Pour un discours communautariste

Pendant des années, je me suis convaincu que le meilleur message à porter était celui de l’assimilation. Plusieurs raisons m’y poussaient.

D’abord, ce principe était abandonné par les autres, la gauche et la droite, lesquelles prirent le parti de l’intégration voire de « l’inclusion », c’est à dire autant de systèmes laissant aux personnes d’origine immigrée le privilège de conserver, sinon l’entièreté de leur culture, au moins la fierté de leurs origines et tout ce qui va avec. La nature ayant horreur du vide, il y avait là un principe on ne peut plus républicain à récupérer et à porter d’un point de vue politique.

Ensuite, je pensais que ce principe correspondait particulièrement à, disons, l’âme française. La France étant une nation singulièrement culturelle, et les français n’ayant, par nature, presque aucune conscience ethnique (contrairement aux allemands, anglais et autres italiens), nous ne pouvions que demander aux habitants de France de respecter une culture majoritaire. Ce message, me semblait-il, non seulement pouvait être entendu et apprécié par les français, mais il présentait de plus l’avantage – considérable – de ne pas prêter le flanc, ou très peu, aux accusations de racisme qui ont toujours plu sur le mouvement national.

Je supposais aussi que l’arbre français était capable de supporter de nouvelles branches, et que, perdus pour perdus, le mieux qu’il nous restait à faire était de transformer un maximum de personnes d’origine immigrée en parfaits français « culturels », c’est à dire prenant en eux-mêmes, le plus qu’ils le pouvaient, une partie de notre héritage civilisationel afin de le transmettre, eux-aussi.

Ce discours de « l’assimilation », avec tous les avantages qu’il procurait, devint celui que choisit Marine Le Pen pour parler d’immigration. C’est toujours le sien aujourd’hui, et, en tant que l’un de ses portes-paroles pendant des années, je véhiculais avec lui dès qu’un micro ou un auditoire m’étaient offerts.

Aujourd’hui, je dois le dire, je veux faire mon « coming-out » communautariste. Là encore, plusieurs raisons m’y poussent.

D’abord, même si je tentais d’y penser le moins possible, je savais très bien qu’il est impossible d’assimiler dix à quinze millions de personnes. L’argument est banal mais il est valable : on peut assimiler des individus mais pas des peuples. A l’échelle de ces chiffres, nous avons à faire à des peuples, non plus à des individus ayant été transférés dans des familles d’accueil. Cela ne s’est jamais produit dans l’Histoire, et puisqu’elle est, pour nous, notre seule véritable école politique, nous ne voyons pas comment un tel exploit serait possible aujourd’hui, d’autant que les conditions, ne serait-ce que pour essayer, sont désormais les pires possibles. En effet, la puissance d’attraction de la culture et de la civilisation françaises a fortement diminué. Nous ne sommes hélas plus au 18eme ou 19eme siècle. Nous avons cédé face aux cultures anglo-saxonnes depuis déjà trop longtemps, et, tandis qu’un certain nombre de français de souche n’ont déjà quasiment plus beaucoup d’attirance pour leur propre civilisation, on voudrait que des français de fraîche date devinssent des Jean Gabin et récitassent du Corneille ou du Racine ? Cela paraît hautement improbable. Et puisque de toute façon nous n’avons pas commencé, depuis trente ans, par l’assimilation, nous nous trouvons en face de gens déjà formés par leur propre culture. En somme, c’est déjà trop tard. Ajoutez à cela des cultures profondément différentes des cultures européennes, parce qu’africaines, musulmanes, etc, et vous vous retrouvez dans une situation impossible.

En définitive, désormais, l’assimilation relève du rêve ou de la gageure. Les communautés se forment déjà sur notre territoire, tout à fait naturellement. Un million de hussards noirs, sveltes et sévères, qui ressusciteraient, n’y pourraient rien. Et de toute façon, nous ne les avons pas. Le sort est donc jeté.

Mais puisque nous parlons de « messages politiques », venons-en. Les plus malins du Front National ne croient pas plus à l’assimilation de quinze millions de personnes que moi, mais rétorquent habilement que ce discours reste le plus utile à tenir. Il rassure les français sur une vieille illusion de paix sociale garantie par une forte culture commune, et peut même agréger au mouvement des personnes d’origine immigrée qui aurait fait le choix personnel de s’assimiler parfaitement.

Oui, ça peut marcher, et d’ailleurs, dans une certaine mesure, ça marche.

Toutefois, je crois qu’il est possible que le FN ait un coup d’avance en assumant une donnée qui sera la réalité incontestable de demain. En vérité, puisque le communautarisme tiendra lieu de système social dans la France – voire l’Occident tout entier – de demain, la question qu’il reste à trancher est celle de son application : sera-ce un communautarisme larvé et conflictuel ou au contraire ordonné ?

Les intérêts politiques d’un tel discours seraient les suivants :

Déjà, il serait plus proche des réalités et du possible. Alors certes, dans la « politique com », ce n’est plus vraiment l’essentiel, mais pour celui qui voudrait se préparer à exercer, effectivement, le pouvoir, intégrer à son logiciel la vérité et les éléments du possible n’est pas chose superfétatoire.

Il réaliserait aussi l’équation assumée de ce qui est déjà, à savoir que le Front National est le parti des français, de ceux qui se ressentent et se respirent comme tel, et dont la plupart, qu’on le veuille ou non, ne sont pas d’origine immigrée.

De plus, ce message serait loin de faire fuir les voix des personnes d’origine immigrée. Je m’explique : j’ai été frappé de constater qu’un tel discours responsabilise et rassure les français musulmans ou simplement d’origines étrangères. Il ne leur somme pas de devenir de « parfaits français », ce qu’ils n’ont pas envie d’être, à de rares exceptions, mais leur permet de rester ce qu’ils sont, organisés, respectés, avec comme seules conditions d’honorer les lois du pays en n’étant pas à sa charge. En clair, il rehausserait le drapeau et l’Etat au dessus des communautés, lesquelles seraient, le plus possible, encouragées toutes à leur porter allégeance. Nous aurions làdes français, tous rassurés dans leur manière de vivre, mais travaillant de concert pour leur bien propre.

Alors certes, on va me dire que ce modèle est celui des Etats-Unis. Oui, c’est vrai. Là-bas, dans l’archétype, les communautés existent et vivent plus ou moins comme elles l’entendent, du moment qu’elles respectent les lois de l’Etat et soient capables de le servir dans une conscience rehaussée de servir quelque chose qui les dépasse et les garantie dans leurs modes de vie.

Ce n’est pas l’idéal, bien entendu. Mais nous n’avons plus quinze ans : l’idéal est derrière nous. Nous devons faire au mieux avec les conditions sociales qui sont les nôtres, et tant pis si celles-ci ressemblent désormais aux sociétés multiculturelles anglo-saxonnes. Ce n’est pas de notre faute si c’est ainsi. S’il n’en avait tenu qu’à nous, il n’y aurait pas eu d’immigration et tous ces problèmes ne se seraient jamais posés.

De toute façon, quelle est l’alternative ? Entendu que quinze millions de personnes, sans doute vingt demain, ne deviendront jamais, tous, des auvergnats et des bretons classiques, il va bien falloir organiser un peu tout cela. Ne serait-ce que – parce que nous y tenons – pour conserver letype classique de l’auvergnat et du breton. Restes des solutions de guerre civile, de remmigration massive ou de génocides, mais personne, en l’état, en raison et en morale, ne peut proposer de telles solutions. Dès lors, organiser en vue de la France des communautés qui de toute façon existent et existeront encore plus demain, semble la seule solution d’avenir à la fois pacifique et salutaire. Le reste n’est qu’illusions, anarchie et sang.

PS : J’ajoute, pour ceux qui rêvent de “remigration”, que celle ci ne pourrait être envisageable que dans un contexte de communautés clairement identifiées. Tous les exemples de mouvements de populations dans l’Histoire en témoignent.

> le blog de Julien Rochedy

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21 Comments

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  • Goupille , 19 mars 2015 @ 22 h 05 min

    Décidément, Marine Le Pen a l’art de se mal entourer… Entre son actuel “Secrétaire Général” qui la traînait allégrement dans la boue en 2004, pour parler poliment, et cet ex porte-parole qui nous vend de la démission, le tableau est croquignolesque…

    Les Etats-Unis ont la dimension d’un continent. Des communautés antagonistes peuvent y cohabiter, qui ne se croisent jamais. Généralement, quand ils se croisent, cela se passe entre médiocrement et mal. Sans remonter au massacre des Amérindiens, les exigences des musulmans commencent à leur faire monter la moutarde au nez, même si, en leur insondable imbécillité, ils ont élu un Muzz militant deux ans après le WTC…
    Les Etats-Unis sont un agglomérat sans épaisseur, sans culture, sans identité autre que le dollar, la consommation, et le drapeau, qui sert à envoyer de pauvres types se faire trouer la peau pour les intérêts du lobby militaro-industriel, sous couvert de promotion des idéaux démocratiques bidons.
    Donc ce qui se passe aux Etats-Unis ne peut pas servir de modèle pour les pays européens, de petite dimension et de vieille culture.

    Pourquoi faudrait-il que nous nous imposions un grand bond en arrière pour tolérer un corpus de lois, de coutumes, de rapports humains, de fariboles alimentaires et vestimentaires hors d’âge ?
    En bref, ou les Muzz amendent leur bataclan et le mettent en conformité avec notre paysage. Ou cela va mal finir.

    Cet article me donne la nausée.
    Pas envie d’ergoter.
    Quelquefois, il faut prendre le risque “du sang et de l’anarchie”, comme écrit le petit asticot.

    Bye.

    PS au petit asticot : quand on aime la France et ses habitants, on sait que l’on écrit Français, Auvergnats, Bretons. Avec une capitale, SVP.

  • Goupille , 19 mars 2015 @ 22 h 10 min

    P….n ! Je n’avais pas vu…
    Qu’est-ce que c’est que cette photo ?

    L’auteur se prend pour BHL… Cela promet.
    Et cela signe tout le reste.

  • Goupille , 19 mars 2015 @ 22 h 20 min

    Cela tombe bien : petit cadeau pour le BHL du pauvre…
    Ex porte-parole, on comprend pourquoi.

    https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=EfXPgr5X6cs

  • François2 , 20 mars 2015 @ 10 h 28 min

    Un peu c’est possible, beaucoup c’est aussi possible, mais dans l’autre sens. C’est à dire que si on n’applique pas, à la dernière limite après l’élection de 2017, des mesures déjà proposées depuis 40 ans (par une personnalité socialiste) ou 30 ans (par un journaliste du Point), l’intégration se fera bel et bien : celle de la France à l’islam. C’est la conclusion du petit livre dont les journaux (même de droite, sauf un deux mois après la parution) ne veulent pas parler : “Les politiques doivent sauver la France” (tapez pour voir la 4ème de couverture).

  • Jean Dutrueil , 20 mars 2015 @ 10 h 30 min

    @ Julien Rochedy,

    Même si je ne suis absolument pas d’accord avec votre texte, je tiens à vous féliciter d’offrir au moins de la réflexion et des solutions, ce qui manquent cruellement à nos politicards notamment au FN, à l’exception notable d’Aymeric Chauprade (et c’est pour cette raison qu’il se fait censurer par sa propre patronne, la marquise de montretou)

    Néanmoins votre solution est selon moi quasiment aussi utopiste que celle de l’assimilation.

    Pourquoi?

    Nous avons chez nous une grande part de population afro-musulmane qui cause deux problèmes à terme:

    1) le premier est qu’ils seront majoritaires en 2040 si les flux migratoires et la démographie de changent pas.

    Or s’ils deviennent majoritaires, l’ombrageuse loi islamique veut qu’ils nous mettent en situation de dhimmi ou qu’ils nous convertissent; Donc Ils mettront, grâce à la loi du nombre balançant à leur avantage, en place leur assimilation…

    2) le deuxième est que cette immigration coûte extrêmement chère pour la France, jusqu’à 84 milliards d’euros par ans, chiffre qui ne cesse de croître et qui est exclusivement soutenu par les Français de souche

    Donc peut-être avant même qu’ils deviennent majoritaires, la France sera en cessation de paiement ne pouvant plus verser gratuitement des allocs à ces extra-européens dont plus de 70% en vivent exclusivement, provoquant peut-être une guerre civile…

    La seule solution douloureuse, âpre et longue (au moins 40 ans) à cause de son ampleur sera la Remigration, elle ne se fera pas par des bisous, mais elle peut éviter une cruelle guerre civile généralisée, si elle est bien établie, (je prépare un nouvel article pour NDF intitulé “la Résurrection de la France” qui donnera des propositions en ce sens).

    Sinon la voix de Churchill retentira de nouveau aux Français: “vous avez voulu éviter la guerre, et bien vous aurez le déshonneur et la guerre”.

    Bien à vous

  • A= Aristote , 20 mars 2015 @ 11 h 20 min

    Le royaume de France fût un pays de coutumes assez diverses … peut-être y a-t-il là une voie à explorer .
    Par ailleurs dans toute culture il y a conjonction un élément local , particulariste , et un élément universel ( surtout dans les oeuvres les plus élevées ) , sans doute là aussi y-a-t-il des voies d’intégration par le haut , mais cela demande aussi de gros effort d’éducation … quel arabe de banlieue lit Ibn Sina , Farabi ou Ibn Roshd ?
    En tout cas une réflexion froide est nécessaire . Les solutions ne peuvent venir que d’une vraie intelligence politique et c’est elle qui est la plus absente depuis longtmeps de ce débat .

  • Pascal , 20 mars 2015 @ 13 h 39 min

    Lee FLN parlait-il de guerre civile ou de libération ? Il ne pourra en aucun cas s’agir d’une guerre civile. Pour qu’il y ait guerre civile encore faut-il appartenir à un même peuple ! Nous sommes piégés par la sémantique de l’ennemi, ennemi qui aura tout intérêt à faire croire à une guerre civile. Les expressions guerre de libération, d’émancipation, d’autodétermination, de décolonisation, de reconquête, voilà nos mots !

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