La démocratie moderne est-elle devenue un leurre ?

En 1987, en classes préparatoires au concours de Saint-Cyr, j’avais osé écrire (quel crime !) dans une dissertation que “…la démocratie est un leurre…”, sans l’intervention d’un grand-père dont le placard de médailles faisait trois fois la taille des plus beaux que l’on peut voir sur l’uniforme des Officiers français actuels, il est probable que j’aurais été “viré” de ce lycée militaire.

Vingt-six ans plus tard, mes opinions n’ont pas changé d’un nanomètre, la constance du breton peut-être. Je vais tenter de vous expliquer sur quoi je fonde ces opinions avec le plus de concision et de clarté possible.

Dans un premier temps, on peut considérer de manière pragmatique et au vu de notre histoire politique, que la démocratie ne s’offre au peuple qu’en période électorale. Pendant la durée des mandats, il n’a plus son mot à dire, et s’il hurle dans la rue, on le canalise et on ferme les oreilles, il ne choisit rien, il assiste impuissant à des décisions qui ne correspondent jamais aux promesses tenues dans les programmes politiques de nos énarques conseillés par des professionnels du marketing.

Dans un deuxième temps, les rares occasions où le peuple peut s’exprimer et influer sur la direction de la Nation, il faut se poser la question suivante : est-ce véritablement l’opinion d’un peuple qui s’exprime ? Car, et c’est de plus en plus flagrant, le pouvoir de manipulation de l’opinion par les médias ne fait que monter en puissance. Je ne vois que des gens de bonne foi qui croient voter en toute liberté de conscience alors que cette conscience est continuellement modelée par ces voix virtuelles qui ne sont pas la voix du peuple.

Dans un troisième temps, le déclin de l’école libre se poursuit et le programme scolaire uniformisé et dicté par l’état n’a plus pour but de former des hommes instruits, aptes à juger par eux-même les faits historiques et présents, mais à produire des ressources humaines productives et dociles. On enseigne une histoire sans débats, conforme au politiquement correct du moment, en ayant pris soin d’occulter tout ce qui pourrait laisser dubitatif. Je ne vois pas une grande différence entre ce modèle éducatif et ceux des dictatures idéologiques qui ont parcourues le XXème siècle.

Et enfin, force est de constater que le système actuel de promotion des “élites” dirigeantes n’est plus basé sur la qualité intrinsèque de l’élite en question, son éthique, ses compétences de meneur, sa culture, son recul, sa capacité à gouverner. Mais, et ça en devient de plus en plus flagrant, sur son niveau d’opportunisme, son talent à flatter, ruser, jouer des coudes, se renvoyer des ascenseurs, élargir son réseau, entretenir son inconsistance et son inconstance d’opinion pour mieux se glisser, comme une anguille, vers les plus hautes fonctions de l’état. Le résultat est affligeant, nous n’avons plus de guides qui servent leur pays, mais des gagnants de concours dont la récompense est de pouvoir se servir de nos contributions pendant la durée de leurs mandats, des sous-marins qui changent de pavillon une fois en surface. Des milliers de cadres civils ou militaires français sont cent fois plus brillants et charismatiques que ces arrivistes. Voilà le résultat d’une mécanique contre-élitiste qui favorise les vices et pénalise les vertus.

Ce système finira par ruiner la santé de la Nation, par éteindre sa souveraineté déjà bien entamée, et le mieux que l’on puisse souhaiter, par désintégrer la Vème République et sa constitution devenue inepte en 2015. Sur les ruines à venir de cette République, on pourra peut-être enfin concevoir une constitution efficace et sensée, reconstruire une administration allégée et humainement saine, guidée par quelques hommes éclairés, instruits, visionnaires, altruistes et capables de réunifier un peuple fier de son pays et de ses dirigeants.

Combien de temps allons-nous attendre, en tant que peuple solidaire, pour mettre à pied ceux qui croient nous gouverner ? Combien de temps faudra-t-il pour que les téléviseurs s’éteignent et que les consciences finissent leur réveil ? Le temps presse, chers compatriotes, les loups sont déjà dans la bergerie.

Quant à notre justice, je préfère ne pas en parler pour l’instant, l’ulcère me guette…

Un français comme un autre, avec peut-être un brin de recul supplémentaire, ayant connu beaucoup d’années d’expatriation, qui aime son pays, qui est fier de son héritage mais qui n’aime plus depuis bien longtemps l’entreprise kafkaïenne qui l’asservit.

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31 Comments

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  • bygp , 23 juin 2015 @ 22 h 58 min

    On écrivait aussi “interdit d’interdire”, et presque tous les politiciens actuels sont des ex-68ards, et tous les ans nos libertés s’amenuisent, le code ne cesse de grossir…

    Conclusion : on est doué pour parler et râler mais quand est-ce qu’on va agir ?

  • Pascal , 24 juin 2015 @ 3 h 07 min

    Cela s’appelle l’Europe post-démocratique (© Hubert Védrine).

  • Francois Desvignes , 24 juin 2015 @ 3 h 51 min

    Il ne faut pas désespérer : “sous la cendre, la braise.”

    C’est d’ailleurs un effet de la propagande de vous êtes autoenfermé dans le raisonnement républicain.

    Il faut distinguer la France de la République :

    – La France qui n’a jamais eu besoin de la démocratie (républicaine) pour être démocratique
    – Et la République qui a toujours eu besoin des oripêaux de la démocratie pour trahir la France et les français.

    Or, ce qui distingue la France de la République (et donc la démocratie de la dictature) :

    – c’est que la France est chrétienne en ce qu’elle dit que l’Homme est Fils de Dieu,
    – alors que la république est laique , soit chez elle la forme la plus polie de sa christophobie, en ce qu’elle proclame que l’Homme est dieu de lui-même, son propre dieu contre Dieu, Dieu qui soit n’existe pas ou s’il existe, est son ennemi.

    La société républicaine où l’Homme est dieu et Dieu inexistant ou ennemi de l’Homme est plus qu’une dictature nécessaire, elle est un enfer en mouvement : chacun se prenant pour dieu trouvera toujours que son prochain ne lui en donne pas assez au regard de sa propre déité et que lui-même en donne trop à son prochain, forcément moins dieu que lui.

    La société de l’Homme dieu est un enfer où chacun est l’ennemi de tous.

    Dè lors une triple conclusion s’impose :

    – La république n’a jamais été française
    – La France n’a jamais été républicaine.
    – Nous sommes victimes d’imposteurs

    Voici pourquoi, sans l’intervention de votre grand-père, lui authentiquement Français, vous auriez normalement été viré de votre lycée, lui sincèrement républicain.

  • bygp , 24 juin 2015 @ 7 h 17 min

    Bien que votre commentaire dévie un peu du thème initial, il me plaît énormément et rejoins mes convictions profonde de catholique de coeur (ma mère très fervente de coeur aussi et non de dogme rêvait de me voir devenir prêtre…), votre humour en filigrane est assez bon j’avoue, vous êtes je genre de personne avec qui j’aurais plaisir à débattre et relire l’histoire… Votre commentaire mérite d’être étoffé, développé et converti en article sur ce journal :)
    Je l’attends !

  • Cap2006 , 24 juin 2015 @ 7 h 36 min

    La démocratie moderne n’est absolument pas un leurre… et surtout, pas plus que la démocratie “non” moderne…

    – en quelques décenies, nous sommes passées d’une société corseté par des pouvoirs puissants : catholiques, syndicaux, notables, politiques bien sur… à une société liberée de ces corsets castrateurs…. ce que le peuple acceptait au point d’aller mourrir pour rien au moindre caprice des élites et des financiers ( avec la bénédiction de l’église catholique pourtant présente dans chaque camps) et bien aujourd’hui, on le conteste, on le rejette, pour le meilleur et pour le pire.
    – rien n’a changé : ce sont les interêts privés qui gouvernent le monde.

    La spécificité Française n’est pas un deficit ou une deficience de la démocratie ( ils votent et revotent pour les mêmes politiques inefficaces depuis 40 ans, bonimenteurs professionnels, parfois même corrompus jusqu’à la moelle) mais l’absence de contrepouvoir libre et surtout le vrai pouvoir technocratique et olligarchique de la haute administration au main des lobbys, des interêts privés et de leurs propres interets.

  • sergeG , 24 juin 2015 @ 8 h 10 min

    Quand les citoyens se comportent en sujets les élus se comportent en monarques  !
    Les débordements de nos élus, conduisent beaucoup de nos concitoyens à exprimer leur rejet de la classe politique. Et si nous n’avions que les élus et la démocratie que nous méritons ? L’immense majorité des français considèrent qu’ils ont fait leur devoir de citoyen lorsqu’ils ont voté et payé leurs impôts. Ils transforment ainsi la République en monarchie élective. Face à ce comportement de sujet il ne faut pas être surpris que les élus, souvent professionnels de la politique, comme les rois décident selon leur bon plaisir.

    Or, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, préambule de notre Constitution déclare “que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements”. Elle précise “la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration” …. “les Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.”

    Ainsi les principes fondamentaux de notre démocratie définissent que les Citoyens délèguent des pouvoirs aux “agents publics” et aux élus et peuvent demander des comptes aux uns et aux autres. Comme ils ne le font presque jamais, il ne faut pas s’étonner que les uns et les autres en profitent, comme d’autres sous l’ancien régime, pour agir afin que la Loi, expression de la volonté générale, ne soit pas la même pour tous, pour que les dignités, places et emplois publics ne soient pas attribués selon les capacités, vertus et talents et qu’ils soient réticents à communiquer les comptes qui leurs sont confiés.

    Pour que ce contrôle démocratique puisse avoir lieu, il faut que nos concitoyens apprennent à faire la distinction entre l’électeur, qui peut être partisan, et le Citoyen qui doit être intransigeant. Il faut aussi que l’école de la République ne se contente plus de faire de “l’éducation civique” qui a pour objet de former à la soumission sociale par l’apprentissage du respect des hiérarchies en place. Il faut qu’elle forme les futurs Citoyens pour qu’ils soient à même de contrôler les délégations confiées aux élus et aux fonctionnaires.

    La formation à la citoyenneté doit initier à la lecture des budgets publics, mais aussi au Droit afin que chacun connaisse la Loi pour s’assurer que nos “maîtres” la respectent eux aussi. Cette nouvelle approche de l’État de Droit donnerait un nouveau sens à l’expression chacun est sensé connaître la loi qui, jusqu’alors, a surtout été utilisée pour la faire respecter par le peuple si peu souverain. Ainsi instruits de leurs Droits et Devoirs, les Citoyens pourront veiller à ce que Le principe de toute souveraineté réside dans la nation et que Nul corps, nul individu n’exerce d’autorité qui n’en émane expressément.

  • bygp , 24 juin 2015 @ 9 h 36 min

    Excellent complément à l’article, merci pour cet apport édifiant !

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