Familles, je vous hais !

Tribune libre de Christian Vanneste*

Cette formule de Gide pourrait servir de devise au gouvernement socialiste-pastèque. Certes, la phrase provocatrice des Nourritures Terrestres recèle une origine très différente de celles du programme socialiste. Gide voulait arracher son individualisme narcissique et hédoniste au carcan rigoriste de sa famille protestante. Il en a résulté un curieux mélange d’égotisme obsessionnel, d’orientation sexuelle déviante et de progressisme donneur de leçons, qui font de lui, notamment après son retour déçu d’URSS, un grand bourgeois libéral de gauche. Toute ressemblance avec des personnalités de la gauche actuelle est évidemment à exclure…

Reste quand même l’idée d’arracher l’enfant au déterminisme familial. C’est exactement celle qu’ont exprimée Christiane Taubira et Vincent Peillon. On voit tout de suite, dans la force du mot, l’idée qui domine. Cette idée a la puissance du négatif : c’est avant tout un rejet. Dans la brutalité du mouvement, on sent ce que celui-ci a de réflexe, de peu réfléchi, de motivé avant tout par une hostilité affective à l’encontre de la famille ou plus exactement de l’idéologie détestée perçue à travers ce mot. Bien sûr, il y a les heures sombres de Vichy et de sa devise : Travail. Famille. Patrie. Sur celle-ci plane l’ombre d’un conservatisme national-catholique : le mal incarné. Soyons sérieux, jamais un gouvernement n’a davantage malmené ces trois valeurs que celui de Pétain. Une patrie occupée et soumise, un travail obligatoire en Allemagne, et une famille cassée par le maintien en captivité de plus d’un million de prisonniers de guerre rendent le slogan tragiquement grotesque, mais n’entament en rien, bien au contraire, la valeur de chacun des termes qui y figurent. Il faut lire Les Années Érotiques de Buisson pour se persuader de deux choses : d’abord de l’impuissance du régime et ensuite du fait que la volonté familialiste et nataliste proclamée par l’État français, non seulement n’a pas été remise en cause à la Libération, mais a trouvé enfin le contexte politique et moral nécessaire à sa mise en œuvre. Le nom d’Alfred Sauvy résume à lui seul ce paradoxe. La politique de soutien à la famille est en fait la seule qui tienne à distance les deux risques qui menacent notre civilisation : l’individualime effréné et l’État tout-puissant. En détruisant la famille, la gauche renforce ces deux risques, et de manière hypocrite ou inconsciente, augmente l’inégalité qu’elle prétend combattre.

“La politique de soutien à la famille est en fait la seule qui tienne à distance les deux risques qui menacent notre civilisation : l’individualime effréné et l’État tout-puissant.”

En effet, la famille est une sphère de solidarité pour ses membres. Elle est à la fois un espace de contraintes pour eux et, en même temps, un espace d’autonomie au sein duquel des décisions peuvent être prises et assumées par eux sans qu’une puissance tutélaire ne s’en mêle. Plus on accroît la fragilité et la précarité de la structure familiale, plus on facilite l’émancipation égoïste de ceux qui en ont les moyens et plus on renforce la dépendance de ceux qui en sont démunis. C’est ici que se situe l’improbable jonction des électorats socialistes, des bobos lecteurs de Libé et du Nouvel Obs et de tous les clients de la sphère publique, des libertaires et des assistés. L’ouvrier qualifié vivant, comme ses parents, en famille et qui vient de perdre ses heures supplémentaires défiscalisées, quand il n’est pas menacé de chômage vote à droite, souvent très à droite.

La gauche attaque la famille par les deux bouts. D’abord, à la suite de la prétendue droite qui l’a précédée, elle fait exploser le modèle familial fondé sur le couple père-mère, enfants. Depuis des années, on multiplie les mesures qui, soit proposent des alternatives à ce modèle, soit en suppriment les avantages, fiscaux notamment, quand elles ne permettent pas, grâce à une fraude facile, de bénéficier d’avantages plus grands encore, par exemple par le biais de l’aide au parent isolé. PaCS, mariage homo, sous leur apparente contradiction, poursuivent le même but : dynamiter la famille ! Ensuite, la situation catastrophique des finances publiques va permettre de justifier la remise en cause de la politique familiale et de son financement. Le principe en était l’autonomie. La politique familiale ne se confondait pas avec une politique sociale de redistribution des revenus. Il était établi que, riche ou pas, une famille ne devait pas être pénalisée par rapport à une autre de même niveau de revenus par son nombre d’enfants. Fiscalisation des allocations, limitation de celles-ci en fonction du revenu, modulation du quotient familial, suppression du complément de libre choix de mode de garde à la Prestation d’Accueil au Jeune Enfant : la dilution de la politique familiale est en bonne voie.

Le résultat de ce couple explosion-dilution sera de multiplier, riches ou pas, les garçons-ados à vie, libérés des charges paternelles d’un côté et les situations monoparentales de l’autre, essentiellement maternelles, brillante conquête du féminisme qui conduit les femmes qui travaillent à prendre entièrement en charge les enfants. Au-delà des discours lénifiants sur les nouveaux « modèles familiaux » et des promesses d’aides que l’État-providence est toujours ravi d’accorder pour accroître la dépendance de ses sujets, cette évolution offre une réalité plus sombre, faite de précarité avec 45% des mères célibataires qui sont à découvert en fin de mois, et de moindres chances de réussite scolaire, pour les enfants, surtout pour les garçons, comme l’a montré l’étude menée par Marianne Bertrand et Jessica Pan, par exemple. Tout cela est connu depuis longtemps. La pertinence économique, sociale, nationale de la politique familiale a été démontrée par Michel Godet et Évelyne Sullerot dans leur excellent rapport : « La  famille : une affaire publique. » Dans ce titre figure la clef paradoxale d’une politique intelligente. Plus l’État renforce la famille, plus il permet à la sphère privée de contribuer à l’intérêt collectif. Plus il l’affaiblit, plus alors il accroît ses propres charges et les difficultés de la société.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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23 Comments

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  • Tarantik , 21 mars 2013 @ 18 h 00 min

    « La famille : une affaire publique. » Dans ce titre figure la clef paradoxale d’une politique intelligente.

    Politique “intelligente” ? Tout est dit !

    Comment croire un instant qu’un état socialiste composé de gens qui croient à des vieilles lunes et qui sont toujours en retard d’une vengeance vis à vis d’eux-mêmes et d’une Société qui échappe à leur entendement ?
    La faiblesse est plus l’opposé de la vertu que le vice, disait La Rochefoucauld.
    Mais ces socialistes-là sont en train de damner le pion à leurs anciens :
    Ils réussissent l’alliance de la sottise de la faiblesse et du vice.

  • Frédérique , 21 mars 2013 @ 20 h 53 min

    Il est certain que si nous avions suivi le thème de la devise: le travail, la famille et la patrie, au lieu de la liberté de faire n importe quoi pour une égalité qui n existera jamais, et une fraternité que les divisions de la population inhibent, nous ne serions pas dans cette m….

  • pauledesbaux , 21 mars 2013 @ 21 h 02 min

    à force de tout voir,l’on fini par tout supporter
    à force de tout supporter, lon finit par tout tolerer
    à force de tout tolérer l on finit par tout accepter
    à force de tout accepter, l on finit par tout approuver st Augustin réflexion

  • Goupille , 21 mars 2013 @ 21 h 09 min

    Oui, cela a commencé en 1977 (sauf erreur) avec “Minette la bonne Lorraine”.
    C’était sous Giscard. Est apparue la vulgate de la “mobilité de l’emploi” : on a imposé aux métallos lorrains d’aller s’installer à Fos…
    Fin des solidarités familiales, des grands-mères gardant les enfants, au profit des nourrices (marché et PIB) et des garderies (assistanat et clientélisme…).
    Cela fait donc bientôt quarante ans que cela dure.

    Quant à brocarder le gouvernement de Pétain, “jamais un gouvernement n’a davantage malmené ces trois valeurs que celui de Pétain. Une patrie occupée et soumise, un travail obligatoire en Allemagne, et une famille cassée par le maintien en captivité de plus d’un million de prisonniers de guerre rendent le slogan tragiquement grotesque ” : il me semble que la situation que vous décrivez ne lui était pas directement imputable, mais bien à la présence si korrekt des pères de Merkel. Dits “les doryphores”…

    Ils étaient deux millions de prisonniers de guerre, qui ont attendu la relève pendant cinq ans, à se démolir la santé en mangeant une bouffe frelatée qu’ils partageaient clandestinement avec les Russes, “Partisaner” non protégés par la Convention de Genève, que les doryphores laissaient mourir de faim.
    A pousser des wagonnets pour construire les usines de carburant sythétique Hermann Goering, car les doryphores, surdoués de la formule concise, leur avaient dit “Nicht arbeiten, nicht fressen”.
    A devoir rester, parce que revenir du fin fond des Sudettes quand on ne connaît pas un mot d’allemand n’était pas même envisageable. Tout le monde ne peut pas être Mitterrand ou Hessel…

    Alors, l’assemblage LGBT des humoristes socialos actuels n’est que le pompon sur quarante années de destruction de la famille et de la France au nom des déesses Economie et Croissance.

    Et, quand on n’a pas vu, su ou voulu écarter le danger en temps de paix, on ne vient pas critiquer ceux qui ont essayé de naviguer au mieux dans le chaos de la guerre et de l’occupation étrangère.

    Sans compter que les humoristes des quarante années, toutes tendances confondues, ont réussi ce prodige de nous laisser occuper par toutes les puissances étrangères en temps de paix.

    Modestie, les artistes.

  • PARITEPEREMEREdepuis2000 , 22 mars 2013 @ 1 h 22 min

    Enfin !
    Une analyse Humaniste et Rationaliste à la fois et christiano-compatible … sauf pour les garçons-ados exaltés cédant à leur testostérone et qui s’imaginent face à Robespierre alors qu’ils ne se
    confrontent qu’à leur miroir … y dénombrer leurs boutons d’acné en fonction du “Prince” supposé auquel chaque comédon serait censé se rallier …
    Dès 1984 Evelyne Sullerot dans “Pour le meilleur et sans le pire” (éd. Fayard, réédition 1993 ) avait lucidement prévu l’acharnement biophobe de lobbies marginaux mais oligarchiques contre filiation et famille véritables !
    Elle a suscité la formidable enquête du CFES (qui pour punition a été dissous d’où un INPES aux ordres) : “Baromètre santé-jeunes 97/98” sur un échantillon de plus de 4000.et prouvant la nocivité des “femmilles” de filles-mères et pire les greffes forcées de soit disant “beaux” (!) “pères” où l’instinct affectif et la conscience de fidélité de l’ Enfant provoque le rejet dolosif de l’intrus d’où en conséquence de tragiques aggravations de ses risques sanitaires (drogue, violence agie ou subie, idéations suicidaires, etc).
    Bien avant les dames Marianne Bertrand et Jessica Pan , il y a eu en 2002 la thèse de Paul Archambaud démontrant la corrélation consternante entre éradication judiciaire du père ordinaire méritant et d’autre part l’effondrement des chances de réussite scolaire et d’insertion professionnelle …
    Enfin un peu de Rationalisme !
    Certes il ne faut pas abandonner 15 000 à 25 000 pauvres mineurs en pâture aux narcissismes
    de contextes homo-exclusifs (à 99% sous lesbocratie) MAIS :
    les enfants déprivés à cause des syndicats de magistrats-avocats et les narcissismes de filles-mères perfusées par API forment une masse 100 FOIS PLUS IMPORTANTE soit plus de 2 classes d’âge de mineurs (sur 18 classes d’âges de 800 000 l’une).
    Enfin un peu de rationalisme et en cohérence avec les calicots “1 papa, 1 maman” et “parité pour l’enfant” de la manif pour tous : c’est PARTOUT que ces valeurs doivent s’appliquer n’en déplaise aux commerciaux des barreaux et des divans …
    VRAIMENT POUR LES ENFANTS et non pas pour le confort psychologique de religieux qui tremblent d’avance d’être sommés par voie judiciaire de célébrer des messes pour 2 F ou 2 M …
    (c’est cela le décryptage de la suffoquante incohérence à se mobiliser pour 10 000 duos homos
    ayant enfants à temps partiel ou total,dont 80 % saphiques, et tout à la fois affecter un mépris violemment anti-chrétien envers la parité mère-père des enfants du néo-matriarcat paternophobe).
    Crime historique : l’occident judéo-chrétien mérite-t-il de s’en relever ???

  • croix et bannière , 22 mars 2013 @ 8 h 57 min

    Hier j’écrivais ceci:Karl Marx en 1847 dans son manifeste disait:
    il faut abolir la famille,remplacer l’éducation à la maison par celle de la société.
    On doit partir à l’assaut de cette institution.
    Il faut légaliser ouvertement les communauté de femmes.
    La priorité des communistes n’est pas le mariage des Gays en lui même, mais l’utilité qu’il a pour détruire la famille
    Texte repris dans l’éditorial THE GUARDIAN le 23 juin 2012 journal communiste australien.
    A vos réflexions!!!!!

  • Frédérique , 22 mars 2013 @ 11 h 06 min

    C’est le propre même du communisme, détruire toutes les attaches de l individu pour n avoir plus qu à dominer une masse humaine sans repère. Il faut sérieusement être atteint pour adhérer à cette idéologie. Surtout que l histoire nous a démontré que l églitarisme auquel expose le communisme, c est toujours pour la masse, jamais pour les chefs qui eux vivent comme des rois.

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