filles de six et trois ans. Elle ne semble pas non plus juger anormal que des Français soient bloqués au Qatar contre leur gré…

Vous sentez vous prisonnier ? Otage ?

Je suis otage a l’intérieur des frontières du Qatar.

La preuve, c’est qu’il y aurait (je parle au conditionnel car on me l’a dit par oral) en ce moment et depuis quelques jours, une négociation privée de ma rançon (sans passer par aucune procédure judiciaire et sans être connue de la justice) avec la partie adverse afin que je puisse quitter ce pays. Il semble que ceux qui gèrent cette négociation souhaitent que celle-ci se termine avant la rentrée sociale.

Ma soumission aux exigences de la partie adverse, sans que le justice ni la diplomatie n’y soit mêlées (officiellement) est le seul but voulu depuis juillet par la diplomatie française qui n’a pas hésité à me faire manipuler et à me traîner dans la boue par trois courriers diffamants ou j’y suis montré du doigt comme le seul coupable alors que je suis la seule victime (avec ma famille) de ce diktat inhumain.

L’ambassade de France m’a abandonné et, aujourd’hui, je me retrouve livré à moi-même en pays étranger. Elle a agi contre mes intérêts et ne m’a apporté ni soutien humain ni soutien psychologique.

Je n’ai d’ailleurs pas été invité aux festivités du 14 juillet 2012 à l’ambassade de France, ni d’ailleurs à aucune autre festivité ; je peux supposer que la narration de mon histoire en public aurait perturbé le sceau du secret diplomatique…

“Il n’y aura pas de régularisation mais le paiement d’une rançon dont le montant n’est pas encore établi et à mes frais.”

Où en est aujourd’hui votre dossier ?

Pour résumer de façon courte : le 25 juillet 2011, les services consulaires de l’Ambassade de France à Doha m’ont recommandé l’avocat-conseil de cette ambassade pour défendre mon dossier.

Celui-ci était en réalité un conseiller juridique français qui n’était pas autorisé a plaider en cour de justice, n’a jamais transmis mon dossier à un avocat qatari apte à le défendre, et a abandonné mon dossier sans le défendre en décembre 2011, me laissant livré à mon sort sans avocat pour me défendre, à la totale merci de la partie adverse puisque l’ambassade de France n’ayant pas pris contact avec les autorités locales. Je ne bénéficie donc pas de la protection consulaire…

Le tout avec l’approbation de l’ambassade de France au Qatar, je tiens à le souligner, dont le but était apparemment de me placer (entre juillet et décembre 2011) dans un état de désarroi tel que j’aurais cédé à toutes les exigences de la partie adverse sans que ni la justice locale ni la diplomatie française n’y soient mêlées en aucune façon. Ce conseiller juridique français qui n’avait pas de bureau dans l’ambassade mais dans un cabinet d’avocat privé de Doha a tout de même encaissé la somme de six mille qatari riyals (environ 1 250 euros) pour une prestation qu’il savait qu’il n’exécuterait pas.

Si cette affaire était passée par un dépôt de plainte en de justice, les autorités du Qatar auraient dû appliquer l’article 36-1-b de la Convention de Vienne ; ce qui ne peut pas être le cas pour une affaire de complaisance qui ne passe pas par un procédure en justice. L’ambassade de France m’aurait alors déclaré sous protection consulaire aux autorités locales ; ce qui n’a pas été le cas.

Constatant que mon statut se dégradait suite aux actions de l’avocat-conseil de l’ambassade et étant dans un état de détresse provoqué par les manipulations morales, j’ai fait appel début septembre aux services d’un fort médiatique avocat de Marseille ; bien que le virement de la somme demandée pour sa prestation ait été effectué, ce cabinet n’a pas défendu mon dossier

Suite à cet état de fait, j’ai contacté un cabinet d’avocats en Suisse en mai 2012, pensant que dans ce pays, la diplomatie française n’aurait pas d’influence. Ce cabinet m’a orienté vers Maître William Bourdon qui a immédiatement accepté de prendre en charge mon cas.

Un accord tacite aurait eu lieu en juin 2012 entre mon avocat Maître Breham (associé de Maître Bourdon) et la partie adverse pour céder partiellement a ses exigences par le séquestre d’une somme communément établie en accord avec l’article 405 de la loi commerciale du Qatar.

Mon avocat Maître Breham est venu de France à Doha pour rencontrer un des membres de la partie adverse dans l’enceinte de l’ambassade de France le 29 juillet 2012 ; sans surprise, cette partie adverse a émis de nouvelles exigences toujours aussi dictatoriales et infondées mais, malgré ces nouveaux éléments, un nouvel accord pour un séquestre d’une somme plus importante sur le compte bancaire de l’avocat de la partie adverse a été trouvé.

“Si les actions en cours n’ont pas de succès , je n’aurai pas d’autre choix que celui d’envisager une évasion du Qatar.”

Le 9 août, j’ai reçu un courriel de Maître Breham contenant les termes suivants :

Cher Monsieur,
Je viens d’apprendre que le propriétaire était revenu sur les engagements qu’il avait pris.
Nous avons donc saisi en extrême urgence à la fois le Procureur du Qatar, l’ambassadeur du Qatar et avons sollicité l’ambassade de France pour qu’elle fasse de même.
Nous faisons bien évidemment notre maximum et ne manquerons pas de vous tenir informés de toute évolution de la situation.

Comment le litige pourrait se régulariser ?

Il n’y a pas de conflit, seulement un diktat dont nous souffrons, ma famille et moi.

Il n’y aura pas de régularisation mais le paiement d’une rançon dont le montant n’est pas encore établi et à mes frais.

Comment réagissent les autorités françaises ?

Elles ont agi contre mes intérêts et au bénéfice des ceux qui me tiennent ici en otage.

Votre sœur, Nicole Pendeliau, a entamé une grève de la faim. Que pensez-vous de cet ultime tentative ? Cela fera-t-il réagir la diplomatie française ?

Comme un autre grand malheur ajouté a ceux existants. Depuis douze jours, Nicole détruit inutilement sa santé déjà très fragilisée par une polyarthrite rhumatoïde déclarée il y a quatre ans. Cette grève de la faim n’aura pas d’impact car les gens qui me tiennent en otage sont des voyous et les gens de la diplomatie française (en charge d’assurer la sécurité des Français a l’étranger) leurs complices.

Jusqu’où irez-vous pour débloquer la situation ?

Si les actions en cours n’ont pas de succès , je n’aurai pas d’autre choix que celui d’envisager une évasion du Qatar.

En cas de proposition pour une opération d’extraction, écrire à : therrymireille at yahoo.fr

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20 Comments

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  • Xavier Collet , 18 août 2012 @ 15 h 40 min

    L’attitude des autorités consulaires françaises ne m’étonne pas. Ce n’est pas la première fois qu’elles agissent ainsi et visiblement il s’agit là d’une façon habituelle de procéder vis à vis de leurs propres ressortissants.

  • marie-eve albeck , 18 août 2012 @ 23 h 38 min

    Hélas ! La France n’est pas la Suisse, ni quelques autres pays civilisés qui protègent leurs ressortissants. Tout cela n’est pas nouveau et rien ne change !

  • Richard , 19 août 2012 @ 7 h 19 min

    Il ne sera pas le premier, il faut faire attention avant de signer un contrat avec le Qatar, on ne peut pas partir comme l’on veut, ce cas est réservé à plusieurs ressortissants de diverses nationalités.
    Le salaire est plutôt alléchant, mais gare à la suite!!

  • Nofont , 19 août 2012 @ 9 h 39 min

    C’est une abérasion que je ne comprend pas. Ce Français qui a rendu service au Quatar par son travail doit pouvoir rentrer chez lui sans problème. L’ambasade de France est là pour défendre ses résortissants.
    Si rien n’est reproché à ce monsieur pour le travail effectué, s’il n’a pas fait de malversation, s’il s’est conduit en “bon père de famille” comme on dit, il doit être libre et pouvoir rentrer chez lui.
    C’est peut-être maintenant l’affaire du ministre des affaires étrangères Française Monsieur Fabius.

  • BRUTY , 19 août 2012 @ 10 h 50 min

    Oui, tout cela ne m’étonne pas et je souhaite bon courage car il en faudra. L’administration française la justice en particuliers, la CNAV aussi sont totalement infâmes, sans parler des impôts. Le citoyen honnête est pris en otage de voyous. Sans rire j’ai reçu une convocation en appel pour le mois de février 2015 et il est bien précisé dans un encadré que c’est bien 2015 qu’il s’agit. La justice se moque de moi. Mais aussi de vous citoyens honnête. La CNAV triche sur le calcul des retraite, la justice cherche l’embrouille pour dire que vous avez un mauvais comportement ! La réponse de l’administration à cette personne vous avez voulu faire du fric, c’est normal qu’on vous le prenne ! Que faire ? Je me demande s’il ne faut pas faire comme dans les banlieues, je me demande si des fois les petits voyous n’ont pas raison au final , seulement ils se trompent de cible !
    Jean-Marie BRUTY

  • Antoine , 19 août 2012 @ 11 h 25 min

    J ai eu l ccasion de travailler en embassade et consulat francais. La situation que rencontre ce monsieur n est pas surprenante:nos services consulaires sont en faillite sur tous les tableaux. Et les investissements qataris pesent bien plus lourds que la defense d un citoyen…

  • micheline , 19 août 2012 @ 11 h 34 min

    Encore une preuve ( éclatante ) de la dhimmitude ( et de la veulerie ) de nos responsables et représentants au plus au niveau : sans plus de commentaire…

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