Les enjeux du temps

Comment en est-on arrivé là ?

La question du mariage et de la filiation était déjà une question capitale, la cellule fondamentale de la reproduction sociale, c’est-à-dire aussi culturelle et morale, étant mise en danger par ce que les principaux acteurs, de part et d’autres, se sont accordés pour qualifier de changement de civilisation.

L’enjeu était donc de taille : de l’exigence d’un referendum pour le retrait de loi, certains ont bien perçu l’enjeu civilisationnel et anthropologique de la chose : le combat contre le projet libéral et donc libertaire, bien perçu par des penseurs comme Michel Clouscard, Christopher Lasch ou Jean-Claude Michéa ; combat à vocation spirituelle et culturelle, mais aussi sociale et économique, donc.

Vaste mission, dont certains commencent à peine, dans la société civile ou les milieux politiques établis, à saisir toutes les conséquences. Cette prise de conscience appelle la concrétisation effective d’une lame de fond, lame ayant dépassé depuis un certain temps déjà le stade du germe.

Le chemin se poursuit ; un processus se déroule, endurant, qui connaît des accélérations et des événements pivot. De quoi l’affaire de ce jeune militant, embastillé pour deux mois ferme, est-elle le nom ?

Il ne s’agit plus ici d’une simple question judiciaire. Le mouvement qui traverse la société française se retrouve ici face à un choix décisif. Le propre d’un événement fondamental est qu’il oblige chacun à prendre position ; on ne peut ni l’ignorer, ni l’écarter. Le choix se pose en ces termes. Nous pouvons lutter pour un camarade en prison, victime d’une peine disproportionnée ; le faire libérer, puis passer son chemin. Ou nous pouvons remonter aux conditions mêmes de cet état de fait. Produire un ajustement à la marge ou embrasser la dimension authentiquement révolutionnaire d’un mouvement réaffirmant les valeurs de la nature et de la justice.

“La cause que nous défendons nous dépasse, car elle s’est imposée à nous par les conditions social-historiques et leurs contradictions, dont nous sommes le révélateur.”

Ce choix s’est déjà fait quand le mouvement des Veilleurs ou l’action de Tugdual Derville ont mis à jour l’impensé de la loi Taubira, sa Weltanschauung libertaire, relativiste et donc, à terme, nihiliste. Le versant anthropologique et spirituel du mouvement révolutionnaire qui a vu le jour en France, là où on ne l’attendait pas, est donc pleinement embrassé. Mais la question aurait aussi pu se poser au regard des institutions qui ont rendu possibles le refus du referendum sur un choix de civilisation, le mépris de trois manifestations ayant mobilisé plus d’un million de Français, et les actes illégaux et pire encore, injustes, d’un pouvoir devenu aujourd’hui, pour certains, illégitime.

Ce mouvement peut donc se choisir conservateur, c’est-à-dire rester sur un statu quo ante, se satisfaire du retrait d’un projet de loi de plus en plus improbable en l’état, accepter l’idéologie dominante, les institutions existantes et les normes de légitimité qui les sous-tendent. Il peut aussi choisir une cause bien plus noble, un projet qui dépasse les simples enjeux conjoncturels du temps : exiger une refonte des institutions réellement démocratique, qui ne doit plus permettre les erreurs et les fautes que nous voyons depuis trop longtemps déjà. Refus du choix du peuple en 2005 sur le TCE ; lois liberticides et procédure judiciaire ubuesque dont Nicolas Bernard-Busse est aujourd’hui victime ; atteintes répétées à la dignité et aux libertés fondamentales. Accepter et œuvrer, donc, pour une mission de justice.

Nous pouvons poursuivre une lutte politique circonstanciée, ou nous pouvons faire Histoire ; la cause que nous défendons nous dépasse, car elle s’est imposée à nous par les conditions social-historiques et leurs contradictions, dont nous sommes le révélateur.

Nous pouvons ouvrir une porte vers plus de justice et de liberté, pour une vraie souveraineté populaire ; notre prise de conscience en sera la clef.

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10 Comments

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  • 0 / 10
  • Delaye , 25 juin 2013 @ 23 h 05 min

    Parce qu’Amnesty International est de gauche

  • Dōseikekkon , 26 juin 2013 @ 0 h 50 min

    Peut-être François Hollande aura-t-il retenu de ces (trop) longs débats sur le mariage qu’il peut être parfois utile de proposer le référendum pour un sujet « de société ».
    Avec un peu de chance, l’euthanasie et le suicide assisté seront-ils prochainement soumis à référendum ?

  • Tancrède , 26 juin 2013 @ 4 h 17 min

    En effet ! Le problème vient des institutions.

    Nous devons exiger une constituante !

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