Catholicisme et politique

Il y a quelques semaines, Jean Dutrueil a écrit une tribune dans laquelle il défend l’idée que catholicisme et politique seraient par nature incompatibles. Il reprend en cela l’argumentation néopaïenne, développée notamment par le philosophe Alain de Benoist, sur la nature impolitique du christianisme. Le catholicisme est pourtant une religion politique, mais pas au sens courant du terme.

Pauvreté matérielle, force spirituelle

Comme mis en lumière par Pascal Quignard dans son livre Le sexe et l’effroi, la spécificité du christianisme, par opposition au paganisme et aux monothéismes juif et musulman, est de reposer non pas sur le principe masculin de Pouvoir (phallus en grec, fascinus en latin), mais sur le principe féminin d’Influence. La force du Christ ne lui vient pas d’un Pouvoir coercitif, donc d’une capacité à Agir, mais du fait d’incarner et d’exprimer la Vérité, donc d’une capacité à Être. Depuis le livre de John Gray Les hommes viennent de Mars, les femmes de Venus, nous savons que l’Action est liée au principe Masculin, l’Être au principe Féminin. Le développement rapide du christianisme originel n’est pas dû à sa puissance physique, matérielle ou financière. Il est dû à l’attraction qu’il exerce sur les personnes authentiquement viriles, c’est-à-dire en capacité de s’humilier devant ceux qui ont le courage d’exprimer la Vérité dans toute la plénitude de leur Être et au risque de leur propre vie. Comme le montre Quignard, ce dernier point explique que le christianisme ait supplanté relativement rapidement le paganisme dans la société romaine de l’époque, passée du culte de la virilité physique au culte de la virilité spirituelle.

Primauté du verbe

De cette philosophie de l’incarnation christique découle directement la praxis politique catholique, consistant non pas à séduire par le Pouvoir, mais à convaincre par la Vérité, en incarnant et en prêchant des valeurs fortes. Ceci n’impliquant pas d’adopter une attitude d’idiot satisfait, de crétin béat ou d’imbécile heureux comme l’imaginent trop de catholiques d’aujourd’hui, mais a contrario d’assumer la Sainte Colère du Christ envers ceux qui se vautrent dans l’avachissement spirituel. Les lois pénalisant la liberté d’expression votées depuis plusieurs décennies visent objectivement en priorité les catholiques.

« Vous dites que nous devons nous assimiler, mais à quoi ? Au mariage pour tous ? », questionnait récemment un Camel Bechikh, président de l’association de musulmans patriotes Fils de France. Les immigrés, en particulier de religion musulmane, ont commencé à mépriser la France à partir du moment où ceux qui en sont les dépositaires spirituels n’ont plus été capable de tenir le discours ferme de celui qui s’assume pleinement. Dire comme le président de la fondation Lejeune Jean-Marie Le Méné que “l’avortement n’est pas un droit mais un drame” est nécessaire, mais pas suffisant. Si nous voulons que le catholicisme impose à nouveau le respect et notamment aux populations immigrées, nous ne pourrons pas faire l’économie d’affirmer textuellement que celles et ceux qui se vantent de sacraliser leur jouissance égoïste et irresponsable méritent moins de considération que les putains qui ont au moins l’amour-propre de faire payer leurs clients.

Hiérarchie du service

Le fait que le catholicisme fasse primer la Vérité sur le Pouvoir définit un mode de gouvernement basé sur le service, suivant la doctrine sociale de l’Église définie par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum. La virilité étant définie comme la capacité à s’humilier devant la pure charité qu’exprime une Vierge Marie, la légitimité de la hiérarchie sociale repose sur la capacité à se donner comme autorité sacrificielle au plus grand nombre. Ceci est la principale leçon dispensée par Philippe de Villiers dans son Roman de Saint Louis. Elle implique par exemple que dans ce type de hiérarchie, un préfet jouisse d’une considération supérieure à celle d’un cadre d’entreprise, même avec un salaire dix fois inférieur.

Comme pointé par la blogueuse Gabrielle Cluzel, le fait que de nombreux catholiques aient privilégié le service matériel par l’action industrieuse sur le modèle protestant au service spirituel par l’incarnation d’une autorité explique leur perte de considération en tant que tels. N’en déplaise aux libéraux désincarnés de Contrepoints, prétendre lutter contre cette idéologie du tout social qu’est le socialisme par cette idéologie du rien social qu’est le libéralisme pur est voué à l’échec. On ne combat pas une imposture spirituelle par un vide spirituel. Autant il est possible de se donner corps et âme pour défendre sa Patrie et la religion de ses Pères, autant personne n’ira se battre pour défendre le taux de croissance, fût-ce pour payer des vacances à ses enfants.

La dérive du pharisianisme catholique

« Ce qu’il a commencé par la plume, je l’achèverai par l’épée », disait Balzac à propos de Napoléon. Comme l’a révélé l’attitude d’un certain nombre de personnes au cours du mouvement du printemps dernier, de nombreux fidèles ont développé ce que l’on pourrait appeler un “pharisianisme catholique”. À savoir, rechercher l’approbation de la communauté paroissiale par une adhésion de façade à ses principes plutôt que d’assumer l’opprobre social consécutif au fait de ne pas être du côté du manche. Qu’il s’agisse du bon garçon exhibant son honnête réussite ou de la bonne fille exhibant sa nichée, chez de trop nombreux croyants, une fausse gentillesse confondue avec de la bienveillance sert aujourd’hui d’excuse pour masquer une incapacité à s’assumer. « Louis, mieux serait pour vous de périr que de commettre quelque péché mortel à escient », déclarait la reine Blanche de Castille à son fils, citée par Philippe de Villiers dans son Roman de Saint Louis. Combien de mères de famille catholiques sont-elles aujourd’hui prêtes, à l’exemple de la reine Blanche, à assumer d’offrir leurs fils en Holocauste, acceptant de faire abstraction de leurs sentiments maternels au nom des valeurs qu’elles affirment défendre ?

« Ils ont des mains pour caresser, mais pas de poings pour frapper », disait Nietzsche à propos des catholiques il y a déjà plus d’un siècle. Pour exercer le Pouvoir, la première condition est de le désirer et de l’assumer, au sens physique du terme. Autant des chants comme le Canon de la paix chanté par le mouvement des Veilleurs présentent l’intérêt tactique d’amener au militantisme des gens conditionnés à tendre littéralement l’autre joue, autant la philosophie qu’ils sous-tendent n’a aucune chance de séduire nos ennemis qui eux savent parfaitement ce qu’ils veulent. Si la France bien élevée veut cesser d’être traitée comme l’idiote du village politique, la première condition est d’en finir avec cette conception niaise et puérile du christianisme qu’incarne notamment une lady Diana, « nunuche hystérique en manque de mâle dominateur » parfaitement analysée par Éric Zemmour.

Conclusion : souvenons-nous de qui nous sommes

Comme énoncé par Charles Maurras, la restauration est d’abord un processus spirituel personnel, consistant à s’abstraire mentalement de l’état d’esprit ambiant pour se réancrer dans l’amour charnel et intemporel de sa Patrie, la terre de ses Pères. La capacité de sacrifice de son image sociale montrée par la bourgeoisie bien élevée de la Manif pour Tous au printemps dernier montre que les déterminismes sociologiques ne sont pas un absolu. L’actuelle irruption de l’esprit dans l’espace publique, pour reprendre le mot du philosophe Maurice Clavel, fait mentir le fatalisme techno-scientiste d’un Laurent Alexandre prophétisant dans son livre La mort de la mort l’inéluctabilité des transformations sociétales actuelles.

“Vos ennemis osent tout contre vous, et vous n’osez rien contre eux !”, accusait Georges Bernanos. Pour reconquérir le terrain perdu, nous devons sortir de la logique conservatrice qui est souvent la nôtre pour entrer dans une logique régénératrice. L’actuel renversement de l’histoire, mis en lumière notamment par le politologue Guillaume Bernard, offre aux catholiques l’opportunité de sortir de leur réserve indienne et, pour reprendre le mot du président Dwight Eisenhower, de passer du Containment au Rollback. Pour cela, nous devons cesser de considérer notre religion comme un héritage fragile à protéger des coups de boutoir du politique, mais au contraire voir en elle le moyen de nous apporter la victoire.

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12 Comments

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  • JSG , 20 février 2014 @ 17 h 20 min

    Laïque, laïque, et les francs mac, qui se disent athés et qui se précipitent pour se prosterner devant l’architecte universel, il y a de quoi rire…
    Les hommes ont besoin de se raccrocher à un groupe, pour ne pas se sentir isolés.
    Alors, tous ces gens qui bouffent du curé, devraient être taxés de révisonnisme pour ne pas admettre que la civilisation occidentale s’est bâtie sur la foi chrétienne, n’en déplaise aux grincheux qui manipulent la Masse, c’est comme ça.
    Quant à l’affiche de Christlada, et la vidéo de ce magnifique film qui n’était pas vendu en France (comme par hasard) il fallait se le procurer au canada VF (pour info).

  • Charles , 20 février 2014 @ 17 h 50 min

    Le niveau de naïveté des catholiques de France ,
    les conciliaires en particulier,est sidérant.

    Avant le 10 Mai 1940,il y avait 2 sortes de Français;
    Ceux qui n’avaient pas besoin d’attendre le 10 pour comprendre.
    Ceux qui eurent besoin d’attendre & de voir les Stuka attaquer.

    Ceci étant,la responsabilité des gens honnêtes et naïfs
    est bien plus grande que celle des escrocs et des pervers.
    Les escrocs & pervers ne peuvent prospérer que par les naïfs.
    Nous vivons dans le déni du réel en continu.

  • Catholique & Français , 20 février 2014 @ 18 h 44 min

    Qui est le manchot à côté de Maurras sur la photo que vous présentez ? Merci d’avance à celui qui me donnera la réponse…

  • PG , 20 février 2014 @ 21 h 29 min

    @ Catholique et Français

    Il s’agit vraisemblablement de Maxime Real del SARTE, amputé de l’avant bras gauche à la guerre de 14-18, et sculpteur malgré tout. Catholique et proche de Maurras, il est l’artiste qui a sculpté la Jeanne au bûcher de Rouen je crois. décédé au début des années 50.

  • Gisèle , 21 février 2014 @ 0 h 28 min
  • Catholique & Français , 21 février 2014 @ 8 h 07 min

    Merci beaucoup !

  • mariedefrance , 21 février 2014 @ 8 h 47 min

    Mexique 1926 –

    quelques années après la Révolution, le président Plutarco Elias Calles met en oeuvre les lois anticléricales de la Constitution mexicaine de 1917.

    En réponses à ces mesures, des organisations civiles protestèrent pacifiquement.

    La Ligue pour la liberté religieuse est le fer de lance des ces organisations. Prenant des armes à travers tout le pays, de courageux hommes et femmes, appelés Cristeros, rejoignirent ce combat pour la liberté.

    Voici leur histoire.

    http://www.vkstreaming.com/vk-streaming-drame/2358-for-greater-glory-the-true-story-of-cristiada-streaming.html

    Dépêches-vous : deux liens ont déjà été “suspendus”.
    Je me demande pourquoi.

    et pourquoi ce film a été censuré en France, pays de la liberté d’expression.

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