Une soirée en Hollandie

vécue par un veilleur

Sorti d’une conférence spirituelle à 21h30, j’avale un sandwich avant de me rendre aux Invalides voir où tout cela en est. Petite promenade dans Paris, au clair de lune… Bien sûr, l’aspect romantique s’estompe rapidement quand je m’aperçois que tous les bords de Seine sont bloqués ainsi que tous les accès à l’esplanade… Une demi-heure après, je parviens à me faufiler avec mon Vélib’ : enthousiasme des grands espaces parisiens sans voiture ! Ah non, en fait il y a un peu de monde, des cris, des fumigènes… et des CRS, beaucoup de CRS, toujours plus de CRS (au moins, ces histoires ont permis de constater que nos impôts servaient à quelque chose et que la police existait bel et bien en France : c’est à se demander comment la délinquance et la violence peuvent ainsi progresser…). La foule est scindée en deux : un groupe – contenu par les T-shirts rouge de « la Manif’ pour Tous » qui partent peu après – scande des slogans rue de l’Université face à un cordon de CRS appuyés sur leurs désormais habituels camions-barrières, tandis que le cercle des Veilleurs s’est déjà formé. J’erre entre les groupes, tape une clope à un inconnu, une bière à un ami, souris aux CRS : une réunion sympathique en somme… Las, je croise le frère jumeau d’un ancien camarade de classe dont le père est journaliste au Canard enchaîné… Surpris de sa présence, il m’explique rapidement que non, il n’a pas changé de bord, mais vient observer cette faune de « bourgeois » (lui dont je sais par ailleurs que les standards de vie, malgré ses airs de prolo, sont bien plus élevés que les miens, malgré ma veste et mes chemises…), et de rajouter aussitôt : « si tu n’arrives que maintenant, c’est pour une bonne raison… » Ah oui ? Je suppose qu’il veut dire que je suis là pour en découdre, frapper sur des gendarmes, lancer – le poignard entre les dents – des cocktails Molotov sur les hommes en bleu, comme ses amis, et comme il le ferait en certaines occasions s’il en avait le courage… Ben en fait, ce n’est pas vraiment dans mes habitudes de jeune fonctionnaire…

Les CRS scindent les manifestants, je serre la main par-dessus leurs épaules à des amis restés prisonniers et contraints de prendre le métro ; on chante. Je ne comprends pas pourquoi face à des fachos ultra-violents et « radicalisés », les forces de l’ordre acceptent elles-mêmes de se retrouve avec autant de manifestants devant que derrière elles ! Face à un groupe de renforts casqués, une grande partie des jeunes manifestants entame un « il était une bergère… trois pas en avant (mouvement des troupes)… trois pas en arrière (soulagement des troupes) » : la foule a de ces trouvailles parfois !

Mais les CRS ont fini de pousser les manifestants aux bouches du métro, je rejoins donc les Veilleurs avec des amis.

Autre ambiance. Calme et déterminée.

Nous n’entendons pas grand-chose, mais Axel joue très bien son rôle pour calmer ses ouailles. C’est parfois un peu cucul (expression de Marie H. dans son beau témoignage), comme l’agitation des mains en l’air, tels des dévisseurs d’ampoule. Je ne souhaite pas lancer la pierre à un mouvement qui a fait ses preuves et qui repose sur les épaules de quelques jeunes gens aux nerfs trempés, que je remercie infiniment pour leur initiative qui me convient tout à fait – sans exclure les autres. Mais je ne puis que déplorer le manque de courage intellectuel (ou est-ce un manque de formation ?) qui veut absolument évacuer ce qui est au cœur de la démarche de chacun de nous : Dieu. Le gros mot est lâché, Civitas est de retour, l’intégrisme a frappé. Non ! Se réclamer de Victor Hugo, d’Aragon, de Jean Moulin, de Gandhi (sur quelques affiches de manifestants), voire de la Marseillaise, ce chant qui a présidé aux massacres de nos frères Vendéens (le « sang impur » n’est pas de gauche, mais bel et bien catholique), c’est bien beau, ça fait bien sur les caméras (et encore : regardez les JT, écoutez la radio, et vous verrez comment sont traitées nos mobilisations), mais ce n’est pas révélateur de notre combat. N’ayons pas peur de l’affirmer. Et cela ne choquera personne : il n’y a que des cathos qui réagissent en toute conscience. Pourquoi avoir peur de se réclamer de Dieu ? Manque de Foi ? La foi n’exclue pas l’intelligence et je ne prône pas un Chemin de Croix, ce ne serait pas le lieu ni le moment, mais après avoir lancé avant-hier (pour calmer quelques excités), le Chant de l’Espérance que tout le monde a repris, j’aimerais que l’on puisse aussi chanter l’Étoile de la mer, ou même – soyons fou ! – un Ave Maria ! Avant-hier, nous avons pu réciter un chapelet discrètement avec des amis. D’autant que les mots d’Axel appellent à la méditation, à la prière. Ne se trouvera-t-il aucun clerc pour lui dire que notre opposition et notre victoire ne viendront que de notre conversion et de notre volonté de ne rien soustraire à ce qui est au centre de nos vie ?

Nous ne sommes pas des conservateurs, c’est-à-dire que nous n’acceptons pas l’inacceptable, même vingt ans après. Nous ne nous battons pas pour un PaCS amélioré, après nous y être opposés ; nous ne nous battons pas contre l’homophobie, étant donnés le danger sémantique du terme et la gravité morale de l’acte ; nous ne sommes pas les « nervis », ni des extrêmes ni de l’UMP ; nous ne sommes pas des pacifistes, des écologistes, des réactionnaires, des bourgeois, des aigris, car nous sommes la lumière et le sel du monde : nous sommes des catholique français et RIEN ne pourra nous ébranler. Et si le sel s’affadit

À minuit, les forces de l’ordre arrachent plusieurs des nôtres pour les conduire dans les cars, rapidement pleins. Un CRS tente de me faire partir : le nez, les yeux, les oreilles… j’agite la tête. Il exerce une pression douloureuse derrière les oreilles et s’exclame avec un peu de compassion (pas trop quand même) : « je sais ce que cela fait, viens ! » ; et je réponds avec un peu de vanité, il faut bien le dire :  « oui, oui, grosso modo, je le sais aussi ! Mais mon père est Colonel, mon frère Capitaine, mon beau-frère Gendarme secouriste de haute montagne, mon grand-père a été déporté à Buchenwald, et de l’autre côté il était dans le Vercors… Je suis un Français, fier de l’être, je n’ai rien à me reprocher et je ne me laisserai pas faire si facilement… » Il me lâche, il est minuit et demi. Nous partons sereinement en souriant, en ramassant nos déchets – « la France bien élevée » – et en s’exclamant : « à demain ! reposez vous bien ! » à des forces de l’ordre visiblement un peu décontenancées…

À demain…

¡ Que viva el Cristo rey !

Un jeune catholique, fonctionnaire au service de la France.

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23 Comments

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  • 0 / 10
  • patrhaut , 20 avril 2013 @ 18 h 00 min

    oui, merci beaucoup ! et vive le Christ Roi, seul motif d’un combat légitime.
    ” La lâcheté c’est de se faire tuer. Le martyre c’est de mourir pour le Christ. Il faudra faire un jour la différence. ” (Bonnal)

  • Murex64 , 20 avril 2013 @ 18 h 18 min

    Oui, J’avais un camarade. Shöne Lied !

  • Murex64 , 20 avril 2013 @ 18 h 23 min

    Oui c’est vrai Pécuchet heu…pardon, Bouvard, kalash et cocotte minute, seraient des plus efficaces ! il y a un laisser aller en France en ce moment ! Je ne sais à quoi ça tient !

  • Gomez Aguilar , 21 avril 2013 @ 0 h 38 min

    Schönes Lied… Schönes…

  • stephix , 22 avril 2013 @ 9 h 39 min

    j’ai trouvé ce témoignage très beau, avec une grande vérité…Cependant, la stratégie n’est pas quelque chose à évincer, et dans toute bataille il est nécessaire d’en avoir une et de s’y conformer. Autant que possible. Personnellement, à moins d’être aveugles, il est clair que le mouvement est d’origine catholique, MAIS, en tant que maman et donc un peu plus âgée que ces veilleurs que j’admire de toute mes forces et que je soutiens, je vois une belle opportunité d’ouvrir le mouvement à d’autres jeunes en recherche. Recherche d’eux-mêmes, recherche de spiritualité, recherche du divin qui donne un sens à leur existence. Croyez-moi, les veilleurs font (et peut-être malgré eux) un beau travail d’évangélisation de la jeunesse de France. Vous attirez de plus en plus de jeunes dans toutes les villes de France. Si vous vous revendiquez “trop” fort d’être de bons Français cathos, et même si c’est vrai et que vous avez raison d’en être fiers, vous risquez de couper cet élan évangélique et vous replier sur vous mêmes, à la façon des rallyes mondains. Vous deviendrez hermétiques et personne ne pourra plus rentrer dans votre groupe. Il faudra montrer patte blanche. J’en connais qqchose pour avoir fait toute ma scolarité dans du privé catho de haut niveau, et malgré ma bonne éducation et ma foi, je n’ai pas réussi à pénétrer ces groupes bien fermés, parce que je n’avais ni nom, ni chevalière. J’en ai souffert. Non, vraiment, ce n’est pas une bonne idée. Restez sur cette lancée qui, que cela ait été voulu ou non, est une bonne stratégie pour ramener un maximum de jeunes qui ont soif de beau, de vrai, de justice etc. De grâce, ne vous sectarisez pas, restez ouverts, et lisez tous les textes philosophiques qui élèvent l’âme. Les cathos n’ont pas le monopole de la vérité et de la beauté, ni même de la sainteté. Ils sont une voie parmi d’autres pour arriver à Dieu (sans doute la meilleurs d’ailleurs mais voilà, restons ouverts) Et tant mieux si vous convertissez d’autres jeunes au catholicisme, mais pensez d’abord à convertir les coeurs pour qu’ils se laissent pénétrer par Dieu. Proposer des prières n’est pas mal, mais ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie. Enfin, c’est un point de vue personnel. Un regard extérieur qui pourra peut-être apporter quelque chose. Je l’espère. Bonne continuation, nous sommes de tout coeur avec vous.

  • Louis , 22 avril 2013 @ 9 h 57 min

    Madame, soyez remerciée de votre commentaire, qui est tout de même très encourageant.
    Je suis entièrement d’accord avec vous sur un point: la dimension très socialement marquée du catholicisme aujourd’hui que je trouve très regrettable, et, pour ne porter moi-même ni chevalière ni nom et avoir vécu la même expérience que vous en lycée privé hors contrat, trouve aussi parfois assez désagréable. A ce niveau je regrette que les Hommen, les apéros aux Luxembourg ait un peu trop pris ce visage là.
    Mais pour fréquenter Saint Nicolas du Chardonnet, je sais aussi que ce n’est pas là le vrai visage du catholicisme, et que l’on peut affirmer haut et fort ses convictions sans rebuter les gens: le visage sociologique de cette paroisse “ancien style” est bien plus divers et ouvert que la plupart des églises parisiennes…
    Là où je ne saurai vous rejoindre, et c’est la critique que je fais à ce mouvement par ailleurs si proche de mes idées, c’est qu’on ne négocie pas la vérité. Dans toute parole humaine il y a certes une part de vérité (la mal absolu n’existe pas, nous ne sommes pas manichéens), mais la religion catholique n’est pas “une” voie vers Dieu, mais la seule (“ego sum via”). A partir de là, pourquoi chercher des choses incomplètes et partiellement fausses, quand on sait avoir à sa disposition un trésor dans la parole d’Église? pourquoi contempler des perles tordues et imparfaites quand on a à notre dispositions des gemmes éclatants? Il faut bien sûr convaincre nos contemporains et (presque) tous les moyens sont bon, tant que la vérité est sauve. Et il est faux de prétendre que la Liberté est une valeur en soi, que les droits de l’homme sont une avancée civilisationnelle, un gage des libertés humaine. Les lois actuelles en sont l’émanation et la conséquence logique et directe. Je suis historien et je sais de quoi je parle… C’est pourquoi je trouve dangereux pour nous et contre-productif à terme, pour nous catholiques, de perpétuellement se mettre à la remorque des idées de nos adversaires plutôt que d’affirmer haut et fort la Vérité (qui ne nous appartient pas, que nous avons reçue et que nous devons transmettre).

  • stephix , 23 avril 2013 @ 14 h 53 min

    Je comprends tout à fait votre point de vue. Cependant, et après je conçois que ce soit contestable, mais, dans une civilisation comme la nôtre, société moralement perdue et loin de tous repères, se mettre à lire l Evangile tel quel, sans préparation, ou prier un Je vous salue Marie, devant des personnes qui ne savent pas de quoi il s agit…N est-ce pas au contraire contre productif? Bien sûr que notre religion est belle et se suffit à elle-même tellement elle est riche, mais il faut avouer que pour quelqu un qui n y connait rien et n a pas baigné dedans depuis son enfance, c est plutôt indigeste comme Parole. Vous allez me dire, ça dépend quel passage du Nouveau Testament on choisit de lire ! Bref, je suis plus pour une stratégie de douceur et de tact, qui amène doucement mais sûrement à Dieu les jeunes en recherche et ceux qui n ont jamais baigné dans la religion. Les textes philosophiques sont certes imparfaits, les autres religions aussi, mais…pourquoi ne pas tirer profit de ce qu elles ont de bon aussi. Si un protestant ou Gandhi ou Simone Weil ont de belles réflexions spirituelles, belles mais surtout vraies, pour quoi s en priver? Les voie du Seigneurs sont impénétrables, et un jeune peut très bien retrouver Dieu par la raison en commençant dabord par se nourrir de nourriture facilement assimilable.

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