Résister après le 26 mai

Après l’adoption de la loi sur le « mariage pour tous » et sa validation par le Conseil constitutionnel, il convient maintenant de s’interroger sur la ou les stratégies à adopter afin d’éviter que l’opposition massive à laquelle cette loi a été confrontée ne s’éteigne comme un feu de paille.

La première stratégie qui vient à l’esprit serait de poursuivre la mobilisation populaire, sous forme de manifestations massives ou de rassemblements plus ponctuels, tels que ceux des « veilleurs ». Mais si les précédentes manifestations n’ont pas réussi à infléchir le gouvernement, il est à craindre que celles qui seront organisées à l’avenir, en particulier le 26 mai prochain, n’obtiennent pas davantage le retrait de la loi. Il en est malheureusement pareil avec le mouvement des veilleurs, même si le témoignage qu’il porte demeure précieux pour garder les consciences en éveil.

Une deuxième stratégie concernerait tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, seront appelés à appliquer la loi sur le « mariage pour tous », qu’il s’agisse, par exemple, des élus municipaux chargés de célébrer un mariage homosexuel ou des fonctionnaires impliqués dans les procédures d’octroi des agréments aux couples homosexuels dans la perspective d’une adoption. Des maires ont déjà annoncé qu’ils refuseraient de marier des couples homosexuels. Toutefois, là encore, il ne convient pas de surestimer la portée de cette opposition. En effet, la grande majorité des mariages homosexuels sera, selon toute vraisemblance, conclue dans des grandes villes, là où il sera justement possible de trouver des élus municipaux disposé à célébrer l’union.

D’autres pistes doivent donc être recherchées, avec le double souci de soumettre le Pouvoir à une épreuve de force à laquelle il ne s’attend pas et de créer un choc médiatique important.

La première piste mettrait en jeu l’enseignement catholique. Alors que, dans le sillage de la loi sur le « mariage pour tous », certains documents officiels ne parlent déjà plus de « père » et de « mère », mais désormais de « parent 1 » et de « parent 2 », il conviendrait que toutes les écoles catholiques qui accueillent des enfants refusent une telle parodie et, surtout, le fassent savoir. Ces écoles annonceraient ainsi que, quoique disposées à accueillir des enfants ayant, aux yeux de la loi civile, « deux pères » ou « deux mères », elles ne tiendront compte, dans tous les documents administratifs que d’un seul père ou d’une seule mère. Concrètement, les écoles catholiques pourraient s’opposer à ce que, sur les formulaires d’inscription, figurent le nom de deux pères ou de deux mères. De même, les bulletins scolaires ne seraient envoyés qu’à un seul parent, et il ne serait demandé qu’à un seul d’entre eux les autorisations requises pour les voyages scolaires ou les sorties de classe. Au regard de la proportion des élèves inscrits en France dans l’enseignement catholique (20 % de l’effectif total), il ne fait nul doute que cette initiative, à la condition qu’elle soit médiatisée, aurait un impact considérable.

“Ces deux pistes supposent non seulement un soutien mais également un engagement actif de la hiérarchie catholique.”

La seconde piste, dont le retentissement ne serait pas moins grand et qui constituerait une réponse cinglante à la dénaturation du mariage que la France s’apprête à adopter, serait un refus public, de la part des laïcs catholiques, de se soumettre à la règle selon laquelle un mariage religieux ne peut avoir lieu que postérieurement à la célébration du mariage civil. En effet, cette règle est contraire non seulement à la loi de l’Eglise (en quoi un sacrement devrait-il être autorisé par l’Etat ?) mais également à la loi de l’Etat (la loi de 1905 ne proclame-t-elle pas que l’Etat ne reconnaît aucun culte ?) Il convient de préciser que ce refus ne prendrait pas forcément la forme d’un rejet de principe du mariage civil, puisque, après le mariage religieux, les époux pourraient toujours choisir de passer devant le Maire et de profiter ainsi des effets personnels et patrimoniaux du mariage civil. Compte tenu du nombre important de personnes qui, chaque année, souhaitent se marier religieusement,  une telle initiative, si elle devait aboutir, prendrait la forme d’un phénomène massif face auquel le Pouvoir serait largement impuissant : en effet, ou bien celui-ci laisserait faire – ce qui constituerait une victoire de cette contestation –, ou bien il engagerait des poursuites pénales contre les ministres du culte. Mais, outre qu’un gouvernement qui se prêterait à un tel activisme judiciaire et traînerait des centaines de prêtres devant les tribunaux n’en sortirait pas grandi aux yeux de l’opinion publique, le risque d’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme serait très élevé.

Ces deux pistes supposent non seulement un soutien mais également un engagement actif de la hiérarchie catholique. En effet, sans le soutien de son évêque, aucun prêtre n’acceptera de marier un couple qui ne soit pas passé préalablement devant le maire. De même, hors le cas des écoles catholiques hors contrat, seuls les évêques disposent de la légitimité pour obtenir des écoles catholiques sous contrat qu’elles s’opposent à la fiction de « deux pères » ou de « deux mères ». Toutefois, certains signes témoignent de la résolution de l’épiscopat, ou d’une grande partie de celui-ci, à ne pas se satisfaire de la loi sur le mariage pour tous : plusieurs évêques ont récemment souligné que la loi civile ne pouvait prévaloir sur la loi naturelle, lorsque celle-ci contredit celle-là de manière évidente, et ont expressément appelé les chrétiens à l’objection de conscience. Le défi doit alors être relevé.

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47 Comments

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  • monhugo , 24 mai 2013 @ 11 h 02 min

    “Non possumus” ? Pourquoi ? Nolumus ! Nous ne voulons pas de cette monstruosité juridique et de cette aberration en général ! Et nous pouvons, tout !

  • Le hérisson dissident , 24 mai 2013 @ 11 h 12 min

    Donc dans les deux cas tout repose sur les consignes des évêques ? Ce sont effectivement deux grandes idées avec un fort impact médiatique, mais n’y a t’il pas d’autres actions que nous pourrions prendre sans devoir attendre des consignes “d’en haut” ?

    La CGT est capable de bloquer les grandes villes en faisant des opérations escargots sur tous les grands axes. Quand ils le font l’impact médiatique est retentissant. Même si les médias sont contre nous, ce genre d’action a un impact direct sur la population car ils voient par eux-même les saturations des grands axes. Ne devrait-on pas chercher surtout à faire des actions qui touchent directement les citoyens plutôt que d’espérer un impact médiatique ?

  • charlotte , 24 mai 2013 @ 11 h 20 min

    En ce qui nous concerne, il est parfaitement clair que :
    1/ Nous refusons d’être désigné comme parent X ou conjoint X sur un quelconque document. Nous sommes un père, une mère et le mot et à nous deux nous représentons les parentS. Aucun singulier possible. Nous serions profondément choqués que nos écoles osent nous désigner autrement que par ce que nous sommes. Le mariage homosexuel n’a pas à me faire disparaître.
    2/ Il y a déjà longtemps que nous avons décidé de marier nos enfants en premier lieu à l’Eglise et de ne plus passer qu’en jean’s et entre 2 simples témoins pour nous contenter de signer ce qui n’est désormais plus qu’un banal contrat à l’image de celui que nous avons signé avec EDF. Nous saurons quoi qu’il en soit trouver les prêtres qui sauront comprendre notre impossibilité morale à agir autrement.
    3/ J’ajoute, et ce avec la plus grande détermination, que mes enfants n’assisteront à aucun cours sur le gender et que nous sommes prêts à prendre le risque de la note ZERO.
    4/ La question reste posée concernant le cours de morale républicaine auquel nous nous devrons de nous opposer en faisant valoir également l’objection de conscience.

    Complément : bien que satisfaits de la qualité de l’école sous contrat qui accueille nos enfants depuis plus de 10 ans et à qui nous devons plus de merci que de critiques, nous n’hésiterons pas si nécessaire à cesser d’y scolariser nos enfants si celle-ci ne restait pas dans la droite ligne de notre culture catholique. Y porter atteinte au sein même de notre école serait tout simplement une renonciation à son engagement catholique.

  • Marino , 24 mai 2013 @ 11 h 34 min

    Mariage pour tous: Valls veut faire interdire le « Printemps français »

    Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls va « étudier » une interdiction du « Printemps français », une nébuleuse des opposants les plus radicaux au mariage homosexuel qui a appelé à des opérations coups de poing.
    Les autorités vont « étudier » une interdiction du « Printemps français », une nébuleuse des opposants les plus radicaux au mariage homosexuel qui a appelé à des opérations coups de poing, a annoncé vendredi sur France Info le ministre de l’Intérieur Manuel Valls.

    « Nous allons l’étudier parce que ces propos sont inacceptables », a déclaré le ministre, interrogé sur un communiqué virulent du groupe. Le ministre a également fait état de « menaces de mort » et a exprimé son « inquiétude car des groupes radicaux d’extrême droite veulent venir en nombre » à la manifestation de vendredi contre le mariage homosexuel.

    Dans un communiqué publié le 21 mai, le “Printemps français” appelle à “une nouvelle résistance” face à une loi qui irait “contre les lois de la biologie et contre tout sens commun”. “La France est actuellement soumise à des forces qui veulent l’asservir entièrement. La bataille ne fait que commencer. Elle se prolongera jusqu’à la victoire”, peut-on encore lire.

    Le “Printemps français”, radicalement opposé à la loi Taubira sur le mariage homo, appelle à des actions plus violentes estimant notamment celles de la Manif pour tous de Frigide Barjot trop “bisounours”. Réellement lancé après la grande manifestation du 24 mars à Paris, Béatrice Bourges,du collectif pour l’enfance, se présente comme leur porte-parole.

    “Laissez-moi vous dire mon inquiétude car des groupes radicaux d’extrême droite veulent venir en nombre, non pour manifester mais pour créer l’affrontement et le désordre et pour s’en prendre aux symboles de la République, une République que ces groupes d’extrême droite haïssent”, a ajouté M. Valls.

    http://www.lexpress.fr/actualite/societe/mariage-pour-tous-valls-veut-faire-interdire-le-printemps-francais_1251363.html

  • Olivier , 24 mai 2013 @ 11 h 35 min

    Considérations très intéressantes que je méditerai pour rebondir sur l’ensemble ensuite, pour l’instant j’aimerais apporter un contrepoint sur un point précis qui ne fait pas le tout d’une stratégie mais me paraît obligatoire :

    Refaire une grande manifestation dès la rentrée me paraît indispensable.
    – d’une part une loi sur la famille incluant la P.M.A. est annoncée dès décembre et il faut continuer la pression malgré tout et malgré le peu de chance de faire fléchir nos amis sectaires du gouvernement ;
    – par ailleurs, le but d’une manifestation n’est pas seulement de faire fléchir le gouvernement, elle a d’autres effets :
    – motiver les troupes : si d’autres actions peuvent continuer à avoir lieu, accueil de ministres, mais aussi conférences diverses, manifs locales, intervention dans les municipales, le moral et la motivation ne peut subsister que si l’effet de masse est obtenu par des rendez-vous nationaux réguliers ; le fait que les médias nationaux, alors, parlent du mouvement, même en l’agonissant d’injures, est aussi motivant ;
    – montrer, ad intra et ad extra, qu’on ne lâche rien, id est précisément qu’on continue et qu’il est légitime de continuer à manifester pour le retrait de cette loi.

    C’est ce dernier point qui est capital. Avec la loi Veil, nous avons attendu 30 ans pour organiser des grandes marches pour le retrait de cette infâme loi… Cette fois-ci, il ne faut pas attendre. Il faut montrer à tous que, non, leur croyance qu’une fois la loi votée la contestation s’éteindra et la société l’acceptera, cette croyance n’est pas vraie (en fait elle est nécessairement en partie vraie, mais de telles grandes manifestations révèleront que ce n’est le cas qu’en partie, et aideront les personnes à ne pas nécessairement céder au fait accompli), et que, oui, il est légitime de continuer à s’opposer publiquement à cette infâme loi Taubira, même promulguée, même appliquée.
    Organisation d’une grande marche, donc, mais aussi, avec un mot d’ordre « Abrogation de la loi Taubira », parce qu’on ne va défiler pour un peu plus ou un peu moins de PMA, hein, et parce que ce n’est qu’ainsi qu’on défiera l’« effet cliquet ».

  • Châteauroux , 24 mai 2013 @ 11 h 48 min

    Le triple renoncement de la Manif pour Tous

    À l’heure où sont appelés les opposants pour ce qui devra être l’ultime manifestation contre le mariage homosexuel, l’absence possible de son égérie, « Frigide Barjot », est symptomatique des égarements idéologiques du mouvement, pour ne pas dire son affaissement, plus que de l’insécurité évoquée. Cet affaissement résulte d’un triple renoncement de ce mouvement.

    RENONCEMENT SUR LA FAMILLE : le premier renoncement de la Manif pour Tous est très ancien puisqu’il est relève de la philosophie originelle du mouvement. En acceptant de se mobiliser largement contre la loi Taubira, il a refusé de mettre sur la table la question de la famille, au sens large. Défendre la famille, cela ne se résume pas à la lutte contre le mariage des homosexuels et la distorsion de la filiation, puisque cette initiative n’est qu’un épiphénomène. En vérité, elle a été rendue possible par le démembrement de la famille, la cellule élémentaire de la société. C’est l’affaiblissement du mariage, en favorisant le divorce généralisé, et en réduisant conséquemment la portée de l’engagement qu’il constitue, ce qui a permis une telle dérive, sans compter l’encouragement des comportements homosexuels par les institutions. En somme, s’il était noble, chevaleresque pour quelques uns, de s’y opposer, je ne pouvais m’empêcher de penser à ces personnages de dessins animés qui tentent d’éviter le naufrage de leur navire en colmatant les brèches dans la coque. Chaque fois qu’une d’elles est comblée, une autre s’ouvre. En un sens, les défenseurs du mariage n’avaient pas tort lorsqu’ils disaient que la mesure était inévitable. On ne combat pas les effets sans s’en prendre aux causes ! Ce premier renoncement a considérablement affaibli le potentiel d’une telle mobilisation.

    RENONCEMENT SUR LE MARIAGE : ce renoncement est plus récent. Les manifestants du 26 mai doivent savoir qu’on leur a menti, et qu’en croyant défiler contre le mariage, leurs pas seront odieusement récupérés pour vendre à l’opinion « l’union civile ». Dans la droite ligne de mon propos précédent, il s’agit en fait d’offrir la pleine reconnaissance aux couples homosexuels, ce que partisans comme pourfendeurs de cette option présentent comme un cache-misère. En un mot, l’art de se cacher derrière son petit doigt. M. Copé a été excellent en disant récemment qu’il faudrait « réécrire la loi », sans préciser quelles sont les modifications auxquelles il pense, et acceptant, de fait, la philosophie de ce texte. Pour reprendre mon propos précédent, le fait est que ne voulant pas s’attaquer aux racines du mal, on cherche à limiter l’ampleur des dégâts. Cette proposition est perverse. Voulant sortir du conflit par le haut, cette concession consentie aux « marieurs » leur permettrait de préparer les esprits, et ainsi, on ne repousserait qu’une mesure que l’on souhaite voire abroger. On perd du temps en croyant en gagner !

    RENONCEMENT SUR LA MÉTHODE : ce dernier est plus essentiel, et résulte des deux points précédents. Nous pouvons nous entendre sur le fait qu’une société, sur le modèle de celle que nous propose le gouvernement n’est pas viable. Au lieu de nous compromettre, nous devons vraiment résister. Nous nous trouvons en vérité dans la situation des socialistes et des marxistes à la fin du XIXe siècle. Les premiers pensent qu’il faut accepter de se compromettre avec un système contestable, se défroquer pour obtenir quelques petites avancées. On voit aujourd’hui où cela les a mené… Les autres pensaient qu’il ne fallait pas se compromettre dans un système de valeur prêt à essouffler pour être prêt à intervenir au moment où la logique aura atteint son terme. J’espère avoir justifié ainsi le fait qu’il n’y a pas d’issue possible dans le système de valeurs qui nous est imposé. C’est un changement complet qui est nécessaire. Lutter contre les conséquences ultimes d’un long processus, cela revient à tenter de sauver, comme le navire qui prend l’eau, ce qui ne peut pas l’être. Nous dispersons ainsi notre temps, notre énergie, alors qu’il est proche le moment où nous pourrons intervenir efficacement. C’est donc une erreur stratégique fondamentale. Il reste que j’espère, malgré tout, que cette mobilisation aura préparé ceux qui seront prêts à intervenir lorsque le moment sera venu, bien que je craigne que l’on retrouve à ce moment là bien des tièdes qui se sont fourvoyés avec l’union civile, et qui feront preuve, une dernière fois de la frilosité qui les caractérise.
    Voilà pourquoi on ne me verra pas dans la rue le 26 mai !

  • Eric Martin , 24 mai 2013 @ 11 h 58 min

    Tout le monde doit être dans la rue le 26 : avec la MPT, avec Civitas, pour des actions commes celles du mauvais rêves de Manuel Valls : http://www.ndf.fr/poing-de-vue/20-04-2013/he-had-a-dream

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