Amis allemands, montez les salaires pour Fair play zir à Benoit Hamon

par Baptiste Créteur*

Benoît Hamon appelle l’Allemagne à faire preuve de fair play en augmentant les salaires. Ou comment montrer que la France est sur la mauvaise pente et ses Ministres incapables de comprendre l’économie.

La compétitivité française plonge parce que, même s’ils sont relativement productifs, les salariés français coûtent cher. Très cher. Ils ne sont pas mieux éduqués, pas plus brillants, pas plus beaux et ne sentent pas meilleurs ; aucune raison de les employer plus cher pour le même travail.

Mais côté employeur, il n’y a pas que le salaire, brut ou net, qui compte : c’est le salaire complet. Salaire, charges salariales, charges patronales : quand on somme le tout, les Français sont trop chers, et les entreprises préfèrent produire ailleurs, donc investir ailleurs. L’emploi est créé ailleurs, parfois détruit en France quand même réinvestir ailleurs revient moins cher qu’employer des Français.

Ne le prenez pas mal, chers compatriotes : ce n’est pas votre faute, si on écarte l’usage que vous faites de votre droit de vote. Et certains d’entre vous font preuve d’un admirable courage en mettant à l’État la pression pour qu’il commence enfin à faire son travail efficacement : ils tentent de lui montrer que payer, c’est pas automatique. Et ils seront entendus.

Ce n’est pas votre faute ; et même si vous coutez cher, vous êtes mal payés. Bien sûr, on trouvera toujours des trublions du modèle social unique français pour décrier les bas salaires des mini-jobs allemands qui réduisent le chômage et la tentation de l’assistanat, et des intellectuels capables d’affirmer qu’il vaut mieux un chômeur payé autant que s’il travaillait qu’un travailleur pauvre comme si le choix était celui-là. Mais ne vous y trompez pas : vous êtes mal payés. Votre employeur est prêt à ce que vous touchiez bien plus, pourvu que ça lui coute toujours autant. Comment ce miracle est-il possible ?

“Monsieur Hamon, ce n’est pas à l’Allemagne de monter les salaires, mais à la France de réduire la voilure ; l’État français doit rétrécir. Vous devez accepter d’avoir un plus petit jouet, restreindre le périmètre de votre pouvoir, et arrêter de vouloir forcer tout le monde à jouer selon vos règles.”

Et bien il ne l’est pas. Il suffirait de réduire le coût du travail induit par l’État – charges salariales et patronales – pour le réaliser, mais compte tenu de l’incapacité des dirigeants français à comprendre l’économie et l’entreprise, c’est impossible. D’autant plus qu’ils se montrent incapables de réduire la dépense publique, de tenir les engagements pris quelques semaines plus tôt en matière fiscale notamment, de voter des budgets autrement que semblables à ceux qui les font : déséquilibrés.

Déséquilibrés, ou au moins déconnectés de la réalité. Benoît Hamon a récemment exhorté l’Allemagne à augmenter les salaires, pour faire preuve de fair-play. Parce que bien sûr, c’est l’État allemand qui fixe les salaires des salariés allemands ; et que, évidemment, c’est en demandant à ses voisins d’augmenter les salaires que l’Allemagne est, elle, devenue plus compétitive. Chacun son tour, non ?

Non. Parce que ce que les hommes politiques français ne comprennent pas, c’est que ce qui coûte tant aux entreprises, et pas seulement directement en impôts mais aussi en lois, normes, règlements et autres farces, c’est l’État. Cet État qui veut tout contrôler, tout taxer, tout subventionner, bonuser ou maluser, mais surtout abuser et mésuser d’un pouvoir qu’il n’aurait jamais dû avoir : intervenir dans l’économie.

Parce que les hommes politiques n’ont rien à faire avec leurs gros doigts dans les rouages des entreprises, aucune raison d’interférer avec les choix des individus, aucun motif pour décider pour les autres. Ils sont tellement déconnectés qu’on propose aux entreprises d’adopter un élu, pour lui faire comprendre comment ça fonctionne. Un compte de résultat par exemple, ou les conséquences d’un résultat négatif récurrent ; l’impossibilité de simplement augmenter les prix pour ajuster recettes et dépenses ; la difficulté de trouver du personnel qualifié, malgré le nombre de demandeurs d’emploi ; le caractère kafkaïen des administrations, qui donnent – littéralement – envie de se tirer une balle ; et bien d’autres joyeusetés auxquelles font face les chefs d’entreprise, qui passent plus de temps à gérer les conséquences de la bêtise des élus et de l’abus des élites qu’à travailler à leurs produits et services. Un bon aperçu dans “Chronique d’un salaud de patron”, paru récemment.

Donc non, Monsieur Hamon, ce n’est pas à l’Allemagne de monter les salaires, mais à la France de réduire la voilure ; l’État français doit rétrécir. Vous devez accepter d’avoir un plus petit jouet, restreindre le périmètre de votre pouvoir, et arrêter de vouloir forcer tout le monde à jouer selon vos règles.

*Baptiste Créteur est consultant en stratégie. Objectiviste, il est en quête d’une nouvelle Atlantide.

> Cette tribune a initialement été publiée sur le site Contrepoints.org.

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18 Comments

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  • xrayzoulou , 23 septembre 2013 @ 15 h 13 min

    Vous avez raison, au lieu de demander à un autre état de faire ce que nous voudrions qu’il fasse (ici augmenter les salaires des allemands), il faudrait qu’il balaye devant sa porte et fasse les lois qui permettrait aux français de pouvoir travailler. c’est une bonne idée que vous donnez qu’une entreprise (ou plusieurs) parrainent un politique pour qu’il voit à la base les difficultés des patrons et des salariés ! Ils n’ont jamais travaillé, (ou si peu, mais pas en temps qu’entrepreneur, dans des grosses sociétés), ils n’ont fait que de la politique et ne connaissent rien de la vie des gens qui triment. De toutes manières les seules personnes qui les intéressent ce sont les immigrés : là ils donnent tant qu’ils peuvent, à nôtre détriment (Cela peut leur faire des voix aux élections). Messieurs les abstentionnistes de droite, bougez vous, ne laissez pas le cancer politique se développer.

  • Républicain non aliéné , 23 septembre 2013 @ 17 h 52 min

    Baisse des salaires = régression sociale et culturelle. Vouloir faire baisser la culotte de la France n’est pas très conservateur, même pas libéral, ultra libéral apatride plutôt. De ceux que les français ne veulent plus voir ni entendre pour les avoir déjà vus à l’oeuvre ces dernières décennies avec les brillants résultats du jour.

    Patriote et pleinement conscient des petits pas ultralibéralistes avec lesquels des discours comme celui-ci prospèrent, je ne comprends ne serait-ce qu’une seule seconde, comment peut-on nourrir des prétentions similaires et faire l’apologie de ceux qui ne rêvent que de payer les salariés français à la norme de Pékin.

    Ce n’est pas en jetant des milliers de salariés à la porte que le marché national redeviendra subitement attractif, les dépenses publiques commencent d’abord du côté de nos élus et de nos hauts fonctionnaires qui, curieusement, échappent toujours à l’étrange addition dont nous serinent les économistes donneurs de leçon à longueur de journée pour justifier un nivellement vers le bas du niveau de vie de tous les français.

    Que l’Etat lâche la bride aux entreprises sur certaines choses est nécessaire mais il n’est même pas question de faire dans l’angélisme en déréglementant le marché du travail à la diable sous les yeux de rapace d’un MEDEF aux aguets.

    Les salariés français coûtent chers parce qu’ils ne se laissent, ne se laisseront plus, exploités, sont protégés par des conventions qui encadrent un marché du travail, véritable chantier où les lois de la jungle sévissent. Le Code du travail ne doit pas son épaisseur au hasard ou à un volontarisme mortifère du législateur mais à la turpitude de ces si innocents “chefs d’entreprise” qui ne manquent jamais d’imagination quand il s’agit de rouler la petite main d’oeuvre mal renseignée ou d’échapper au fisc. Et si vous aviez épluché autant de dossiers portant sur des contentieux prud’homaux que moi vous seriez du même avis. Et d’ailleurs la situation actuelle ne fait que confirmer que des mesures fiscales exceptionnelles sont nécessaires, de celles qui traversent les frontières à l’instar des américains, pionniers sur la question et dont on devrait s’inspirer.

    La mondialisation n’a fait qu’accentuer ce phénomène en permettant aux tenants de ce discours de mettre les voiles avec pertes et fracas le tout sans contrainte ni contrôle, jusqu’à aujourd’hui.

    Être payé au lance pierre dans une économie galopante (l’Allemagne a conservé son industrie, elle est là la solution et pas ailleurs) ne signifie rien d’autre que des standards moindres. De plus il y a une certaine mauvaise foi ou naïveté forcené à négliger ou carrément passer sous silence, comme ici, le rôle prépondérant de ces éternelles victimes de chef d’entreprises, si prompts à délocaliser et à lâcher le pays en pleine crise, dans la crise économique mondiale. L’exil fiscal n’est pas même mentionné ! Un comble quand on sait que les fraudeurs délestent l’Etat de plusieurs milliards d’euros par an ! Un Etat mis à mal par des intérêts particuliers n’atteste que de son insuffisance régalienne, dans un tel contexte il faut un Etat fort capable de saisir l’argent là où il se trouve, capable de se protéger des manoeuvres financières hostiles et visant clairement à porter atteinte au modèle national.

    La guerre économique existe et n’a rien d’une fiction, nous avons besoin d’un Etat guerre et certainement pas de mercenaires qui suivront leurs intérêts avant tout. Sans quoi, plus de France.

    Quand un système va mal à cause de quelques brebis galeuses qui refusent de se soumettre à la curée collective on ne sacrifie pas le bien commun pour obtenir les miettes de pain que ces bonnes âmes seraient prêtes à donner en échange de dérogations. Il n’y a rien à négocier, quand les uns s’en vont, d’autres occupent les places libres, la France est en transition économique et fiscale, la situation n’aurait pas été différente côté impôt avec un N.S au pouvoir. Sauf bien sûr, pour les amis du Rotary Club.

    Un peu plus et vous arriveriez presque à faire avaler que si l’économie va mal dans le monde c’est la faute de l’Etat, comme si le “modèle” allemand n’avait pas ses propres poubelles à sortir…sans doute pour mieux éviter de causer du modèle britannique. Cela commence par chipoter le code du travail puis ronger de plus en plus les acquis parfois obtenus dans le sang puis cela finis par imposer de petites baronnies sans foi ni loi où “l’offre” fait sa loi en total mépris du bien commun et donc de la Nation avec un grand “N”.

  • Républicain non aliéné , 23 septembre 2013 @ 17 h 57 min

    Non, le parrainage est une mauvaise idée qui porte un nom : le conflit d’intérêts. Nous avons besoin au contraire, de d’avantage de transparence et de politiques soucieux du “grand tableau” avec des perspectives à long terme. Le lobbyisme en politique gangrène le pays depuis toujours, ce n’est pas pour autant qu’il faudrait en plus institutionnaliser la chose.

  • Tarantik Yves , 23 septembre 2013 @ 17 h 58 min

    Hamon..? Ah mais oui c’est la pleureuse sur le pôvre DSK victime des méchants amerloques !
    Pas très socialistes tous ces mâcheurs de chewing-gum !

  • Républicain non aliéné , 23 septembre 2013 @ 18 h 01 min

    Par ailleurs je vous rejoins sur l’urgence de prises de contact entre politiques et citoyens, cependant ceci doit passer non pas par des parrainages mais plutôt par des stages obligatoires et des obligations de résultats imposées aux politiques avec sanctions à l’appuis. Il est toujours aussi ubuesque qu’à l’aube du XXIème siècle en France, on laisse encore des apprentis sorciers jouer avec le pouvoir sans leur demander des comptes.

    De vrais comptent, avec poursuites, saisines et tout l’arsenal répressif qui en dissuaderait plus d’un de s’engager dans la voie de garage politique, aux frais des contribuables que nous sommes.

  • Antoine , 23 septembre 2013 @ 18 h 14 min

    Rassurez vous monsieur, personne ne souhaite pas voir le salaire des salariés baisser, même pas le patron (n’en déplaise à certains, les patrons malhonnêtes sont minoritaires). Le problème est le poids des charges qui pèsent dans l’entreprise : charges salariales, charges patronales. Donc si elle ne sont pas baissées, alors il va falloir diminuer les salaires. Malheureusement, c’est ce que font la Grèce et l’Espagne.

  • Républicain non aliéné , 23 septembre 2013 @ 19 h 02 min

    Je suis bien d’accord, les charges patronales et les difficultés rencontrées par les petits entrepreneurs. En France la créativité et l’entreprenariat sont au point mort mais ça ne date malheureusement pas d’aujourd’hui.

    Le soucis voyez-vous c’est que derrière les discours comme celui de l’article, on trouve bien souvent des communicants de gros pontes de multinationales, premières responsables des instabilités d’un marché qui ne s’auto régule que dans la pensée des théoriciens. Il est nécessaire de faire la part des choses, tout n’est pas toujours à jeter dans un discours politique. La liberté d’accord, mais pas de faire n’importe quoi.

    Il s’agit d’éviter un retour à la “loi de la jungle”. Et quant à cet Hamon je ne connais pas le personnage, mais je trouve plus important de réfléchir sur le fond du discours que sur la tête ou la sensibilité politique de celui qui le prononce, c’est qu’il en va de l’intérêt de notre pays et de l’avenir des futures générations.

    S’il est possible d’agir et de couler un Etat défaillant par la somme des forces individuelles (votes, manifs ect), il en est tout autrement d’une finance déréglée dont la forme tentaculaire favorise l’éloignement des centres de décision et porte atteinte, par extrapolation, à la part de souveraineté que nous portant en chacun de nous comme citoyen français.

    C’est justement ce que les nationalistes dénoncent quant à l’Europe : la destruction de la souveraineté via la perte de l’autonomie budgétaire et des instruments étatiques en matière de régulation. D’où la nécessité d’un retour à un Etat fort, le problème des socialistes c’est qu’ils en profitent pour intervenir dans des domaines où l’Etat ne devrait pas mettre les pieds : la société, la culture…

    La droite ne s’en est peut-être jamais privé mais c’était moins ostensible et puis les médias donnaient plusieurs sons de cloche.

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