La baudruche Juppé veut encore frapper

Si l’on en croit les bons esprits, M. Juppé aurait changé. Dans un tel registre je crains que ce soit à l’accusé de faire la preuve de son innocence. Il n’en prend pas le chemin.

La véritable échéance politique de notre pays se situe en décembre 2015. Elle portera sur l’élection, à deux tours, sur des listes départementales, des conseils régionaux. Mes lecteurs indulgents pardonneront, je l’espère cette tautologie : l’heure de vérité s’en rapproche chaque jour. Certains chefs de files, de droite comme de gauche, ont déjà mis en place leurs batteries et travaillent le terrain. Bartolone en Ile-de-France, par exemple, fait coup double, apparemment au service du chef de l’État désireux de racler au profit de sa cote misérable de popularité les vieux rogatons et fonds de tiroirs de l’électorat communiste et les deux ou trois points en déshérence de l’audience intégristo-écolo. Xavier Bertrand dans le Nord-Picardie semble même réapprendre à exister. Bref le printemps bourgeonne et fleurit.

Mais Juppé, lui, ne paraît avoir en vue que les primaires promises aux centristes et à la droite pour 2016, dans la perspective des élections, pourtant à deux tours, de 2017. Eu égard à son âge et à son passé judiciaire, il ne devrait même pas y penser lui-même. Et pourtant on le crédite d’une popularité flatteuse. Tout flatteur vivant aux dépens de celui qui l’écoute, on pourrait s’interroger dès lors sur la nature et la provenance de cette rumeur.

Déplaçant à Saint-Dizier, ce 17 mai, le socle de sa propre statue, il s’est prononcé ce jour-là en faveur de la retraite à 65 ans. Maire de Bordeaux depuis 20 ans, âgé désormais de 70 ans, on pourrait applaudir à l’application par lui-même et à lui-même de cette perspective qui rendrait inutile toute spéculation sur sa candidature présidentielle, et pourtant il ne pense qu’à cela. Les candidats à la rénovation du personnel de la droite ne manquent pas. Mais tout le mécanisme médiatique se mobilise autour des gens qui ont fait perdre leur camp, tout bruit encore de leurs rivalités, tout chante les refrains des affrontements du passé.

On l’a ainsi entendu en Haute-Marne définir de façon péremptoire cette alternative stupéfiante, qui sonne comme un chantage : “Soit les Français m’éliront et je le ferai. Soit ils ne m’éliront pas et ils se démerderont avec les retraites !”

Une chose sur le fond devrait par conséquent nous préoccuper de façon plus particulière. Si on voulait vraiment sauver le système monopoliste des retraites par répartition, M. Juppé s’est trompé par le passé et il se trompe encore : ce n’est pas à 65 mais à 67 ans, et pour tout le monde, qu’il faudrait fixer la barre, l’évolution démographique et médicale imposant, puisque l’on prétend “répartir”, de la faire de plus en plus tard.

Mais Juppé, au nom des forces qu’il représente, ne veut pas “sauver”, il veut passer pour “réformateur” sans toucher au fond des dossiers et sans entamer non plus sa popularité au sein d’une opinion beaucoup plus “conservatrice” qu’on ne veut bien le dire. Il ne veut pas toucher aux privilèges énormes des hauts fonctionnaires et de la classe politique, elle-même issue à 90 % de cette catégorie qui s’appuie à son tour sur les beaucoup plus petits avantages des fonctionnaires plus modestes.

Avec de tels libérateurs, il me semble hélas que la société française n’est pas prête de se libérer des monopoles et des cultures subventionnaires, des carcans réglementaires et des charges fiscales et sociales et de tout ce dont elle crève.

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

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23 Comments

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  • 0 / 10
  • eric-p , 24 juin 2015 @ 2 h 50 min

    Pour voir la crédibilité politique de Juppé, voir son paasé politique : UNE HONTE pour le pays.

    Ilfaudrait également faire une enquête sur la “régularité” des sondages qui paraissent trop flatteurs à l’égard de Juppé pour être honnête.

    Son bilan en tant que premier ministre est un des plus mauvais de la Vème république.
    Comme dirait MLP, on placerait Juppé dans un gouvernement socialiste, on ne le remarquerait même pas !

  • Laurent , 24 juin 2015 @ 7 h 32 min

    Faut peut être voir le succès de Juppé par la qualité de ses concurrents. Fillon ? Bertrand ? Sarko ? Devant ça, voter Juppé devient envisageable …

  • rorol , 24 juin 2015 @ 8 h 12 min

    CRANE D’OEUF §§§

  • Boutté , 24 juin 2015 @ 8 h 14 min

    Question retraite, il s’y entend : comme son camarade Jospin il a pris sa retraite d’Inspecteur des Finances sans avoir jamais rien inspecté juste avant que les nouvelles règles soient mises en place .
    Ajoutons les divers émoluments auxquels ils auront droit l’un et l’autre sans avoir travaillé qu’en politique et nous comprenons qu’ils ne soient pas inquiets pour leur avenir !

  • letalentd'Achille , 24 juin 2015 @ 9 h 02 min

    C’est pour cela que Monsieur JUPPE s’est empressé de demander sa retraite d’Inspecteur des Impôts à 55 ans, puisque tous les énarques bénéficient de cet avantage en sortant de l’ENA.

  • christ , 24 juin 2015 @ 9 h 07 min

    chantage aux retraite , mensonges , cupidité , magouilles ….décidément , tout ces politiques sont pourris de vices ; tu m’étonnes que la france va mal , avec ces clowns d’élus qui se croient au dessus des loies ; te foutrait tout ça en prison moi !!!

  • vudehaut , 24 juin 2015 @ 10 h 31 min

    Il ne faut pas oublier que c’est M Juppé qui en 1997 en tant que premier ministre et sur son conseil “éclairé” à J Chirac a permis à la gauche (Jospin, DSK, Aubry etc) d’arriver au pouvoir à la suite d’une dissolution catastrophique de l’Assemblée Nationale. On sait ce qui s’en suivit, notamment les calamiteuses 35 h dont on ne sait toujours pas comment se débarrasser et qui plombent notre économie. Merci M. Juppé… on a déjà donné avec vous !

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