Le Grand Déconodrôme

Petite devinette : qu’est-ce qui existe en Australie, en Malaisie, en Chine, en Espagne, à Monaco, au Canada, en Autriche, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Hongrie, en Belgique, en Italie, à Singapour, au Japon, en Russie, aux USA, au Brésil, à Abu Dhabi, mais qui n’existe pas en France ?

Vous avez deviné. Chacun de ces pays si divers célèbre une étape du prestigieux Championnat du Monde de Formule 1. Le dernier Grand Prix de France a eu lieu il y a six ans, comme le temps passe, et n’est pas près de ressusciter.

En tête du peloton

C’était le plus ancien. Le premier GP de France a été couru le 26 juin 1906. La France est alors pionnière dans le domaine de l’automobile. En 1862, Alphonse Beau de Rochas théorise le cycle à quatre temps du moteur à combustion interne.

Et cela continue d’innover, avec Panhard, Levassor, les frères Michelin. Notre pays court en tête du peloton des constructeurs. La France représente plus de cinquante pour cent de la production automobile mondiale, en grande partie grâce à l’aura conférée par la compétition automobile.

On dira qu’aujourd’hui, il y a loin entre la voiture de course et celle de série. Si loin que ça, quand on voit que les systèmes de récupération d’énergie sur les F1 2014 permettent un apport de puissance d’environ 25 %, sans rien coûter en carburant ?

(- Plus de puissance, pourquoi ? Pour aller plus vite ? Assassin !

– Pour consommer moins à performance égale, stupide !)

Potentiellement criminel

Bref regard nostalgique sur le passé. En France, l’idéologie du transport collectif, si profitable à certains mafieux services publics, a pratiquement tué l’industrie automobile. En Allemagne, on a accepté que l’automobile soit un moyen de transport comme un autre, en laissant le choix et en créant les infrastructures nécessaires. Résultat, les constructeurs français survivent tant bien que mal, plus ou moins soutenus par celui qui les a fait trébucher – l’État. En Allemagne, Mercedes et VAG prospèrent. Il a fallu bien des Montebourg et des Jouanno pour en arriver là.

Pourquoi cette exception française, dans un domaine où la compétition est dure (le secteur automobile), où seule l’excellence permet d’être présent : la compétition automobile au sommet, où rivalisent dans chaque écurie des centaines d’ingénieurs du plus haut niveau ; sans parler des pilotes, bien sûr.

Pourquoi, quand on parle de l’automobile et du transport routier en général, qui assure plus de 90% des déplacements de personnes et des biens malgré les difficultés de circulation, les taxes spécifiques et la pluie des amendes, pourquoi pénètre-t-on dans le Grand Déconodrôme ?

Le formatage des esprits en est la cause évidente. Le transport individuel au moyen d’un véhicule à moteur a été discrédité grâce au procédé classique de la culpabilisation, afin que l’usager ne se rebelle pas. Il s’agit de désigner l’utilisateur d’un véhicule à quatre roues comme un criminel en puissance (certains le sont effectivement), et cette idée a pour dérivée celle de la prévention routière, qui consiste en gros à punir celui qui n’a commis aucun tort à autrui (sinon à un règlement), mais qui serait susceptible de le faire.

(Potentiellement coupable, cela vous rappelle quelque chose ?)

Le thème qui sous-tend ce conditionnement est celui de la dangerosité de l’automobile. On va jusqu’à parler d’un génocide routier.

(Non, toujours rien ?)

L’excès est-il insignifiant ? Pas quand il s’agit de mater le troupeau ahuri des cochons de payants soumis aux fantaisies d’experts aussi ignares que catégoriques, comme on vient de le constater avec cette pantalonnade de la “circulation alternée” (on aimerait bien avoir la liste des exemptés, d’ailleurs).

Statistiques artificieuses

Il convient donc ici de questionner le credo de la dangerosité automobile, bâti à force de chiffres trafiqués, ou astucieusement présentés.
La dangerosité d’une activité s’évalue en fonction du nombre de participants rapporté à celui des victimes. Pour les transports, l’accidentologie s’exprime en millions de kilomètres/passagers. C’est la seule méthode valable. Parler de 4 000 morts, plus ou moins, n’a rien de scientifique. Mais ça en jette, Madame Perrichon le sait bien.

Le parc automobile français dépasse 38 millions de véhicules, qui parcourent annuellement 15 000 kilomètres environ, avec à bord un peu plus d’une personne. Soit, à la louche, six cent mille millions de kilomètres/passagers. Un chiffre suivi de huit zéros, à rapporter aux 4 000 morts annuels.

L’accidentologie de la voiture est, en Europe, de +/- 0.7 morts par 100 millions de km/passagers. Celle du deux-roues de 13,8. Celle du déplacement pédestre de 6,4 (tués par des voitures, diront les ricaneurs). Celles du transport nautique de 0,25, soit seulement 3 fois moins que l’automobile. Celle du transport aérien de 0,035, soit seulement 20 fois moins.

Seulement ? Oui, seulement, lorsqu’on songe à ce que le transport routier est ouvert à tout un chacun, ou presque, et à comparer avec toutes les mesures de sécurité qui entourent le transport aérien.

Statistiques artificieuses ? L’une d’elles vaut son pesant de cacahuètes : on constatait que les femmes avaient beaucoup moins d’accidents que les hommes, ces machos qui mesurent leur degré de virilité à la longueur du capot de leur bagnole.

C’était exact.

J’ai pu constater qu’aux Îles Tonga, il n’y a pratiquement aucun accident de la route. Les Tongais, peuple éminemment pacifique comme on sait, doivent être des gens rudement prudents, et seuls de mauvais esprits insinueront que l’absence de route peut expliquer cela.

Il serait vain de réfuter point par point les inepties qui jalonnent le Grand Déconodrôme, et qui valent aux Français, pour une bonne part, d’être absents de cette grand’messe de l’automobile qu’est le Championnat du Monde de F1. Si l’automobile c’est le mal, que penser de son apothéose toute satanique !

La bagnole, c’est pas bien, Denis Baupin – dont je n’ose mettre le patronyme au féminin – ne vous le répétera jamais assez. C’est pas bien, parce que ça pollue, c’est bruyant, c’est dangereux. Cela en oubliant que le transport individuel par voie routière, qui va de porte à porte sans solution de continuité, est facteur de liberté et, par là, de fluidité des échanges et de développement économique.

Trop libérale, la faculté de se déplacer à sa guise ? Vive le collectivisme et le troupeau !

Caprices de potentat

Le Français est autophobe, constatait amèrement le quadruple champion du monde Alain Prost après ses vaines tentatives pour ressusciter un Grand Prix de France. Des projets solides ont été montés, et soumis à l’approbation du Ministre d’État aux sports. En novembre 2014, c’était Chantal Jouanno, ancienne ministre de l’Écologie et adepte du Vélib’. Chantal a noyé le poisson dans la nappe phréatique et la « compensation carbone », une de nos superbes usines à gaz.

Fin de la récréation. De toute façon, aujourd’hui, c’est trop tard dans une France économiquement exsangue.

Le dernier Grand Prix de France a eu lieu à Magny-Cours, près de Nevers ; site malencontreux en raison d’un réseau routier anémique et d’une capacité hôtelière dérisoire. Mais Mitterrand avait voulu faire plaisir à Beregovoy, de même que l’État avait puisé dans les poches du contribuable pour soutenir l’écurie Ligier.

Et c’est le moment de rappeler que le sport automobile exige de gros investissements en infrastructure, comme les autres sports, mais que le coût de fonctionnement ne doit rien au secteur public.

Il faut aussi rappeler tardivement à maman Jouanno, dont le féminisme ne saurait être mis en doute, que le sport automobile est le moins sexiste qui soit, puisque les femmes ont toute latitude d’y concourir à égalité avec les hommes.

Certes, elles n’ont pas brillé jusqu’ici, mais elles ne sont pas ostracisées. La dernière recrue du team Williams, lui-même dirigé par l’autrichienne Monisha Kaltenborn, est Simona de Silvestro. La jeune Suisse a beaucoup de travail en perspective pour se mettre à niveau, mais aucune porte ne s’est fermée devant elle (au contraire, une femme sur la grille de départ, quelle bonne publicité !)

D’autres sports, rares, sont ouverts aux femmes sans distinction de sexe, comme l’équitation. Certaines, même, y dominent souvent les concurrents hommes, comme dans le dressage…

(Aïe !)

L’autophobie, j’en perçois comme un lointain écho venant du jardin public où j’emmenais ma fille. Les enfants aiment courir, aller vite ; plus tard, avec des jouets d’adulte qui vont plus vite.

(et rien de tel que de rouler sur un circuit de vitesse pour que le jeune adulte ne fasse pas joujou sur les roues ouvertes, croyez-moi).

Au jardin, on entend des mères inquiètes : « Ne cours pas, tu vas tomber ! » Et l’enfant tombe, naturellement !

L’homme est un enfant qui joue, disait Nietzsche. Le jeu, c’est aussi la confrontation sportive, la compétition.

Les femmes sont généralement trop sérieuses pour jouer. La compétition, quelle horreur !

La gynocratie, c’est aujourd’hui.

> René-Pierre Samary anime un blog

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18 Comments

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  • 0 / 10
  • hermeneias , 25 mars 2014 @ 9 h 04 min

    ma page reste bloquée au 19 Mars

  • marcS , 25 mars 2014 @ 10 h 13 min

    M. Jean Dutreuil vous seriez très aimable de préciser le jour et l’heure à laquelle Radio Courtoisie diffuse cette émission
    Merci d’avance

  • hermeneias , 26 mars 2014 @ 8 h 46 min

    grrrrr

  • hermeneias , 1 avril 2014 @ 22 h 07 min

    pouic

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