La fin de la grâce

Pauvre Macron qui, désormais, relève [presque] de la pitié. On le voit s’agiter 6 heures durant, tel Fidel Castro, devant des auditoires de notables locaux. Soigneusement choisis par les préfets, parmi les 550 000 élus de la France profonde, ils ont été instruits des questions qu’il conviendra de poser. Gentiment, ils se plient à l’exercice. Au temps du quadrillage de l’Afrique du nord par le protecteur militaire, on avait inventé de les désigner comme s’il s’agissait d’une tribu ou d’une confrérie celle des béni-oui-oui. Et cependant certains s’écartent des consignes. N’est-ce pas à désespérer de cette consultation. Conçue comme une communication à ses unique, elle est présentée comme un grand débat.

Ah ! peuple ingrat !

Ah ! jour tragique : il paraît, mais je vous suggère de n’en rien croire, que ce troisième lundi de janvier doit être considéré comme le plus déprimant de l’année. Comme toujours une telle affirmation péremptoire nous est présentée d’après une étude. Celle-ci date de l’an 2005. On la doit à un universitaire de Cardiff. Il ne lui manque plus qu’une indication de pourcentages pour s’imposer à la crédulité obscurantiste de nos contemporains.

Plus convaincante que les fausses sciences réputées exactes, on gagnerait à se fier à l’expérience des siècles. Une tel approche s’appelle tout simplement l’histoire, enquête en perpétuelle recherche, “la science des faits qui ne se répètent pas” disait Paul Valéry… Les événements qui ne reviennent pas de manière identique, car ils se reproduisent dans des environnements jamais pareils, et néanmoins ils obéissent à des ressorts fondamentaux semblables.

Les nombreux portraits de Louise Dupin (1706-1799) par Nattier m’ont toujours paru symboliser ces dernières années de l’Ancien Régime, sans doute les plus heureuses de l’Histoire de France.

Après cette époque c’en est pratiquement fini de la grâce.

Et notre aujourd’hui, 21 janvier, nous renvoie au moment le plus ravageur de cette même histoire : à la décapitation du roi Louis XVI, et quelques mois plus tard, le 7 octobre 1793, à la destruction de l’ampoule de Reims. Le pays, né royaume, ne s’est jamais vraiment remis de la mort de la royauté, au terme d’un règne pourtant vertueux, où pour la première fois depuis le XIVe siècle, pour ne citer qu’un exemple la Marine française était devenue la plus puissante du monde.

Après avoir brisé la Sainte Ampoule en 1793, c’est en 1795 que le conventionnel Rühl se suicida. On ignore, évidemment, s’il faut véritablement considérer son geste comme signe de malédiction. On sait simplement de manière empirique la part d’ombre que sa volonté de sacrilège a porté sur “ce corps décapité qui cherche la lumière.[1]”

On se tromperait donc si l’on voulait réduire la question à celle de la seule institution monarchique, à quoi s’attachait prioritairement si fort autrefois l’école maurrassienne. Bainville lui-même reconnaissait sa faiblesse face aux forces de sentiment. Les monarchies parlementaires d’aujourd’hui, si affaiblies pourtant, me paraissent servir encore. Ne fonctionneraient-elles que comme des apparences, elles préservent de leur fragile ciment symbolique leurs peuples respectifs, menacés de désagrégation.

Le moins que l’on puisse dire, au contraire, de l’illusion présidentielle dans l’État central jacobin, ces jours-ci, invite à constater combien la grâce semble l’avoir abandonnée.

Loin de toutes les déprimes, de plus en plus répandues chez ce pauvre peuple, nous devons au contraire en tirer argument, au cœur de l’hiver, pour professer l’espoir invincible du printemps des libertés. Laissons donc le droit au suicide à tous les Rühl d’hier et d’aujourd’hui, à tous les matérialistes athées qui professent de mourir dans ce qu’ils appellent dignité, pour n’y avoir guère vraiment vécu.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog LInsolent.fr.

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