Les socialistes, la crise et l’Europe

On éprouve quelque sentiment d’indécence, de la part d’un chef d’État devenu inaudible, à le voir chercher un improbable regain, en vue de sa réélection, dans sa gestion discutable d’une actualité sinistre. Je préfère, dois-je le dire, à l’auto-satisfaction de “mon” président, le constat pessimiste d’un homme d’État italien comme Romano Prodi qui résume : “Nous avons évité le pire, mais nous avons créé le mal”. (1)

Car on aura fait, ces jours-ci, dans l’Hexagone, beaucoup de bruit autour de la récupération par M. Hollande, entre la crise de l’élevage et les attaques djihadistes, de solutions coûteuses et incertaines bâties pour sauver la zone euro. Dans chacun de ces dossiers, l’homme de l’Élysée s’est arrangé pour figurer en bonne place et en position avantageuse sur la photo communiquée au public.

Dans le Journal du Dimanche du 19 juillet, le voici donc posant en refondateur des institutions, certes actuellement bancales et balbutiantes, de l’Union européenne.

Triste gestionnaire fossoyeur de l’idéal européen, Delors fêtait en effet ce 13 juillet, ses 90 ans. Pas question pour nos officiels de remettre en cause, en cette occasion, les erreurs intellectuelles et politiques dont l’ancien président de la Commission européenne a pollué le continent : “économique” d’abord demeure le maître mot des technocrates qui nous gouvernent. Moyennant ce slogan implicite, ils se révèlent incapables de comprendre ce qu’impliquerait aujourd’hui le redressement de nos pays, et pas seulement sur le terrain de la croissance, si faible dans toute la “zone euro” depuis 15 ans.

La classe politique de l’Hexagone, dans son ensemble, réfléchit hélas très peu. Il suffit de regarder le produit des prétendues boîtes à idées et les propositions des personnalités éventuellement les plus brillantes, souvent surdiplômées, passant pour audacieuses, pour s’en persuader. Ne les citons même pas : ce serait précisément accabler ceux et celles dont l’expression intellectuelle dépasse le niveau des twitts, des pseudo-débats médiatiques et autres réseaux sociaux lesquels tiennent lieu aujourd’hui de réflexion collective à une nation littéralement déboussolée.

Au sein du parti socialiste, et surtout à ses marges, il existe certes, encore, quelques cercles de discussions. Au sein de tels ateliers improbables, on pourra se demander parfois si la conversation ne l’a pas emporté sur le débat. Leur production l’emporte sans doute sur celle de leurs pauvres équivalents droitiers, mais elle reste confidentielle et, plus encore oppositionnelle : elle dispose de très peu de chances de s’imposer lors des prises de décision. Puisqu’on reste à gauche, on s’aligne de façon presque obligatoire sur les solutions des réseaux de pouvoir post-mitterandiens.

Parmi les exceptions à ce désolant constat, on citera cependant le cas d’Henri Weber, nommé directeur des études, chargé des questions européennes par le flasque et fourbe Cambadélis. Talentueux coauteur, en complicité avec Daniel Ben Saïd, de l’indispensable “Mai 68, la répétition générale”, Weber a, bien entendu, évolué en plus de 40 années. Certes, comme il en va pour beaucoup d’anciens trotskistes, la caque sent toujours le hareng, mais, passés de l’antistalinisme à l’antisoviétisme jusqu’en 1989 – c’est loin tout ça – ils se sont habillés depuis la chute de l’Empire rouge en penseurs de l’occident. Il fallait l’oser, ils l’ont fait.

Car c’est à ce titre qu’on les prend au sérieux. On les a ainsi chargés d’écrire les slogans qu’ils imposent sur les frontons de l’Europe.

Leurs homologues américains avaient parcouru, bien avant eux, un cheminement analogue, du moins en apparence : on peut citer ici le cas de Burnham, dès les années 1940, à cette différence près que les “néo” conservateurs des États-Unis, y compris leurs homologues ou correspondants français tel Raymond Aron, se sont tous impliqués, eux, sur le terrain, quand la guerre froide se vivait à balles réelles.

Or, ce 17 juillet, Henri Weber avait pris la plume pour écrire quelques fortes lignes à l’usage des lecteurs de Mediapart. À la faveur de la crise intérieure très profonde qu’a connue la zone euro et, par ricochet, l’Union européenne.

Il postule donc, avec une apparence de raison : “la réforme de l’Union européenne et de l’Eurozone elles-mêmes. La crise grecque, mais aussi, celles, nullement dépassées, d’autres pays de la périphérie européenne, mettent en évidence les ‘vices de construction’ de ces deux entités politiques. L’Union européenne n’est pas encore une fédération, il s’en faut de beaucoup, elle n’est pas ‘les États-Unis d’Europe’, même si elle est déjà beaucoup plus qu’une simple confédération d’États indépendants. Sur toutes les questions qui fâchent – la fiscalité, la politique économique, la protection sociale… – elle décide à l’unanimité. Autant dire qu’elle décide peu et souvent trop tard. Too few, too late, comme disent les Britanniques.”

Or, Henri Weber constate, pour le déplorer que : “Tant que la croissance était au rendez-vous, et les menaces géopolitiques aux abonnés absents, cette impotence relative était supportable. Mais avec l’accélération de la mondialisation et l’avènement de la troisième révolution industrielle, au tournant du siècle, elle s’est avérée trop paralysante. L’économie ayant horreur du vide, chaque gouvernement a fait face à la globalisation selon ses ressources et intérêts propres.”

“Quiconque partage un tel constat accepte ispo facto, conclut-il, le dilemme : plus de souveraineté des États ou plus de fédéralisme.”

L’urgence a été soulignée, dans la conclusion de son article cité plus haut, par Romano Prodi : “La confiance qui doit être à la base des relations entre les pays européens a été anéantie. (…) si nous continuons comme cela, nous passerons totalement à côté de la marche du monde. Je souffre énormément de voir ce que l’Europe est devenue.”

Ne pas y répondre, de la part de nos responsables, c’est par conséquent trahir l’Europe en général et chacun de nos peuples en particulier.

Ce métier de trahison, les socialistes le font, avec conscience.

> Jean-Gilles Malliarakis anime un blog.

Apostille :

1. Cf. Le Monde en ligne le 20 janvier.

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7 Comments

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  • Droal , 21 juillet 2015 @ 20 h 08 min

    On pourrait penser que François No Land nous conduit vers le mur ou même vers le néant, mais notre François bien aimé n’a aucun pouvoir, ni de destruction, ni de création. C’est un pot de fleur comme la reine d’Angleterre. Ceux qui ont le pouvoir ne sont pas élus et ceux qui sont élus n’ont pas de pouvoir.

    Le pouvoir mondial du Prince de ce monde, via le gouvernement €uropéen, veut faire perdurer l’idée que l’Histoire « n’a pas eu lieu », notamment l’Histoire de France.

    Au risque de lasser les lecteurs de Nouvelles de France, je vais encore citer l’homme qui porte le nom d’un grand aéroport français (à moins que cela soit le contraire).

    Le 20 mai 1946, l’homme en question dit à Claude Mauriac : « Mais, voyez-vous, pour que tout cela soit devenu possible, il fallait que la France ne cédât jamais sur la question de son indépendance, en quelque occasion qu’elle fût posée. Un pays qui fait la moindre concession sur ce point est perdu. C’est pourquoi, aussi cher que cela nous ait coûté, aussi pénible que cela m’eût été, j’ai toujours répondu par une gifle aux gifles que me donnaient Roosevelt ou Churchill… » (dans Aimer de Gaulle).

    Lorsque Nicolas Sarkozy fait adopter la constitution €uropéenne au mépris de la liberté du peuple français à disposer de lui-même, il fait une faute de première puissance …

    Pour lors, François remplace Dominique par défaut. On imagine mal que Dominique eut pu faire à la France ce qu’il fit à la pauvre Nafissatou Diallo.

    Voici ce que disait l’homme de l’aéroport à Claude Guy (in En écoutant de Gaulle) dans un discours prononcé à Épinal, le 29 septembre 1946, dans lequel il critique le nouveau projet de constitution :
    « Voilà…j’ai parlé ! Il ne me reste plus qu’à me taire et à attendre. Le temps fera le reste. Le 18 juin, les neuf dixième de la nation ne m’ont pas compris. Je viens de faire un nouvel appel du 18 juin (…) Cette même foule qui m’acclame aujourd’hui acclamait Pétain il y a quelques mois. Toutes les villes de France ont successivement applaudi les Anglais, Jeanne d’Arc, tous nos rois, tous nos empereurs, tous nos présidents de la République, Boulanger, Pétain, de Gaulle, est-ce que je sais, moi ?… cela ne signifie rien….Seul l’événement compte. »

    Seuls trois évènements comptent : 11 septembre 2001, 14 mai 2011, 7, 8,9 janvier 2015.
    11/09/2001 – New-York : les 2 tours du Centre du Commerce Mondial s’effondrent.

    Et, ELLES SEULES.

    14/05/2011 – New-York : DSK, juif du premier cercle, Directeur du FMI, est arrêté pour agression sexuelle.

    7, 8,9/01/2015 – Paris : 20 morts, dont 3 terroristes.

    Le point commun des trois événements : l’Islam.

    La finale à Paris, 20 morts : les Charlies, les Kouachi/Coulibaly, les Hyper Casher.

  • peripathos , 22 juillet 2015 @ 10 h 17 min

    Ce petit larbin de mollande est un faiseur de foire , un margoulin fini , marchand de tapis ….

    Comme après charlie hebdo , il essaye de saisir la balle de la crise au bond et de rebondir comme au trampoline en partant dans le sens inverse du mouvement initial , pour aggraver le problème et essayer désespérément d’inverser sa courbe de popularité

  • nauticat , 22 juillet 2015 @ 11 h 04 min

    bonjour Droal et péripathos,à vous deux vous avez résumé ,ou plus exactement défini personnage & situation , le chiendent réside dans ce que ce “Monsieur” ;grâce à notre système électoral ; est considéré comme élu et par conséquent conserve un pouvoir de nuisance considérable . Nous ne pouvons même pas le destituer pour incapacité notoire ,ce qui est pourtant le cas !

  • Geneviève , 22 juillet 2015 @ 14 h 51 min

    Ah la tronche de fils à maman sournois, obèse et arrogant…Quelle honte de se taper ça comme “président” (c’est vrai que Président est aussi une marque de produits laitiers, entre fromagers on se comprend…)..
    Quant au Jacques, on voit que la bêtise cuistre conserve…
    “Ah ça ira, ça ira, ça ira, tous ces vendus à la lanterne….”

  • Bainville , 22 juillet 2015 @ 16 h 16 min

    Encore présenter De Gaulle comme un sauveur, lui qui est pour partie un destructeur de la France, ouvrons les yeux vers la réalité historique:

    La gaullisme ou le pouvoir à tout prix, en faisant une guerre impitoyable au régime de droite et en s’alliant avec le cancer communiste qui ronge encore le pays.
    L’étude des faits historiques et non de la propagande changerait les idées de certains, mais il faudrait opérer un retour sur soi-même, comme le fit REMY, qui se rendit compte des immenses services rendus aux français et de l’esprit d’abnégation du Maréchal Pétain( Plus d’un million de prisonniers rapatriés, 75% des juifs de France échappant à l’extermination alors que 90% étaient exterminés dans les pays sans gouvernement resté sur place au milieu de son peuple.)

    Rappel: M. DE GAULLE n’a jamais été un politicien de droite, il a bâti sa carrière politique par une guerre idéologique et juridique acharnée, à la stupéfaction des américains, contre la droite pendant la guerre, en collusion avec le mouvement communiste international.
    Il a laissé aux communistes apatrides le monde du travail, celui de l’éducation, celui des grandes entreprises nationales. Les blocages qui nous font encore tant de mal viennent de 1944 et de cette mainmise sur le pays par une minorité déterminée, elle.

  • Charles , 26 juillet 2015 @ 11 h 29 min

    Coup de torchon & nettoyage ethnique chez les Super-bobos de Canal-plouf.
    Bolloré sort la sulfateuse:
    Il dégage les 4 auteurs des guignols (payés entre 35K et 20K brut/mois)
    Il dégage aussi quatre autre dirigeants du groupe, partis les mains vides des bureaux.

    Eux les maîtres à penser du politiquement correct, vont découvrir la vraie vie.
    Les 2 plus anciens depuis 16 ans chez les Guignols vont devoir baisser la voilure.

    La possibilité de se reconvertir à des salaires équivalent est égal à zéro.
    Pire encore, ils auront du mal à recommencer ailleurs: Ils sont tricards.
    N’ayant aucune économies du fait de leur train de vie Hyper Bobo,
    la reconversion sera dure dure.

    http://www.leparisien.fr/tv/canal-les-guignols-decapites-les-auteurs-historiques-vires-25-07-2015-4969753.php#xtref=http%3A%2F%2Fwww.atlantico.fr%2Fatlantico-light%2Fguignols-info-quatre-auteurs-auraient-ete-vires-2254303.html

  • marie france , 26 juillet 2015 @ 11 h 58 min

    @ Bainville,hélas très peu font votre analyse ,et pourtant c’est la vérité

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