Le jeu des sept familles politiques

Nous republions cette tribune libre parue en décembre 2011, avec l’aimable autorisation de l’auteur, Marc Crapez*

Au village gaulois, on dénombre sept familles politiques. Les droites se divisent entre la droite tennis, la droite belote et la droite littéraire. Les gauches entre la gauche caviar, la gauche beaujolais et la gauche Katmandou.

La septième famille, la centriste, est une famille recomposée. À la présidentielle de 2007, la majorité des électeurs de Bayrou ne s’identifiaient pas au centrisme. Le centrisme politique ne dépasse pas la barre des 5%. Et sa base populaire est ténue. C’est plutôt un parti pour notables de province. En témoigne le label « Alliance républicaine », choisi par Jean-Louis Borloo pour lancer son mouvement, du nom d’un parti fondé à la Belle époque. Cette fine allusion pour vieil alligator n’enthousiasmera jamais le profane.

La droite tennis est accablée de tous les maux. Mais on est bien content de la trouver. Elle travaille et gouverne. Elle fraude un peu mais paye quand même l’impôt. Elle est modérée en tout sauf lorsqu’elle adore l’Amérique, l’Union européenne et la mondialisation. Elle s’est relookée depuis longtemps : les dames en serre-têtes y sont devenues des oiseaux rares. En principe, ses trois hommes politiques français préférés sont : Poincaré, Pinay et Barre.

La droite belote a l’accent du titi parisien ou du terroir. Comme dans le cinéma de Gabin et Fernandel. La belle petite France des années 50. Toute une époque. La droite belote est méprisée par toutes les autres familles politiques. C’est le souffre-douleur. Philippe Sollers vomit sur la « France moisie ». François Hollande se gausse de « Madame Dugenou ». Le courant de l’UMP baptisé Droite populaire est honni car, dans l’esprit des bobos, les « petits blancs » constituent « la lie de la société française » (comme le souligne le journaliste Hervé Algalarrondo dans son livre La Gauche et la préférence immigrée).

La droite littéraire a du style. Une qualité sur laquelle on ne tarirait pas d’éloges si elle n’impliquait une certaine paresse intellectuelle. Ces guérilleros de terrasses de café prennent des risques calculés. Ils s’aventurent rarement en dehors de la principauté de Saint-Germain-des-Prés. Ils canardent la bourgeoisie mais sont des enfants gâtés devenus gens comme il faut. Ils se prennent pour des « Grands d’Espagne » mais n’est pas Nimier qui veut. Leurs trois hommes politiques français préférés sont : Louis XIV, Napoléon et de Gaulle.

La gauche caviar est bien connue. Ne l’accablons pas. Sans elle, la gauche serait de gauche et ferait n’importe quoi. Ses trois hommes politiques français préférés sont : Barack, Michelle et Obama.

La gauche beaujolais concilie les qualités de la gauche unie, l’insolence libre-penseuse, l’indépendance radicale, la volonté socialiste et la franchise communiste. C’est une gauche bleu-blanc-rouge aux couleurs de la France. Qui revendique l’héritage. Elle aime manifester en chantant et mangeant des saucisses. Ses trois hommes politiques français préférés sont : Jaurès, Blum et Mitterrand.

La gauche Katmandou n’a pas tellement d’hommes politiques français préférés. Comme son nom l’indique, elle est pour la dépénalisation du cannabis. Ses membres sont aussi pour la dé-lepénisation. Ils se considèrent comme le dernier rempart à l’éternelle montée du fascisme. Résultat : ils sont un peu schizophrènes, mégalos et autoritaires. Toujours prêts à interdire ceux qui leur déplaisent. Ils prétendent faire de la politique autrement, de façon plus démocratique. Mais leur cuisine politique est plutôt indigeste. On l’a vu avec les trotskistes et aujourd’hui avec les Verts.

Les Indignés sont un surgeon de cette gauche katmandou. Ils ont puisé leur étendard dans le petit livre d’un vieux crabe. Aussi ils n’ont pas choisi le terme de révoltés, d’insoumis ou d’insurgés, comme dans le beau roman éponyme de Jules Vallès. En matière de réflexion politique, les indignés en sont au stade du nourrisson s’agitant dans sa barboteuse. Un porte-parole des indignés américains pérore : « Nous nous sommes totalement inspirés de la place Tahrir ». C’est vrai qu’ils sont des toutous dociles. Mais ils ressemblent davantage à des bobos conformistes, militant pour les droits des immigrés et la nourriture bio, qu’aux courageux manifestants égyptiens.

Les Indignés espagnols, d’où le mouvement est parti, sont ainsi les enfants du régime Zapatero, qui a multiplié les réformes « sociétales » (facilitation du divorce et autorisation du mariage homosexuel) sans songer un seul instant à réduire les inégalités sociales ou à construire une prospérité durable.

*Marc Crapez est chroniqueur et chercheur en sciences politiques.

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7 Comments

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  • Goupille , 23 décembre 2012 @ 10 h 11 min

    Génialissime ananlyse, et tellement drôle et bien vue.

    Où l’on voit aussi que les vérités politiques sont soumises aux modes et évanescentes comme brouillards.
    Décembre 2011…
    Qui entend encore parler des Indignés et de leur vieux crabe ? L’Espagne et la Grèce s’enfoncent dans la crise. Les jeunes ont pris leur tente et leur balluchon et s’expatrient. Comme au bon vieux XIX° siécle. Les autres pays replâtrent en serrant les fesses.

    Qu’est devenue l’idolâtrie, à part sur “Ouma Incultures”, pour les printemps arabes ? Nous n’auron pas la cruauté de décrire le grand fiasco islamiste.

    Obama subsiste en tant qu’avancée historique conceptuelle : un métis à la Maison Blanche (Blanche !!!), comme un scribouillard métis au Panthéon quelques années plus tôt.

    Mais par quelle aberration le descriptif de la droite s’arrêtait au “courant de l’UMP baptisé Droite populaire” ? C’était l’audace maximale admissible par la caquetoire.
    Et pan, sur le bec ! Le troisième homme de la Présidentielle, six mois après, a été Marine le Pen.
    Le Front National ! Horreur et consternation : la France moisie est pire encore que ce que l’on pensait !

    Ils ne l’avaient pas vue venir, car les vérités nimbées d’une trop forte lumière crèvent les yeux.

  • Goupille , 23 décembre 2012 @ 10 h 28 min

    “Nous n’aurons pas la cruauté de décrire le grand fiasco islamiste”, mais nous aurons une pensée, en cette veille de Noël, pour les Chrétiens qui se font massacrer, dans le silence assourdissant de la CEF, bien sûr et comme toujours.
    Et pour les femmes qui se retrouvent en pleine barbarie du VI° siècle en un clin d’oeil..
    Et pour les amputés, fouettés, lapidés coraniques.

  • ranguin , 23 décembre 2012 @ 11 h 35 min

    Bravo Goupille, il fallait bien une conclusion.

  • Murex64 , 25 décembre 2012 @ 7 h 16 min

    Tennis ? GOLF plutôt ! Trop de ces gensssses, ” à droite ” méprisant les autres… A cause de leurs manières ( impolis envers les autres ), l’Ouvrier est passé à gauche !

  • GAUTHIER , 25 décembre 2012 @ 12 h 40 min

    Raymond Barre, en faveur de qui j’ai voté en 1988, n’a jamais vraiment eu un “électorat”…à la différence de VGE et de Jacques Chirac…quant à Mitterrand, selon ce que j’ai pu voir, son électorat personnel, au delà des fidèles du PS, c’était plutôt le “lumpen prolétariat” de Marx, que l’on peut traduire par caillera…cela dit, lorsque j’ai débuté des études de droit constitutionnel en 1964, le poncif de l’époque était que la droite n’existait plus…dixit André Siegfried…les Gaullistes du reste précisaient bien qu’ils n’étaient pas de droite et il y avait même des “gaullistes de gauche”…cela perdura jusqu’à la déroute de 1981, afin de se démarquer du “candidat de Brejnev”…qui se souvient du “travaillisme à la française” ?

    🙂

  • SUCCOJA Michèle , 25 décembre 2012 @ 17 h 27 min

    Très drôle le jeu des sept familles. Bon, et maintenant qu’est-ce que nous faisons au seuil de cette nouvelle année? Nous continuons notre descente aux enfers ou nous réagissons? Le tout sera de trouver un leader réaliste, conquérant et à poigne.
    Bon Noël

  • François2 , 26 décembre 2012 @ 0 h 01 min

    Il y a maldonne. L’académicien Maurice Druon l’a bien dit : “il y a deux grands partis de gauche en France ; l’un d’eux s’appelle, par convenance, la droite”.

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