A la recherche d’un chef ou en quête de vérité ?

Six millions de chômeurs, un déficit budgétaire de plus de 4 %, l’insécurité domestique et le terrorisme international, le déchaînement de la violence et de la haine au sein de la société, les menaces sur la famille et l’éducation.

Mais pendant ce temps-là, la presse nous donne les nouvelles excitantes d’une France qui vit à l’heure de ses universités d’été, où l’on spécule sur le retrait de Hollande et le retour de Sarkozy. On vit à l’heure de 2017, sans doute pour ne pas voir ce qui se passe en 2014. Et l’on établit la stratégie (ou ce que l’on tient pour telle) à partir des 37 % de Madame Le Pen contre les 25 % de Monsieur Hollande (dont on suppose bien évidemment qu’il sera le candidat de la gauche unie) et les 42 % de Monsieur Sarkozy (dont on suppose qu’il est obligatoirement le seul candidat possible de la droite). Des sondages se multiplient pour savoir quel candidat aura les suffrages des Français en 2017. C’est à mes yeux totalement décalé, révoltant, immoral et imbécile.

Quand le pays a besoin de vérité et de lucidité, on lui offre la guerre des chefs, à droite comme à gauche. Et au centre comme aux extrêmes. L’arithmétique électorale est le passe-temps favori de la classe politique, à croire que c’est tout ce qu’elle sait faire.

Cette hérésie n’est pas surprenante, mais elle est consternante.

Elle n’est pas surprenante avec le régime constitutionnel que s’est donné la Vème République. Dans une monarchie absolue, la classe politique passe son temps à chercher le monarque, elle est encouragée dans cette voie par la nullité du roi actuel, même s’il ne veut pas démissionner. Mais cette constitution traduit en fait l’idolâtrie séculaire que le peuple français voue au chef, à l’homme providentiel. Le peuple adore le pouvoir et celui qui incarne le pouvoir. De Charlemagne à Louis XIV, de Bonaparte à De Gaulle, c’est le chef qu’on vénère, quitte à le condamner à mort de temps en temps. Le peuple a remis son sort entre les mains du despote ; c’est dire que l’on est loin de la démocratie la plus élémentaire – ce qui n’empêche pas de tenir des discours enflammés sur la démocratie, les valeurs républicaines, les droits de l’homme et autres belles références.

Mais cette hérésie est consternante. Elle interdit tout exercice de réflexion politique en dehors de la prospective électorale. Elle dispense de tout programme : c’est le grand chef qui dira ce qui est à faire, et il fera pour le mieux. J’aimerais bien savoir sur quel critère certains Français se sont prononcés au cours des précédentes élections générales. Sortir les sortants : c’est un programme formidable. Barrer la route à la gauche (ou à la droite) : c’est un programme constructif. En finir avec la crise et le chômage : c’est un programme utopique car l’Etat n’offre pas de solution, lui qui est à l’origine du problème. En fin de compte, c’est l’art de paraître qui fait la différence. La communication tient lieu de convictions.

Il se trouve de plus qu’il y a souvent contradiction entre la sympathie qu’inspire le chef et la pertinence de son action. Bien sûr, pour la forme, il y aura des propositions faites aux électeurs. Mais elles ne sont que très rarement mises en application. Quel électeur de Chirac, Sarkozy ou Hollande a-t-il été comblé par la politique menée pendant leurs mandats ? Puisque Sarkozy tient aujourd’hui la vedette, peut-on se poser quelques questions au sujet de son action ? Qui a révisé le code du travail et a oublié de supprimer la durée légale du travail hebdomadaire ? Qui a mené le G 20 sur la route de la relance et du retour de l’Etat pour lutter contre la crise dénoncée comme crise du système capitaliste et la mondialisation ? Qui a donné à Poutine les armes tactiques pour asservir la Géorgie et reconstituer l’URSS ? Qui a développé le thème du « patriotisme économique » bien avant Montebourg ? Qui a organisé le Grenelle de l’environnement et son cortège de réglementation et de subventions bien avant Duflot? Qui a demandé chaque année un moratoire pour honorer les engagements pris en matière de discipline budgétaire bien avant Moscovici ? Qui a fait un coup d’éclat en Libye et applaudi aux printemps arabes ? Qui a créé plus de soixante impôts nouveaux ?

Je ne veux pas faire un procès d’intention à Nicolas Sarkozy. Il n’avait pas promis grand-chose et le peu qu’il avait promis n’a pas été fait. Mais il était dans la logique du système de démocratie à la française : chèque en blanc au Président. Tous au Fouquet’s…C’est pourquoi je m’adresse aujourd’hui à lui, comme aux autres : faites-nous connaître au plus tôt votre programme. Comme le disait Jacques Rueff : « Soyez libéraux, soyez socialistes, mais dites la vérité ». Or, depuis des décennies, les politiques que vous avez menées ont été illisibles.

Je m’adresse aussi aux Français : ne jugez plus un candidat sur son apparence, n’allez pas vers lui au prétexte qu’il est le mieux placé, ou le meilleur rempart, ou le plus courageux, exigez avant tout qu’il vous fasse connaître ses convictions et son programme. Le programme traduit concrètement un choix de société : voulez vous l’étatisme, le dirigisme, ou la liberté ? Voulez-vous le collectivisme et le « modèle social français » ou les droits individuels et la liberté ? Voulez-vous restreindre la propriété ou honorer la réussite et récompenser le mérite ? Ces questions simples, et d’autres, ne sont jamais évoquées. Elles obligeraient pourtant les candidats à faire connaître leurs convictions profondes. Beaucoup seraient gênés, faute de conviction autre que leur désir d’accéder au pouvoir.

Il appartient aux libéraux français de rompre avec la tradition et de harceler la classe politique et les candidats pour qu’ils disent enfin la vérité sur leurs projets. Il nous intéresse de savoir quel sort ils réservent à la liberté.

> Cette tribune est publiée en collaboration avec l’ALEPS.

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11 Comments

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  • patrick Canonges , 19 septembre 2014 @ 16 h 08 min

    Excellent article dans sa critique du culte de l’Etat, appelé indûment jacobinisme et colbertisme, alors que cette conception politique “romaine” remonte à Philippe le Bel, autrement dit aux sources de la construction étatique française !
    La France souffre de l’atonie, voulue et programmée depuis des siècles, de la société civile écrasée par l’Etat. La société civile c’est la capacité des citoyens de s’auto-organiser et de faire preuve d’initiative. Ce sont les associations, les religions, les entreprises, les syndicats, la démocratie locale, etc…
    Comme aujourd’hui l’Etat s’effondre de vouloir être trop puissant (collapsus), et que la société civile est minutieusement affaiblie, il ne reste plus rien et le citoyen se retrouve tout nu. De là vient ce sentiment diffus et confus de tout un chacun, ce malaise politico-sociétal qui entraîne la France dans un tourbillon immaîtrisable.

  • Droal , 19 septembre 2014 @ 19 h 01 min

    Dans un discours prononcé à Épinal, le 29 septembre 1946, dans lequel il critique le nouveau projet de constitution, Charles de Gaulle rapporte ceci à Claude Guy (in En écoutant de Gaulle) : « Voilà…j’ai parlé ! Il ne me reste plus qu’à me taire et à attendre. Le temps fera le reste. Le 18 juin, les neuf dixième de la nation ne m’ont pas compris. Je viens de faire un nouvel appel du 18 juin (…) Cette même foule qui m’acclame aujourd’hui acclamait Pétain il y a quelques mois. Toutes les villes de France ont successivement applaudi les Anglais, Jeanne d’Arc, tous nos rois, tous nos empereurs, tous nos présidents de la République, Boulanger, Pétain, de Gaulle, est-ce que je sais, moi ?… cela ne signifie rien…. SEUL L’ÉVÈNEMENT COMPTE. »

    Deux « évènements ».

    Le premier, celui du 11 septembre 2001.

    Le second, celui du 14 mai 2011.

    Le 11 septembre 2001 – Oussama, fils de Laden – entre dans l’Histoire, dans la Prophétie (Chapitres 18 & 19 de l’Apocalypse de Saint Jean), dans le Mythe & dans la Légende.

    Le second se déroule – dans la même ville – dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel de New York.

    François Hollande est un homme providentiel « par défaut ».

    Il est le huitième Président de la cinquième République…

  • Catholique & Français , 19 septembre 2014 @ 19 h 14 min

    ???

  • V_Parlier , 19 septembre 2014 @ 19 h 18 min

    Je cite: “Qui a donné à Poutine les armes tactiques pour asservir la Géorgie et reconstituer l’URSS ?” –> Pfff… L’URSS on la reconstruit ici même. Ca s’appelle l’UE et le Soviet Suprême est à Bruxelles. Je passe sur le reste, hors sujet.

    Sous couvert de dissidence, ce billet nous endort avec un sujet dépassé, comme si le gouvernement national avait encore un pouvoir (autre que celui de nous apprendre la vie à sa manière, ainsi qu’à nos enfants). Si les français attendent bel et bien un dirigeant couillu, c’est parce-qu’ils savent qu’il lui faudra faire face aux pires attaques (éventuellement physiques) s’il a le courage de nous faire sortir de cette néo-URSS où on a juste remplacé l’Etat père par le marché père (le marché “libre” n’en étant en fait même pas un, puisque le but final est de servir les intérêts d’une puissance tierce que je ne présente plus). Les programmes feutrés et consensuels, çà devrait avoir une place de choix chez les lecteurs: les toilettes, en guise de PQ.

  • V_Parlier , 19 septembre 2014 @ 19 h 20 min

    C’est le début d’un roman? :-D

  • Goupille , 19 septembre 2014 @ 21 h 11 min

    C’est le début d’un roman qui se continue, peut-être ainsi :

    Le huitième président de la cinquième république se révélant, mois après mois, en-dessous de la situation où il a été posé à la suite d’un fâcheux hasard, en-dessous de l’événement, en-dessous de tout, ceux qui l’avaient poussé sur ce piédestal tremblant décident de l’abandonner à son sort.
    Ils sifflent la fin de la partie et appellent à la rescousse le ci-devant, avec pour mission de mener à bien ce que le gros balourd au regard effaré derrière ses lunettes éternellement mouillées dessert par trop.
    A savoir : l’instauration du Nouvel Ordre Mondial “que rien, je dis bien rien, ne saura empêcher” a dit le ci-devant, menaçant.

    Le ci-devant est un petit nerveux qui a trompé son monde avec maestria. C’est un ventilateur efficace dans l’art de brasser du vent, son épouse sait se tenir dans le monde, elle, et le peuple français, nostalgique des élégances versaillaises, apprécie.
    Cela devrait suffire pour que la part la plus simplette de son public oublie, ou feigne d’oublier, par trouille verte et versatilité congénitale.

    Mais une autre partie n’oublie rien, jamais.
    Et alors ? Et alors ?
    Héhé…

  • Goupille , 19 septembre 2014 @ 21 h 33 min

    Bravissimo !
    Cela fait trente ans que des politiciens interchangeables se font élire sur la seule appartenance à une écurie ou l’autre. Avec une absence totale de programme autre que la compétition entre sommes d’intérêts particuliers qui ne feront jamais l’intérêt général.
    Ce qui leur permettait de lancer ce pays dans des aventures qui n’ont jamais été abordées : l’aventure européenne, par exemple. Qui a jamais inscrit clairement la chose à son programme pour le soumettre au suffrage populaire ? La progression s’est faite à marche forcée, jusqu’à la démission de tout, par les uns aussi bien que par les autres..
    Et les récalcitrants se sont vu répondre que tel gus, ou un autre, avait été élu. Et que tel était son bon plaisir…

    Quant aux attaques contre Poutine… En effet : pfff !
    D’autant que manque au Musée des Horreurs la réintroduction de la France dans l’OTAN, les projets fumeux, et heureusement avortés, d’un genre de machin France-Maghreb, et les grands accords commerciaux unilatéraux avec l’Ami Américain.

    Alors, le libéralisme, ou pas, là-dedans…
    Epiphénomène. Anecdote.
    Isme.

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