Hollande et les cathos : à quoi joue-t-il ?

Après une année 2013 pour le moins tendue autour de réformes dites « sociétales » dans le jargon parlementaire, l’Élysée semble soudain modifier radicalement sa stratégie en 2014. Sur le plan économique, le fameux « tournant » social-libéral est un écran de fumée dont le véritable but est de faire oublier au plus vite le bilan désastreux des 18 premiers mois de mandats. Conjointement, et contre toute attente, le président multiplie depuis quelques jours les appels à l’électorat catholique. Il n’aura pas attendu longtemps cette année pour mettre en pratique ses bonnes résolutions : le 1er Janvier, la libération du père Vandenbeusch (dont on peut douter qu’elle soit motivée uniquement par la « compassion » et sans aucune implication de la diplomatie française) vit notre bonhomme saluer à l’aéroport de Villacoublay « le courage, la lucidité, l’abnégation du père Georges qui a tenu à être fidèle à ses convictions, à sa religion ». Pour l’occasion, il communiqua même sur ses comptes Facebook et Twitter pour la première fois depuis son élection. Le 14 du même mois, pour la première fois, il prit acte (pendant sa conférence de presse) des actes christianophobes dans le pays en dénonçant, à rebours de l’omerta complète sur le sujet depuis 2012, les « personnes qui pensent qu’on peut aller s’exhiber dans une église » avec une référence claire à certaines harpies qui ont défrayé la chronique ces derniers temps. Surtout, cinq jours plus tôt, un communiqué de l’Élysée avait annoncé une visite du président au Vatican pour le 24 janvier. Faut-il y lire une preuve de bonne volonté du chef de l’État qui prendrait subitement conscience du « deux poids, deux mesures » constant vis-à-vis des catholiques en France et chercherait à le réduire ? Les Français ont la mémoire courte en politique, c’est bien connu, mais il faudrait quand même une épidémie camusienne d’Alzheimer pour que ce coup de bluff passe inaperçu. Comment oublier en effet toutes ses lois faisant violence à la famille, doublées du mépris affiché par le pouvoir tout au long des mobilisations de 2013 ? Comment penser qu’une vague déclaration qui ne sera jamais suivie de condamnations annulera des mois de déni des violences antichrétiennes ? Comment oublier la trahison envers les chrétiens de Syrie dont Hollande, en bon caniche d’Obama, était prêt à augmenter encore les souffrances en soutenant les islamistes dans la guerre civile malgré les appels du pape à la paix, n’eût été la recherche d’un compromis habile par la Russie ? Comment, tout récemment, la débauche publique du président relayée par toute la presse serait-elle excusée par l’invocation ridicule du « respect de la vie privée » ?

Hollande croit-il vraiment pouvoir se réconcilier avec les catholiques, qui ont montré depuis plus d’un an qu’ils n’étaient pas devenus si négligeables qu’on avait pris l’habitude de le croire ? De plus, cette relative ouverture nouvelle tombe en même temps que l’annonce des débats sur l’euthanasie ainsi que le vote d’amendements aggravant la loi Veil et ses conséquences. On pourrait penser que ce grand écart s’explique tout simplement par la bêtise et la méconnaissance des motivations profondes du vote catholique. Pourtant, comme le note très justement Samuel Pruvot, Hollande comme Mitterrand avant lui « [maîtrise] parfaitement tous les codes du catholicisme. Si on [lui] demande ce qu’est un encensoir  ou une burette, il saura exactement de quoi on parle. » Contrairement à l’image potache du Flanby propagée par le Hollande-bashing désormais érigé en sport national, Hollande est loin d’être un imbécile, particulièrement dans ce domaine où il a reçu une éducation solide, bien qu’il cherche depuis longtemps à la nier.

Alors, pourquoi ?

“Ce ne sont bien sûr pas les militants de la Manif pour Tous ou du Printemps Français que François Hollande cherche à convaincre à grand renfort de propagande médiatique, mais simplement les citoyens français majoritairement baptisés et dont il a perdu la confiance. Cette majorité de citoyens peu concernés par les grands débats anthropologiques de l’année passée, qui pressent bien une certaine injustice dans le traitement réservé aux chrétiens par le pouvoir mais n’en fait pas une priorité.”

Hollande sait pertinemment qu’il ne parviendra plus à convaincre les catholiques qui se sont fait entendre cette année, à supposer même qu’il en ait jamais été capable. Ce n’est pas ce public qui est visé. Ce virage timide à 45° est la manifestation d’une panique du pouvoir, qui voit son électorat se réduire comme peau de chagrin : après la perte du gage électoral des milieux populaires à cause de la ligne Terra Nova, c’est désormais l’assise même des socialistes dans les banlieues qui est remise en cause, notamment par la guerre ouverte engagée par Manuel Valls contre Dieudonné parallèlement à la mise en place des premières listes musulmanes indépendantes du PS. Par ailleurs, le président est immédiatement pris en tenaille par ses alliés d’hier. Tandis que Mélenchon s’insurge contre les annonces sociales-libérales du gouvernement, celles-ci ne semblent pas pour autant en mesure de convaincre les centristes comme le prouvent les alliances entre Modem et UDI. Le soutien annoncé de l’UMP à la candidature de François Bayrou à Pau pour les élections législatives n’est pas non plus pour être du goût d’Hollande qui avait bénéficié de son report de voix au second tour des présidentielles… Et les Verts attendent toujours de voir les promesses de campagne à l’œuvre.

Au fond du trou avec seulement 17% d’opinions favorables d’après l’enquête YouGov du 16 Janvier, Hollande tente tout, donc ne tente rien, cherchant à plaire à tout le monde à la fois. Quitte à passer un peu plus encore pour le président-girouette soumis aux impératifs électoraux et aux pressions temporaires des lobbies. Quitte à se ridiculiser un peu plus à l’étranger où, depuis longtemps, il n’est plus perçu comme une force de décision. Dans un moment de crise, Hollande se rappelle donc que 64% des Français se déclaraient encore catholiques en 2009, qu’aujourd’hui un Français sur deux affirme sa confiance en l’Église catholique d’après un sondage OpinionWay. Ce ne sont bien sûr pas les militants de la Manif pour Tous ou du Printemps Français qu’il cherche à convaincre à grand renfort de propagande médiatique, mais simplement les citoyens français majoritairement baptisés et dont il a perdu la confiance. Cette majorité de citoyens peu concernés par les grands débats anthropologiques de l’année passée, qui pressent bien une certaine injustice dans le traitement réservé aux chrétiens par le pouvoir mais n’en fait pas une priorité. Hollande espère ainsi toucher ce qui reste de la social-démocratie chrétienne à tendance gauchisante, sensibilité qu’il a lui-même personnellement connu par sa mère mais, depuis, rejeté. Dans le même temps, cet appel s’adresse aussi aux élus, et plus particulièrement à ces gêneurs de l’UMP ou du FN de plus en plus nombreux à faire entendre leurs voix dans le débat public pour soulever et dénoncer les multiples dérives christianophobes tolérées voire encouragées par la gauche, alors qu’ils étaient pour la plupart bien silencieux sur le sujet sous le mandat précédent qui en a pourtant porté bien des germes. D’où la recherche de consensus à tout prix, comme bouée de sauvetage d’un gouvernement à la dérive, que l’on retrouve par exemple dans le discours de Najat Vallaud-Belkacem à propos de l’IVG  devant l’Assemblée nationale ce 20 janvier: « Nous l’avons construit ensemble ; il fait partie de notre patrimoine commun. ». Et le 24 janvier, c’est un pape présenté comme « progressiste » par les médias et donc perçu comme plus susceptible de faire l’unanimité qu’Hollande s’apprête à aller trouver à Rome.

Ce discours de la dernière chance est pourtant une nouvelle erreur de sa part. En effet, Hollande se retrouve dans une impasse car ceux qui se sentent véritablement préoccupés par ces sujets et en font une priorité (en témoigne la profusion de chartes soumises aux candidats pour les élections municipales) sont précisément ceux que la gauche a définitivement renoncé à séduire pour les raisons évoquées plus haut et loin d’être exhaustives. Inversement, la tranche visée par Hollande est globalement d’abord sensible au discours sur l’emploi, qui reste de l’avis unanime des instituts la première préoccupation des Français, sur l’économie en général et sur la sécurité. Au vu de son bilan et des projections pour les années à venir, on imagine difficilement que ce soient les sujets sur lesquels Hollande puisse véritablement gagner des points…

Le mot d’« utile » qu’il a prononcé en parlant du pape lors de sa conférence de presse a tout d’un lapsus qui en dit long. La visite du 24 janvier au Vatican, de même que les timides rapprochements avec les catholiques depuis quelques temps ne sont en effet qu’un énième moyen désespéré de glaner à l’aveugle quelques opinions favorables supplémentaires par des ficelles de moins en moins bien dissimulées. Mais les catholiques français ne s’y trompent pas : en moins de cinq jours, 105 000 d’entre eux ont signé une supplique au souverain pontife exprimant leur détresse et l’enjoignant d’aborder avec le chef de l’État les sujets qui leur tiennent à cœur. Pas sûr en effet qu’un rapide entretien sur le réchauffement climatique soit suffisant dans les circonstances actuelles pour espérer une réconciliation de M. Hollande avec les catholiques…


B.S.

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27 Comments

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  • 0 / 10
  • Elégant , 24 janvier 2014 @ 8 h 48 min

    Zut, laisseront…

  • AURORE ANGELIQUE , 24 janvier 2014 @ 9 h 07 min

    FLAMBY CHERCHE DES VOIX…

    IL NE FAUT PAS ÊTRE DUPE DE CETTE MANIGANCE GROSSIERE

    (Ce n’est pas un doublon)

  • Aristote , 24 janvier 2014 @ 9 h 40 min

    Ne se laisseront tromper par Normal que ceux qui le veulent , et probablement parmi eux certains évêques qui attendent le cocufiage avec un plaisir non dissimulé , car quand m^me on ne peut pas rejoindre la droite , maurrassienne ou autre .
    La catholiques sont pour lui ce que sont tous les autres groupes de son dispositif : une force à manoeuvrer , ce qu’il fait assez habilement .

    Cet individu est l’expression parfaite du bobo socialiste vaguement “enraciné” en corrèze : un néant qui anéantit tout ce qui passe à sa portée .

  • zézé , 24 janvier 2014 @ 10 h 51 min

    On le prend pour un c.. mais il ne l’est pas : il fait l’âne pour avoir du son… flanby ne vas voir le Pape qu’en tant que chef de l’état et 30 minutes ; il ne faut pas compter qu’il parle des cathos de nous il n’en a rien a faire !!! il faut se le dire… lui et gaz sont contre nous un point c’est tout et malheureusement notre lettre ouverte au Pape ne servira pas à grand chose à part mettre le Pape au courant, mais il ne lui en parlera pas. Par contre “ils” parleront de pollution, des immigrés etc.. mais pas des catholiques… parce qu’un chef d’état socialomerdique rencontrant un Pape qui est chef d’état du Vatican que se racontent-ils ? des histoires d’état..mais pas de religion.

  • baldag , 24 janvier 2014 @ 11 h 27 min

    Psstt!
    Monsieur Coppé, vous avez vu ce qu’est la gauche décomplexée?

  • creuxduloup , 24 janvier 2014 @ 11 h 32 min

    Il ne faut pas oublier la “Presse catholique ” ( de gauche, majoritairement) et nos évêques qui au premier signe le plus ténu , vont reprendre leur “danse du ventre” devant ce pouvoir… On oubliera tout en échange d’un scoubidou tendu… Déja, le lecteur de la Croix, bien formaté, est plus choqué qu’on offre systématiquement de la choucroute à la banque alimentaire, que de voir une stagiaire sage femme qui ne trouve pas de travail parcequ’elle refuse de participer à des avortement…
    Nos curés ne comprennent pas le désarroi d’un maire catholique qui refuse de célébrer des mariages Gays… et nos évêques mettent en garde ( avec tout ce qui se passe!!) contre le VOTE POPULISTE ! Rien d’autre à dire, messeigneurs ?

  • zézé , 24 janvier 2014 @ 12 h 27 min

    Bravo “creuxduloup” tout est dit : MERCI

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