L’objection de conscience, la grande oubliée des municipales…

Alors que nous ne sommes plus qu’à quelques encablures des municipales, la campagne reste morne. Çà et là on parie sur les chances du Front national, on suppute la défaite des « partis de gouvernement », on compte les morts sur les listes, enfin on cherche des responsables à la pollution.

Rien ou presque, nulle part, sur la fameuse question qui a habité toute l’année passée, celle du mariage étendu aux couples de personnes du même sexe et sur le cas de conscience qui en est né pour les maires et leurs adjoints, en tant qu’officiers d’état-civil : sont-ils tenus d’exécuter ces unions quand, dans leur âme rationnelle, ils en réprouvent le principe ? Sinon à Fontgombault, ce petit village de l’Indre bien connu des catholiques pour sa florissante abbaye bénédictine, fille de Solesmes, où le conseil municipal dans son entier a déclaré que jamais il ne célèbrerait de telles unions, un peu partout ailleurs des modus vivendi ont été trouvés, un adjoint accommodant se dévouant en général pour assumer le « mariage ». Mais les élections de dimanche prochain étant appelées par définition à renouveler les équipes au pouvoir dans les 36 000 communes françaises, la campagne eût pu être l’occasion de remettre le sujet sur le tapis, dans la suite du grand mouvement de la Manif pour Tous.

Las ! On dirait que la question a été passée par pertes et profits. Parmi les maires ou impétrants que l’on eût pu imaginer, soit qu’ils fussent chrétiens, soit qu’ils se rattachassent à un véritable humanisme, sensibles à la question, peu nombreux sont en vérité ceux qui ont eu l’audace d’évoquer publiquement leur débat intérieur. C’est le cas de la tête de liste de Versailles Famille Avenir, Fabien Bouglé (photo), qui n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes : « La liberté de conscience (et, donc, l’objection de conscience), affirme-t-il, est inhérente à l’Homme et ne dépend pas en tant que telle du Conseil constitutionnel. La capacité de l’Homme de refuser de collaborer à un acte objectivement gravement injuste lui appartient, même si on la lui dénie juridiquement. La loi naturelle prime ici sur le droit positif. »

Et en effet, d’un point de vue catholique, la Constitution conciliaire Gaudium et Spes du Concile Vatican II précise qu’« au fond de sa conscience l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée à lui-même mais à laquelle il est tenu d’obéir. » (§16.1). Sur le papier, c’est clair. Mais dans les faits, l’objection de conscience demeure un sujet complexe, et si les États démocratiques en reconnaissent en général la possibilité, voire la nécessité, dans leurs constitutions, il est rare qu’ils l’accordent naturellement sans qu’une opposition à leurs lois se manifeste fortement. Une résistance, une « désobéissance civile » que M. Bouglé affronte sereinement : « C’est un engagement radical qui est pris par l’ensemble de l’équipe. La totalité des membres de la liste Versailles Famille Avenir a d’ailleurs signé la charte de la Manif pour tous, et se tient prête à tenir courageusement cette position. C’est même le fondement de notre engagement. (…) La posture consistant à dire que la loi est votée n’est pas tenable. L’histoire de notre pays nous enseigne que nous avons le devoir moral de ne pas appliquer un texte, y compris s’il est voté, s’il heurte des principes supérieurs communs qu’exprime le droit naturel. »

Versailles Famille avenir fera-t-elle des émules ? On le souhaite.

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18 Comments

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  • antigone , 20 mars 2014 @ 19 h 49 min

    Ne pas marier, Guillaume, tout en appliquant la loi, cela signifie se déporter. Cela n’a pas la même signification que de bloquer la loi, et c’est moins courageux. Surtout c’est significatif de donner la priorité à la loi positive sur la loi naturelle.

  • PG , 20 mars 2014 @ 20 h 04 min

    On peut contester une loi au nom de l’objection de conscience, principe délicat à manier et pour lequel des officiers d’état-civil qui s’y soustrairaient risquent la destitution de leur mandat.
    La question est de savoir si on est plus utile comme maire que comme élu destitué : je n’ai pas de réponse.
    Juste un constat : un élu destitué n’empêchera pas les mariages homosexuels : ce n’est pas par les municipalités que se tranchera la question, contrairement à ce que doit croire sincèrement M. BOUGLE et sans doute par ignorance volontaire, M. de GUILLEBON. En effet, la loi nationale est faite à l’Assemblée ET plus directement, les normes de la loi sont établies à BRUXELLES. On ne pourra donc pas se débarrasser des lobbys par un simple refus de principe, mais par une action au niveau nécessaire, le plus élevé, national et européen. Une liste se drapant dans son objection de conscience, dans une France où même l’épiscopat y est indifférent, n’a donc qu’un rôle anecdotique. Sympathique, mais anecdotique, et écrire à trois jours du scrutin qu’il faut espérer qu’elle aura des émules, c’est bien faire preuve d’irréalisme autant que de dissimulation des vrais enjeux politiques, ceci pour ne pas appeler un chat français un chat national : dérisoire.

  • PG , 20 mars 2014 @ 22 h 01 min

    @ Guillaume
    Voilà qui est dit et bien dit. Je n’aurais pas ”osé”, de peur d’être taxé d’esprit partisan.
    Mais c’est la triste réalité, toute crue et nue : la liste BOUGLE fera à M. de MAZIERES une élection facile et ainsi grâce à cette liste et à celle du gyrovague Saint Sernin, il pourra faire semblant de voter contre, mais tout absolument tout, contre le mariage homo ou la GPA ou l’homoparentalité, tandis que ses amis politiques élus à Bruxelles voteront tout cela gaiement, si je puis dire.
    C’est la grande tare des catholiques de conviction : penser qu’en demeurant entre eux, ils demeureront des purs, dont le témoignage ”sans concessions” suffira à convaincre les masses. Alors que présents sur la liste FN ou RBM, en ayant évité la dispersion des voix, certains d’entre eux seraient éligibles et élus.
    Au lieu de quoi, ils seront condamnés à faire ou laisser voter MAZIERES, n’osant pas appeler à l’abstention contre lui au deuxième tour, par la même crainte révérentielle du ”qu’en dira t on” et ”il est impossible de” : ces gens qui se veulent de rupture , finissent par adopter tous les réflexes pavloviens du conformisme sociologique de la banlieur ouest aisée. Appelant à l’insurrection de l’esprit, ils aboutissent à de petites pensées quantitaives et matérialistes. Catholiques d’intention, ils finissent bourgeois de réalisation.
    L’article de M. de GUILLEBON dans ce sens est un non sens : ils se dit thomiste et réaliste, mais tout cet article renie l’adage de l’adéquation de l’intelligence aux choses réelles, pour définir la pertinence de l’intelligence. Et pour bien montrer qu’il se démarque de l’in – intelligence ( le FN), il décoche un petit coup de pied de l’âne, en faisant allusion à la mort de la vieile dame qui avait donné son nom pour boucler une liste. C’est son ”Je ne connais pas ces gens” car ”moi je ne suis aps comme ces pécheurs”.

  • Martina , 20 mars 2014 @ 22 h 10 min

    Et que dites vous des lois votées par les députés allemands contre les juifs ?
    Il fallait donc les appliquer sans état d’âme parce que
    votées …
    Toutes les lois ne sont pas justes et le devoir commande d’y résister.
    Sacrifier aux idoles a entraîné les premiers chrétiens au martyr, et ce qui reste de chrétiens se doit de désobéir aux lois injustes votées par des impies.

  • Dodds , 20 mars 2014 @ 22 h 15 min

    A vous lire, la “liberté de conscience” accordée au médecin qui refuse de pratiquer un avortement, ne s’appliquerait pas au maire qui, par conviction personnelle, refuse de célébrer un mariage homo ? A ce titre, vous cautionnez donc les lois anti-juives des années 40 et condamnez les édiles qui s’y sont opposés ?

  • Girgio Nargutto , 21 mars 2014 @ 7 h 46 min

    Il faut s’interroger sur la notion d’objection de conscience, avant de la demander à tout bout de champ. Je suis contre le mariage homo, mais contre aussi l’objection de conscience. Qu’arrivera-t-il une fois que certains maires auront la possibilité de ne pas marier?
    Certes elle est présente en médecine, mais l’objection de conscience n’existe nulle part en politique, ce serait un nouveau concept. Comment imaginer alors que ce droit ne serait pas exigé sur d’autres sujets par nos amis de gauche? Objection de conscience à interdire le port du voile, objection de conscience à bloquer le travail du dimanche, objection de conscience à laisser le lundi de pentecôte férié, objection de conscience sauce écrevisse/béarnaise etc etc…

  • roger , 21 mars 2014 @ 10 h 05 min

    Je vous accorde un excellent point pour votre raisonnement. Je suis ” objecteur de conscience par principe car toutes les lois ne sont pas respectables car sont établies par des hommes imparf

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