Lettre à celle que j’aime – retour sur une soirée avec les veilleurs

par Thibault L.

Ma chérie, hier soir j’ai pleuré.

Après la manifestation organisée par la Manif pour Tous ce mercredi 17 avril 2013, je me suis assis avec les « veilleurs » dans l’herbe de l’esplanade des Invalides pour signifier de manière pacifique et silencieuse notre résistance au projet de loi déstructurant ce qui nous est cher, la famille. Là, pendant quelques heures, dans un silence rarement troublé, nous a été conté l’espoir. Cette petite Espérance fragile je l’ai vécue, elle était à côté de nous et accompagnait ce mouvement de sa présence légère, délicate flamme dont nos bougies étaient le signe visible.

Avec nous aussi, la cohorte des hommes de bien. Ceux qui au travers de l’histoire et au gré des souffrances des temps derniers ont marqué de leur plume les générations futures ; notre génération, pour lui signifier l’importance de résister. Et nous l’avons fait. Pacifiquement. Et nous continuerons. Toujours.

Alors qu’au loin les sirènes hurlantes des camions de police retentissaient à travers Paris à la recherche d’autres manifestants, le calme de ces « veilleurs » avait quelque chose de surréaliste. D’autant plus marquant encore qu’un cordon de CRS commençait à nous encercler, hommes eux aussi marqués par ce contraste saisissant.

Et puis vint le moment où un commissaire nous annonça que l’heure de 00h30 qu’il avait accordé auparavant pour la dissolution était avancée à minuit. Il était 00h15. Nous sommes restés. Face au mensonge, et à la volonté flagrante de semer la confusion au sein de nos rangs désormais serrés, nous avons choisi la liberté. Nous avons choisi de mettre ce commissaire de police face à cette force inébranlable. Pour 15mn seulement. 15 minutes où, dans un silence assourdissant, nous « veilleurs » attendions l’ordre de la charge. À quelques minutes de la fin, du cœur de ce corps retentit doucement le chant de l’Espérance. De ces voix tremblantes, serrées à la gorge par la peur et la détermination, ces notes volèrent, heurtant au passage les lourds boucliers de ceux qu’une politique a choisi de nous opposer. « L’Espérance est un trésor qui de nos plus noires souffrances sait toujours être vainqueur. »

Ma chérie, c’était inutile. C’était beau.

À l’heure dite, nous nous sommes levés et, en continuant de chanter, avons voulu nous disperser. Peine perdue. Alors que le commissaire avait souhaité avancer l’heure de dispersion à minuit pour, soi-disant, nous permettre de prendre le dernier métro, les forces de l’ordre nous obligèrent à nous engouffrer dans la station Invalides où, selon elles, un métro allait arriver vers 1h du matin, le dernier. Ma chérie, j’ai alors compris que ceux qui donnaient les ordres souhaitaient nous pousser à la faute. Violentés en haut par des CRS zélés qui nous poussaient dans les escaliers, Bousculés en bas par des gendarmes mobiles voyant affluer des centaines de jeunes exaspérés, la situation devenait intenable. Tentant d’aider deux jeunes filles à descendre les marches tandis qu’un CRS leur frappait les mains pour qu’elles lâchent les rampes, un officier de police (son insigne en feuille de chêne est facilement identifiable), microphone à la main, me poussa dans les escaliers à grand renfort de coups de pieds au ventre. C’est en bas, dans la station, que j’ai compris que cette situation ne pouvait évoluer. CRS et gendarmes recevaient ordres et contre-ordres, et forçaient les « veilleurs » à se diriger tantôt vers une ligne de métro, tantôt une autre. Face à cette absurdité, j’ai vu deux visages de ces forces de l’ordre. Ceux dont notre calme et notre résolution avaient galvanisé la haine et le besoin d’en découdre. Un CRS s’étant mis à cogner dans tous les sens, les yeux rouges, s’est d’ailleurs fait attraper par le col et envoyé à l’arrière par un de ses collègues. Et les autres. Ceux dont nous aurions pu être les fils. Ceux qui un autre soir nous auraient peut-être rejoints. Ceux qui, à ce moment, avaient honte. Apercevant un commandant de gendarmerie, je l’ai interpellé en lui confiant mes inquiétudes quant aux réelles raisons de cette situation électrique.

Ma chérie, j’aurai voulu que tu sois là, voir ce que j’ai vu. Cet homme, la quarantaine, à la tête de ces hommes, m’a pris le bras d’un geste viril et paternel et l’a serré fort. Ses yeux tristes et ce geste rapide m’ont bouleversé. J’y ai vu du chagrin, de la compréhension, de la compassion dissimulée. De l’abnégation aussi. J’y ai senti le désarroi des gens de bien, face à un gouvernement qui – toujours pas choix politique – veut nous considérer comme des terroristes. Commandant, si vous lisez ces lignes, sachez que nous sommes vos fils. Et que la vérité, la liberté et la justice triompheront du néant. Notre pays nous fait mal, il sera guéri.

Hier soir, ma chérie, j’ai pleuré. Comme un gosse. De rage et d’émotion, de tristesse et de souffrance.

En rentrant chez moi, franchissant à nouveau l’esplanade des Invalides je suis tombé sur une stèle fleurie en hommage aux victimes du mouvement polonais Solidarnosc, nos anciens dans la résistance. Alors j’ai revu cette petite flamme vacillante posée quelques heures plus tôt devant moi, alors je me suis souvenu de cette petite espérance, alors j’ai de nouveau entendu ce chant, « l’Espérance est un trésor ».

Alors, j’ai pleuré. Mais ces larmes salées étaient un flot nouveau. D’une eau vive qui lave et purifie. D’un sel qui brule une plaie mais la nettoie.

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36 Comments

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  • Robert , 19 avril 2013 @ 16 h 22 min

    Le car a marché sur le pied d’une manifestante, pied qui n’a pas été cassé. C’est cela qu’il s’est passé le 24 mars.
    Si on veut être juste, il faut l’être totalement.
    Et cela n’enlève rien à la brutalité du régime et aux méthodes permises à la police.
    Mais comme le dit PG, nous ne sommes pas en régime communiste ou national-socialiste. Si c’était le cas, mai 68 aurait duré cinq minutes et il n’y aurait plus de témoins pour se faire passer pour des anciens “cons-battants”.

  • Michel , 19 avril 2013 @ 18 h 49 min

    Quel texte magnifique….qu’il faudrait diffuser massivement….

  • Michel , 19 avril 2013 @ 18 h 56 min

    @PG

    Bien sûr, vous avez raison pour ce qui concerne la proportion des choses….
    Mais sur le fond, les mécanismes à l’oeuvre sont strictement identiques…et oui, je considère moi aussi que la résistance qui se lève actuellement est du même type que celle de Soildarnosc

  • Cyrille , 19 avril 2013 @ 19 h 02 min

    Elle va bien, merci pour elle!

  • PAD , 19 avril 2013 @ 23 h 46 min

    Ce billet est d’une nullité affligeante! Raz-le-bol des faibles qui chialent tout le temps devant leur chérie. D’ailleurs s’ils l’aimait vraiment sa chérie il n’aurait pas posté ce texte nombriliste et impudique devant tout le monde mais ne l’aurait offert qu’à elle!

    Vous voulez gagner cette guerre! Eh bien je vais vous donner un exemple! En 2011, avec un ami, je me suis pris la révolution égyptienne en pleine poire au Caire. En une semaine les Égyptiens ont fait tomber le régime! Comment? Très simple: à la sortie de la grande prière ils se sont rués non tant pas place Midan el-Tahrir comme nous le serinent à longueur de temps les journaleux-absents mais à côté sur la gigantesque station de bus et de cars centralisant tous les parcours du pays car le transport ferroviaire y est très peu développé: place Abdel Monei Riad. Ainsi des le début l’économie du pays fut paralysée, peu de temps après les commerces s’arrêtèrent puis les banques bloquées n’émettaient plus de billets (on paya l’hôtel avec nos fringues!); à ceci se rajouta la coupure internet et des réseaux portables voulue par Moubarak précipitant le chaos et sa propre chute!

    Que firent les 2 millions de forces de l’ordre face à 20 millions de Cairotes! Pas grand chose si ce n’est de bloquer les grandes avenues pour éviter que cela dégénère puis de temps à autre tentaient de reprendre possession avec des chars et des grands coups de fusils à pompes des ruelles étroites de la Médina ( le vieux Caire) en feu et criblées de gigantesques rixes entre manifestants et les Mouhabarats (police secrète) ou se fomentaient tous les groupes de jeunes turbulents qui cassaient du flic! En pleins milieu de tout ce tohubohu nous avons été happés par une de ces marées humaines fuyant les gros coup de fusils à pompe, je peux vous garantir que les robocops de Manuel Gaz font pâles figure à côté! D’ailleurs on a même étaient protégés par les imams de la mosquée très islamiste El-Azhar, le temps que ça se tasse un peu; les murs en pierres massifs de cette gigantesque mosquée pluriséculaire pouvant contenir jusqu’à 12 000 fidèles tremblaient au cris des manifestants!

    Durant les nuits de la Révolution, le ciel était blanc tellement l’atmosphère était imprégnée de lacrymogène qui multipliait puissamment les lumières des lampadaires et des immeubles, un hélico militaire tournoyait systématiquement au dessus de millions de jeunes vociférant d’ une seule voie “Moubarak dégage” (cela fait bien plus d’effet que les chars Mika émaillés de ballons roses bonbons…et aussi que le stade de France!), de temps à autre on distinguait un fourgon de flic calciné en train de voguer sur cette masse de manifestants, à peine troublée de temps à autre par un grand coup canon de char. Le bruit était tellement monstrueux qu’on écrasait la main fortement sur la poitrine du cœur pour atténuer les chocs des sons vibratoires! Le premier soir de la Manif il y a eu 150 morts et 800 blessés; et oui, eux ils savent encore mourir pour un idéal! Vous me direz qu’ils sont tombés pour instaurer un régime islamiste…ben ouais mais ils l’ont voulu! Et si vous voulez restaurer la Monarchie catholique et bien au lieu de prier il faudra la chercher par la porte ou elle est sortie: la Révolution!

    J’ai jamais eu autant les pétoches de ma vie…et paradoxalement je n’ai jamais autant exulté de joie! Passionné d’Histoire, je désespérai de la voir un jour ailleurs que dans les livres. Le sachant, Elle m’a mis aux premières loges, et Elle s’est dévoilée, dans toute sa puissance, dans toute sa grandeur…dans toute sa tragédie!

    C’est comme ça qu’on fait tomber un régime, pas autrement! D’ailleurs, j’en veux pour preuve un CRS expliquant à l’une des personnes récemment mise en garde à vue (en Égypte on y ressort avec de gros coquards sur la tronche…si on y ressort) que si les manifestants étaient plus violent ils gagneraient à terme! 2000 ans de christianisme et de sa politique de la joue tendue et la technicisation de notre continent nous a complétement émasculés! Pour un temps! La fin du pétrole qui se fait déjà sentir nous fera dans quelques décades crever de faim, et là nous retrouverons nos testicules et effondrerons tous les régimes que nous voudrons.

    Puis nous nous retrouverons la gueule ensanglantée sur les gazons des Invalides, non pas pour chanter des hymnes doucereux à l’espérance mais pour trinquer la vinasse en hurlant la devise des hussards de Napoléon (qui se réjouira dans sa tombe de notre virilité retrouvée) ” A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent!” pendant que d’autres iront ce reposer au bordel au lieu de pleurer devant leur chérie croyant en l’amour, ” ce sentiment faux créé par les femmes dans l’espoir de culpabiliser les hommes afin de les dominer” (Eric Zemmour qui cite la Bruyère je crois)

  • Gomez Aguilar , 20 avril 2013 @ 4 h 38 min

    Je ne suis pas d’accord avec vos commentaires sur un certain nombre de choses, mais ce serait trop long à dire, toutefois ici je vous approuve entièrement à propos du diagnostic, du ridicule de ces révolutionnaires en carton comparé à ce qu’est une vraie révolution, et en l’occurrence de la cucuterie dégoulinante de ce billet, au pathos aussi écœurant qu’une rasade de sirop de sucre non dilué, et dans lequel il ne manque pas un cliché. On croirait un inédit du désopilant ” À la manière de de…” par Reboux et Müller.

  • GV , 20 avril 2013 @ 10 h 00 min

    Sur le fond vous avez raison et votre billet, dans son genre est aussi beau et vrai que celui que vous critiquez, à mon point de vue.

    MAIS je crois que Gandhi a aussi fait une révolution, initialement avec moins de sang (ou du moins pas volontairement) que les Egyptiens.

    Maintenant est ce que aujourd’hui, en France, nous voulons une révolution ?
    Il ne sagit pas de celà, la “dictature” socialiste actuelle ce nest ni Staline ni Hitler, ni Pinochet .
    Il ne sagit pas de renverser par la force un gouvernement issu du vote des Français mais de lutter contre UNE loi débile voulue par une minorité qui na pas été élue.
    Fussent ils un million ou 10 millions les homos -qui d ailleurs ne revendiquent pas tous la loi- ne font pas une majorité

    Pour établir clairement la vérité et la volonté des Français, une seule solution un réfrendum avec UNE question claire.

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