Le Roi n’est pas mort, vive la monarchie !

La transmission du sceptre et de la couronne d’Espagne par Juan-Carlos à son fils Philippe mérite notre attention. Un réflexe un peu rapide tend à rejeter la Monarchie dans les oubliettes de l’Histoire. Une conception superficielle de la démocratie exclut a priori que le Chef de l’Etat ne soit pas élu. Mais, le constat s’impose : là où ça existe, ça fonctionne plutôt bien, dans les Pays Scandinaves, aux Pays-Bas, et bien sûr au Royaume-Uni, pour ne prendre que les exemples européens et chrétiens. Il faut à cette réussite, quelques conditions. Ces pays sont des démocraties solides. La famille royale s’identifie au peuple dont elle a traversé les épreuves avec constance et dignité. Le Monarque n’a que très peu de pouvoirs. Il est essentiellement un symbole d’unité et l’instrument constitutionnel de la continuité des institutions et de l’Etat. C’est beaucoup plus qu’un simple élément décoratif attirant les touristes que des commentaires indigents placent au même niveau que l’anecdote d’un match de football. Dans une démocratie pluraliste, il se situe vraiment au-delà des partis et de leurs idéologies. A ce titre il est le vecteur affectif du patriotisme. Lorsque Mitterrand visita entre 1974 et 1981 une ville qui avait voté pour lui, le Maire crut utile de lui dire stupidement qu’il y était le Président. Qu’on le veuille ou non, Monsieur Hollande, avec ses 15% d’opinions favorables est le Président de tous les Français. Cette transcendance de la royauté à l’égard des clivages politiques est un facteur de bonne santé pour une nation. La Belgique ne tient plus actuellement que par ce boulon symbolique. L’Espagne et le Royaume-Uni affrontent les séparatismes écossais, basque ou catalan et la Monarchie les a plutôt aidés à contenir cette difficulté. On voit aussi l’intérêt de ce régime pour freiner l’illusion perverse d’une Europe des Régions conçue à la manière des Etats-Unis alors que l’Histoire et les situations sont absolument différentes. L’Histoire si riche de notre continent a reposé sur des Etats, nationaux ou non, dont les dynasties assuraient la cohésion en préservant les identités. Celles-ci disparaîtraient dans la grisaille du magma technocratique européen. la France des Bourbons a été l’exemple le plus éclatant de cet équilibre entre l’unité du Royaume et la diversité des Provinces. Ce sont des Bourbons qui sont Rois ou Reines d’Espagne depuis la dernière guerre de Louis XIV, et l’avènement de Philippe VI, malgré la simplicité du cérémonial, est un véritable événement.

Lorsque Alphonse XIII laisse la place à la République, comme c’était la mode après la première guerre mondiale, peu d’observateurs auraient imaginé un rétablissement de la Monarchie. Lorsque le Général Franco fit de Juan Carlos son successeur dans une monarchie rétablie dont il n’était que le Régent, nombreux étaient ceux qui pensaient cette solution illusoire et sans avenir. Or ça semble marcher. Là encore, il convient d’écarter les préjugés idéologiques courants qui pèsent sur Franco. Qu’on le veuille ou non, ce fut un des Hommes d’Etat les plus intelligents de son temps. La visite privée que lui fit de Gaulle en Juin 1970, peu de temps avant sa mort, est un signe qui ne trompe pas. Franco avait empêché le communisme le plus extrême de triompher en Espagne et rétabli l’ordre dans un pays ou, comme en Angleterre, la République est demeurée dans la mémoire collective comme une période de troubles et de violence. Il a certes payé sa dette envers ses alliés de la guerre civile en participant un temps à la l’offensive contre Staline mais n’a pas attaqué l’Angleterre à Gibraltar, ce qui lui a permis de figurer parmi les défenseurs de l’Europe de l’Ouest face à la menace communiste. L’Espagne est passé d’un régime fascisant assez proche de celui de l’Italie à une société plus ouverte sous la direction de Ministres inspirés par l’Opus Dei. L’évolution libérale de l’économie a permis son entrée dans l’Europe. Il fallait pour cela un passage à la démocratie. Celui-ci s’est effectué en douceur grâce à la transition monarchique. Franco avait choisi son successeur, l’avait longuement formé à son métier de roi et ne se faisait guère d’illusions sur le maintien du contenu idéologique de son régime.

Le pari a été gagné. En résistant à une grotesque et nostalgique tentative de coup d’Etat, le Roi a gagné sa couronne. Affaibli ces dernières années par des scandales alors que l’Espagne traverse une crise économique et sociale sévère, il a, à nouveau, l’intelligence de passer la main. C’est évidemment le défaut de la cuirasse royale. Il faut que le Souverain ne soit pas idiot. Les monarchistes peuvent répondre qu’il n’est pas interdit à des républiques d’élire des imbéciles, des fous dangereux, ou des incapables. On a, sauf accident, comme l’hécatombe des héritiers de Louis XIV, la possibilité de former longuement les successeurs pour éluder ces risques. Le Prince Charles en sait quelque chose.

Le vrai risque se situe ailleurs. A force de vouloir épouser son temps et les femmes ( ou les hommes) de son temps, le comportement monarchique évolue. Alors que la famille royale représente toujours le modèle salutaire de la famille, de toutes les familles qui sont censées composer le Royaume, on observera que c’est dans ces régimes pourtant historiquement reliés à la religion, que s’effectuent le plus facilement les évolutions sociétales les plus contestables. La Belgique est « pionnière » en ces domaines, hélas ! Pourquoi ce paradoxe ? Ou la Monarchie compense suffisamment la culture de mort par son exemple. Ou elle permet de cacher le déclin en sauvant les apparences. Ou elle est prête à subir toutes les évolutions pour se maintenir. On se souvient de « l’impossibilité de régner » temporaire de Baudouin pour ne pas signer la loi sur l’avortement. D’une part, ce n’était qu’un acte symbolique, un artifice juridique pour préserver la conscience « privée » du Souverain. D’autre part, son successeur a signé tout ce qu’on voulait. La Monarchie Constitutionnelle n’est pas un système incompatible avec la démocratie. Toutefois son rôle conservateur n’a d’intérêt que dans la mesure où il ne vise pas qu’à conserver le régime au prix de tout le reste.

Related Articles

18 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Catholique & Français , 25 juin 2014 @ 16 h 01 min

    Ce qui est marrant dans votre commentaire, c’est que la Révolution de 1789 a été faite AUSSI pour instaurer le “Règne de la Vertu” après un Ancien Régime prétendument “corrompu”. Il a fallu 220 ans, 5 républiques et une litanie colossale et ininterrompue de scandales à faire rougir le plus pourri des rois, pour que beaucoup de français commencent réaliser que cette utopie vertueuse n’était qu’un boniment de démagogues prêts à tout pour imposer leur folle idéologie démocratique. Il n’était pourtant pas bien difficile, dès le début de la révolution, de voir les Danton et consorts se goinfrer de l’argent prodigué par la Cour, de voir les poches des Sans-Culottes se remplir de toutes les rapines et les armées de la République pillant les richesses artistiques et commerciales des pays “libérés” du “joug de la tyrannie”. Puis ce fut le Directoire (l’un des régimes les plus corrompus de l’histoire) et ainsi de suite jusqu’à maintenant. Comme disait Voltaire, “Je préfère obéir à un beau lion qu’à cent rats de mon espèce !”

  • Charles , 25 juin 2014 @ 18 h 11 min

    Je tiens à préciser que jusque à une certaine époque,
    j’étais encore tout a fait normal/normatif sur ce sujet.

    C’est le passage au quinquennat qui m’a obligé à ouvrir les yeux.

    En effet,en Fronce,le quinquennat dure 3 ans ce qui rend impossible
    toute réforme effective de nos institutions et de leurs dérives.

    La durée effective de 3 ans s’explique comme suit:

    1.Tout le monde sait qu’en Fronce une campagne présidentielle
    commence 18 mois avant la date du 1er tour.
    Donc pour Avril 2017,la campagne commencera en Novembre 2015.
    En pratique,dès les congés au 14 Juillet 2015,toutes les décisions prises
    seront impactées par la future élection. Donc nous assistons à une semi paralysie avec un reclassement des cadres du mandat en cours de finition.

    2.Tout le monde sait que une fois un nouveau président élu,
    il lui faut 6 mois pour s’installer et placer tous les cadres
    qui partagent ses convictions (ou ses choix).
    Donc nous avons déjà 24 mois de perdus en transition (18 & 6).
    Donc,le quinquennat dure en réalité 3 ans….

    Il existe un autre argument simple à comprendre:
    Tout candidat “gagnant” se doit d’acheter sa victoire auprès
    des grands électeurs invisibles et des faiseurs d’opinion.
    Il paye en partie avant et surtout après son élection,
    ceci à la fois en espèces et aussi en nature (lois orientées,nominations etc).
    Ainsi,le président ne dispose ni du temps (3 ans) ni de la liberté d’initiative.

  • Goupille , 25 juin 2014 @ 19 h 40 min

    C’est très exactement le problème… La monarchie et, a minima, le christianisme, sont indissociablement liés. Sinon, ce sont des marionnettes qui coûtent très cher à la collectivité et perdent eux-mêmes tout repère de comportement.
    D’où le tableau de chasse, cynégétique et sexuel, du précédent. Et l’absence de cérémonie religieuse pour ce jeune roi qui a épousé une icône médiatique divorcée. Comme sa sœur a épousé un sportif plus ou moins escroc… Comme le futur roi d’Angleterre a épousé la fille d’un fabricant de farces et attrapes…
    Si les familles régnantes s’alignent toutes sur les paillettes erratiques de Monaco, elles ne présentent plus aucun intérêt.

    La monarchie est un sacerdoce, une investiture divine ou n’a pas lieu d’être.
    Elle doit être en communion avec le peuple qu’elle régit et la civilisation qu’elle porte.

    Autrement dit : compte tenu du foutoir qu’est devenue la France, l’Eglise dite “de France” et le Peuple d’icelle quand nous cessons de le rêver, il sera difficile d’y installer un monarque sans qu’il vire au Roi Pétaud.
    Il faudrait quelque décennie d’un régime fort à la Pétain pour essayer de remettre les choses en place, virer les mesures toxiques, virer les automatismes intellectuels mensongers, recréer une société digne de ce nom.
    Et alors seulement un Roi pourrait y être installé, qui n’aurait pas les pieds dans la fange.

    En attendant, regardons le doigt de Hollande : il nous désigne la Coupe du Monde de foot, ou l’euthanasie, ou peu importe quoi.
    Cela nous évitera de regarder passer la Lune des accords transatlantiques et de la vente d’avions de chasse au Qatar, grand mécène du terrorisme islamiste.

    Vive le Roi.
    Mais que Dieu protège la France. Chrétienne. Catholique.

  • Catholique & Français , 25 juin 2014 @ 19 h 55 min

    De fait, un roi “constitutionnel, c’est kif-kif Louis-Philippe I, c’est à dire pas grand chose (peut-être un peu, mais si peu, de stabilité en plus); alors ? Espérons follement, contre toute espérance, comme madame Royer (décédée en 1924. Fondatrice de l’Association de Pénitence et de Prière au Sacré-Coeur de Montmartre) nous y a incités :
    – “Un jour, toutes les épreuves auront une bonne fin. Dieu sauvera l’Eglise et la France, l’Une par l’autre.”
    – “Le Sacré-Coeur nous sauvera, mais quand ? Avec qui ? Avec quoi ? … C’est son Secret… La France sera comme désemparée… Les mauvais se détruiront eux-mêmes. Alors arrivera celui qui doit tout restaurer; il faudra bien accepter celui que la Providence enverra !” (lettre de 1915)
    – “La paix qui suivra (la Guerre toute proche de 1914-1918) sera une fausse paix. La lutte continuera sous des formes diplomatiques, sociales, économiques, financières. Le monde croulera dans l’impiété, l’impureté, le complet oubli de Dieu et courra à son châtiment. Les français iront jusqu’aux confins du désespoir; ils ne reprendront courage que contre eux-même; une à une, les solutions proposées pour porter remède à leurs maux échoueront. C’est seulement quand tous les recours aux moyens humains seront épuisés et que tout semblera perdu, que le Sacré-Coeur interviendra. Alors apparaitra l’élu de Dieu et la France ne pourra nier qu’elle devra au Sacré-Coeur son Salut !” (note confiée à l’Abbé Domain le 24 mai 1914).

  • Charles , 25 juin 2014 @ 20 h 24 min

    Bien vu

  • Antoine , 26 juin 2014 @ 12 h 11 min

    En fait c’est plutôt monocratie qui s’oppose à démocratie. (cratos= pouvoir)
    Monarchie, c’est plutôt opposé à démarchie ou à anarchie (archos= commandement).

    Une monarchie peut-être une démocratie, comme la république de 1958.
    Une monarchie peut aussi être une monocratie, mais alors plus une démocratie.

    Une royauté n’est pas une monocratie, mais bien une monarchie: un seul chef d’Etat au commande, mais pas au pouvoir.
    La différence avec un simple monarchie, ce sont les valeurs intangibles (sacrées) : une royauté règne dans le cadre pouvoirs limités verticalement (valeurs évangéliques) et horizontalement (libertés publiques); on n’y change pas les lois tous les 4 matins selon le vent ou les lobbies!

  • Martignan , 26 juin 2014 @ 18 h 21 min

    C’est magnifique!

Comments are closed.