Sans “populisme chrétien”, Fillon sera battu par Macron

François Fillon

par Guillaume de Thieulloy*

J’avoue que, lorsque j’ai lu la remarque de Philippe de Villiers sur l’absence de François Fillon au deuxième tour de l’élection présidentielle, je n’y croyais pas beaucoup. Mais la campagne de ce dernier me semble effectivement prendre un tour inquiétant.

D’abord, il me semble d’assez mauvaise stratégie de prendre comme porte-parole un Benoist Apparu, qui fut naguère le porte-parole d’Alain Juppé et défendit – non sans talent d’ailleurs – le multiculturalisme et le « progressisme » sociétal. Si, vraiment, François Fillon a remporté les primaires sur une ligne de conservatisme social, il est aberrant de faire porter cette ligne par une personne qui a, notoirement, défendu l’exact inverse.

Circonstance aggravante : il se dit avec insistance, depuis quelques heures, que François Fillon a accepté de céder « sa » circonscription parisienne à Nathalie Kosciusko-Morizet, elle aussi icone du « progressisme ».

On me rétorquera sans doute que la ligne politique de François Fillon est double : non pas seulement conservatisme social, mais aussi libéralisme économique. C’est vrai. Et, pour défendre le libéralisme économique, Benoist Apparu ou Nathalie Kosciusko-Morizet sont sans doute d’assez bons candidats.
Sauf que…

Le libéralisme, ainsi défendu par ces nouveaux ténors de l’équipe filloniste, aux côtés du multiculturalisme et de l’écologisme, n’est pas du tout la défense des libertés économiques de l’ensemble des Français. C’est même plutôt l’inverse : c’est la défense des intérêts économiques de l’oligarchie financière, qui crée extrêmement peu d’emplois et qui, surtout, travaille à l’élaboration de monopoles ou d’oligopoles et donc à l’asphyxie pure et simple des libertés économiques.

Si vous demandez à des Français de droite s’il sont libéraux, certains, au moins, vous répondront sans doute favorablement. Mais si vous leur demandez s’ils préfèrent les PME ou le Medef, le commerce de centre-ville ou le CAC 40, l’usine ou la finance, l’entrepreneur ou le manager salarié, ils choisiront presque toujours le premier terme contre le second. Pourquoi ces réponses apparemment contradictoires ? Tout simplement parce que « libéralisme », dans l’esprit de nos contemporains, ne désigne pas une idéologie, mais l’opposition à une autre idéologie, plus immédiatement visible et nuisible, qu’est le socialisme.

Oui, les électeurs de droite sont favorables aux libertés économiques ; non, ils ne le sont pas aux grandes puissances d’argent. Cela ne veut évidemment pas dire que ces dernières n’ont pas leur utilité sociale. Cela veut dire, plus modestement, qu’un patron de PME est infiniment plus utile à la France qu’un banquier – et spécialement qu’un banquier qui spécule sur de la monnaie de singe comme le sont, aujourd’hui, l’euro ou le dollar.

Si François Fillon veut montrer qu’il défend, non pas l’oligarchie, mais les libertés économiques, il ne doit pas simplement annoncer la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires, mais aussi des réformes monétaires drastiques (comme l’acceptation de l’or comme moyen de paiement) et surtout des réformes en faveur des PME (par exemple la défiscalisation de tous les revenus réinvestis dans l’entreprise).

Or, ce n’est pas du tout de cela que nous parlent M. Apparu ou Mme Kosciusko-Morizet.

“Oui, les électeurs de droite sont favorables aux libertés économiques ; non, ils ne le sont pas aux grandes puissances d’argent.”

On pourrait cependant penser que, dans l’équipe de campagne de François Fillon, quelques poids lourds, comme Bruno Retailleau, défendent le conservatisme et équilibrent ainsi le côté « bobo » des deux précédents. Hélas, on ne les entend pas sur les sujets conservateurs et ils ne défendent – de façon audible par les observateurs et les électeurs, du moins – que le volet « libéral » du programme.

Cela entraîne que la campagne de François Fillon se trouve aujourd’hui gravement déséquilibrée.

Plus grave, elle est déséquilibrée d’une façon qui légitime pleinement l’un de ses adversaires les mieux soutenus par l’oligarchie, Emmanuel Macron. J’ai longtemps cru que ce dernier était une « bulle médiatique », évidemment soutenue fortement par les « élites » (médiatiques et financières), mais qu’il s’effondrerait après la primaire socialiste. Ce n’est aujourd’hui pas aussi certain. La primaire socialiste s’annonce extrêmement difficile : la participation y sera probablement faible et, selon toute vraisemblance, aucun candidat ne l’emportera nettement – au point que l’on se demande s’il ne s’agit pas de repérer les rapports de force pour préparer la prochaine équipe dirigeante du PS, plutôt que de choisir un candidat socialiste à la présidentielle, leader naturel de l’ensemble de la gauche. Auquel cas, il devient envisageable qu’une large partie de la gauche dite « de gouvernement » rallie Emmanuel Macron et que la fin des primaires de gauche soit une nouvelle phase de son ascension et non la fin de sa période de prospérité médiatique – avant d’engranger les ralliements d’une partie des centristes.

François Fillon est le seul « grand candidat » à avoir intérêt à parler d’autre chose que d’économie et de social. Si toute la campagne roule sur ce thème, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon pourront efficacement dérouler leur argumentaire sur les conséquences néfastes de l’austérité. Et Emmanuel Macron sera, avec François Fillon, le seul défenseur du « libéralisme », mais, dans le cas du premier, d’un « libéralisme à visage humain », si je puis dire. Il y aura d’un côté les « populistes », dont la critique sera redoutablement efficace, mais qui sont disqualifiés pour gouverner selon le consensus dominant (même si on voit mal comment il serait possible de faire pire que la nullité des gouvernements actuels !) ; de l’autre, les gens « sérieux » et, parmi eux, un jeune et sémillant candidat n’hésitant pas à critiquer, de temps à autre, les élites et proposant une forme d’austérité douce face à un ogre austéritaire et qui, circonstance aggravante par les temps qui courent, est présent dans la vie politique depuis près de 40 ans. Comment voulez-vous que ce dernier l’emporte ?

J’ajoute que les échos que nous avons de la campagne et des débats internes à l’équipe Fillon ne sont pas rassurants. Alors que François Fillon est supposé avoir gagné le « vote catho » aux primaires, nous constatons que Sens commun, mouvement issu de la Manif pour tous, n’a que 4 candidats investis aux législatives – autant qu’avec Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, pas un candidat de plus. De même, le PCD de Jean-Frédéric Poisson, qui, de toute évidence, a « fait le lièvre » pour M. Fillon, n’a que 2 candidats investis – là non plus pas un de plus que si Alain Juppé avait gagné. Et, pendant ce temps, on parle de dizaines de circonscriptions réservées pour les centristes – qui pèsent moins de 5% de l’électorat ! Que les conservateurs aient cinq ou dix fois moins de candidats investis aux législatives, dans un parti supposé dirigé par un conservateur, que les bobos libertaires est… disons surprenant.

La seule chance de François Fillon est de déplacer le débat sur la survie de notre civilisation, sur notre conception de la personne humaine, de la famille et de la société. Ce qui implique, en particulier, de prendre nettement ses distances avec la droite « bobo » et de se rapprocher de ce que Patrick Buisson appelait naguère le « populisme chrétien ». S’il ne le fait pas – et tous les échos que j’ai de son équipe de campagne me laissent supposer qu’il n’est pas prêt à le faire –, alors il fera à son tour le lièvre pour Emmanuel Macron…

*Guillaume de Thieulloy est le directeur de publication des Nouvelles de France.

Related Articles

19 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • hermeneias , 19 janvier 2017 @ 14 h 14 min

    Il faudrait nuancer et ne pas prendre vos désirs pour des réalités Mr de Thieulloy .
    F. FILLON a l’avantage de bien connaitre le marigot politique du centre “droit” , de la classe politique française , et aussi l’état de la société soumise à une intense propagande médiatique depuis des décennies et à des campagnes d’abêtissement et d’abrutissement/déculturation massives .

    Fillon , je l’espère , attend peut être son heure , le vrai début de la campagne , en évitant d’être transformé en cible de foire pour tir à la carabine …
    Les médias n’attendent que ça pour le coincer et le canarder .
    A nous , aux “chrétiens” , de jouer et d’essayer d’être subtils , habiles , “rusés comme le serpent” pour une fois et de ne pas arriver avec nos gros sabots dans le contexte de la société actuelle .
    Pendant la primaire Fillon a bien joué en procédant par petites touches contre Juppé-Sarko , comme à l’escrime , et il a touché . Et la campagne de JF POISSON , le préféré de certains milieux , n’a pas été un franc succès .
    FILLON essaie , peut-être , de noyer le POISSON si j’ose dire .
    Un coup d’aiguille peut réellement dégonfler la baudruche Macron , gonflée derrière la scène par Hollande et sa clique ….
    Attendez encore un peu avant d’être défaitiste . Et le Royaume de Dieu sur terre n’est pas pour aujourd’hui ….ça décontracte !
    C’est le temps du combat !

  • borphi , 19 janvier 2017 @ 16 h 43 min

    Bon ben donc , serait-ce le libéralisme qui tombe le masque ?
    Ou les imbéciles utiles du libéralisme qui ouvrent les yeux ?

  • le réel , 19 janvier 2017 @ 18 h 37 min

    Macron adoubé par les socialistes ne fera pas les scores que vous croyez, les français moyens ne veulent plus des socialistes et de leur mondialisme ou encore de la robotisation à outrance que plus personne ne maitrise!
    nous devons tous d’un voiture sans électronique ni filtre à particule que nous puissions acheter sans nous appauvrir et aller au travail!

  • François2 , 20 janvier 2017 @ 11 h 02 min

    Le problème n°1 est l’immigration-invasion qui submerge de façon constante la France (voir les statistiques sur la drépanocytose : 38,85 % de naissances extra-européennes pour la France métropolitaine seule en 2015, prévision de plus de 40 % en 2016). Alors que le futur Président de la République Française en 2017 sera vraisemblablement le dernier qui pourra tenter de stopper l’invasion de la France et ses conséquences (c’est à dire la disparition de la France, des Français et de la Civilisation française).
    Avec la terrible conséquence sur l’islamisation de la France. Déjà en 2002, dans son livre “La France en danger d’islam” René Marchand (ex-conseiller RPR) écrivait que si l’on ne fait rien, “chaque jour qui passe est un jour contre la France” (calculez le nombre de jours depuis 2002 !). On peut polémiquer sur le nombre de musulmans (au sens large : qui se reconnaissent comme tels, même sans pratiquer) en France (c’est selon : de 6 à plus de 10 ou 15 millions), on sait déjà que les mahométans sont en tête des pratiquants d’une religion en France, loin devant les catholiques.
    Pourtant, il y a 30 ans, Jean Schmitt (avant de terminer sa carrière comme rédacteur en chef du journal Le Point) écrivait en 1986 dans un livre “Fin de la France ?”, je résume :
    Constat : “Nous assistons à un génocide”. “C’est de la démence, du suicide”.
    Remèdes : “Arrêt des francisations”. “Limitation de l’immigration en nombre comme en durée”. (qualifiés de « MESURES DE SURVIE, en capitales dans le texte)
    Conclusion : “CHAQUE PEUPLE EN SON PAYS ET CE SERA LA PAIX”. “AIDER LES PAUVRES CHEZ EUX”. (en capitales dans le texte)

  • Clovis , 20 janvier 2017 @ 11 h 38 min

    Vous ne donnez aucune chance à MLP, pourquoi? Il est impossible à un citoyen de faire confiance à Fillon dont les actes contredisent les belles paroles. Il est usé par 5 ans de traîtrises quand il était premier ministre. Il a déjà servi on a vu ce que ça a donné. Il est usé il n’est pas fiable. Donnons une chance à MLP sans ratiocinations inutiles sur ses capacités à gouverner. Faisons comme les Américains, élisons un président “populiste” même s’il a des défauts. Chez nous ce sera une femme.

  • champar , 20 janvier 2017 @ 17 h 51 min

    Excellente analyse très intéressante.

    Je pensais aussi que Macron n’était qu’une bulle dont les réunions étaient remplies par des intermittents du spectacle payés par les financiers du politiquement correct. Macron n’a pas de programme (les engagements des politiciens n’étant jamais respectés cela n’a pas tellement d’importance), il est poussé par les media de la pensée unique car il est considéré comme le seul pouvant battre Marine le Pen au 2° tour. Macron est de plus capable de séduire des électeurs de droite par les messages qu’il a envoyés en allant aux fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans et au Puy du Fou lorsqu’il était ministre d’un gouvernement de “goche” (très fort de sa part).

    Fillon n’arrête pas de cracher en paroles et en actes sur les valeurs traditionnelles en affirmant seulement qu’à titre personnel il est catholique, cela va finir par être évident que c’est un faux cul. Il va bientôt être accusé (à juste titre par sa fonction de premier ministre de l’époque) de toutes les graves erreurs qui étaient attribuées jusqu’à présent a Sarkozy (éliminé dès le premier tour de la primaire des républicains).
    A l’inverse Macron peut paradoxalement paraître comme un homme politique neuf qui a essayé de faire passer des réformes et a quitté le gouvernement dès qu’il a vu que cela n’était pas possible. Il peut reprendre astucieusement la logique de la campagne de Mitterrand qui avec son affiche où il était représenté avec un clocher d’église en arrière plan sentait bon la France traditionnelle catholique.

    Macron est un malin qui va laisser “fuiter” ses origines provinciales (Amiens) son éducation dans un collège catholique, etc. etc. pour prendre à nouveau les pigeons ???
    En fait c’est un oligarque de la finance internationale (énarque, banque d’affaire internationale, mondialiste) qui ne s’intéresse pas à la France mais il ne faut absolument pour sous-estimer son talent de comédien.

    Aucune convictions ces politicards véreux, le seul second tour qui aurait du sens serait celui qui opposerait Marine le Pen à Mélenchon.

  • hermeneias , 20 janvier 2017 @ 18 h 29 min

    C’est ça champar , on lui dira …. 2 extrémistes de gauche au 2e tour ?
    Cela aurait du sens pour la France ??!! En tout cas cela montrerait dans quel bourbier et impasse nihiliste et destructrice la France se trouve .

    Quant à votre “analyse” , elle est trop grossière , idéologique car hors sol et non située , pour avoir du sens et elle prend les gens pour des “idiots” , pour être poli , sauf vous .
    Vous cherchez à coincer FILLON dans son rôle de premier ministre de Sarkozy … C’est un peu court . Marine Lepen , elle , en l’espace de quelques années a virée à 180°….Méfiance !
    Quant à Macron il tourne sur lui même à grande vitesse avant même que d’avoir commencé

Comments are closed.