La démocratie piégée

C’est entendu, la démocratie marche sur deux pieds. Elle est d’abord le régime politique dont le peuple est le souverain. Il exprime à la majorité, directement ou par ses représentants, la volonté générale. Mais celle-ci ne peut outrepasser le socle juridique qui garantit l’Etat de droit, protège les libertés fondamentales et empêche la tyrannie de la majorité sur les minorités. En théorie, c’est magnifique. Or, notre réalité politique nous en éloigne un peu plus chaque jour. D’abord, la démocratie la plus authentique, la démocratie directe qui, à la manière suisse, banalise le référendum, en donnant aux électeurs le temps de la réflexion et en leur permettant de ne répondre qu’à la question posée, a été volontairement écartée par l’oligarchie, malgré son apparente introduction lors de la réforme constitutionnelle de 2008. Celle-ci a été un leurre. En second lieu, la professionnalisation croissante de la politique a créé une caste à la fois impuissante et éloignée des préoccupations quotidiennes des vraies gens. Le nombre des élus, et notamment des parlementaires est très élevé. 577 députés, 348 sénateurs, 74 députés européens sont censés représenter les Français. Cette inflation cache mal la réalité d’un pouvoir qui appartient en France à l’exécutif. Le 49/3 récent vient de le démontrer, mais d’une manière générale, le pouvoir d’amendement des députés est faible, leurs moyens d’initiative et de contrôle scandaleusement insuffisants. C’est pourquoi la plupart se contentent de faire de la figuration, de s’occuper davantage de leur circonscription ou de leurs mandats locaux, que de l’usine législative où ils se contentent de pointer toutes les semaines, pour les plus sérieux. Être vu à la séance télévisée des questions au gouvernement et être bien vu de son parti, et du gouvernement quand on siège dans la majorité, est la clef de la survie. Le Sénat est une coûteuse institution jalouse de ses prérogatives. Elle est à la fois une maison de retraite, une voie de rattrapage et une agréable sinécure où le pouvoir est sans risque : quelques « grands »électeurs à entretenir et des débats feutrés à l’abri du « grand » public. Quant aux parlementaires européens, les plus sincères, comme Mme Dati, avouent qu’ils s’ennuient de Bruxelles à Strasbourg. Mais qui connaît « son » député européen, élu sur une liste dans une grande région improbable ? Qui connaît M. Lavrilleux élu ump dans le Nord parce qu’il était le collaborateur de M. Copé ?

La démocratie, parlementaire en trompe l’oeil, se réduirait donc à l’action du pouvoir exécutif issu des élections présidentielle et législative, dans la conduite du gouvernement et dans l’initiative des lois, qu’il détient clairement dans notre pays. C’est une grande illusion dont se satisfont parfaitement les détenteurs du pouvoir qui se contentent de communiquer à défaut de gouverner. Il est plus facile d’être maquilleur que médecin, comme aurait dit Platon, plus payant d’être démagogue plutôt que démocrate. Les instances internationales paralysent, ou parfois excusent, l’inaction gouvernementale. Les amitiés particulières avec certains pays peu démocratiques, étrangement, peuvent la débloquer. On peut, en effet, s’étonner de la rapidité de l’intervention française contre Kadhafi pour faire plaisir au Qatar, et des atermoiements actuels face à la chienlit libyenne et à ses conséquences désastreuses pour l’immigration en Europe. Le spectacle donné par le bras-de-fer entre la troïka CE-BCE-FMI et le gouvernement élu par les Grecs est une illustration de l’impasse présente : ou les peuples ne sont plus souverains et subissent la loi de l’oligarchie ou ils ne sont pas adultes et font des bêtises, comme dirait Mme Lagarde. Les Français enclins à souhaiter la sortie de la Grèce de la zone euro naguère sont maintenant plutôt favorables à son maintien. L’Euro ou le chaos, ce slogan décliné par le pouvoir médiatique, a fait son effet. Le microcosme des médias, des conseillers occultes, des visiteurs du soir, des groupes de pression et autre pouvoirs d’influence joue un rôle déterminant dans la conduite de notre pays. L’usage péjoratif du mot « populiste » pour disqualifier les orientations que « l’établissement » juge mauvaises est un aveu. Quand le peuple se trompe, il faut le dissoudre.

On expliquera bien sûr qu’il s’agit de protéger la démocratie vertueuse des droits de l’homme contre les débordements de la démocratie populaire pour éviter le retour des heures sombres de l’oppression des minorités et des politiques contraires à l’humanisme. On pourrait l’admettre si la conception des droits de l’homme était précise et fixée comme elle l’est dans la Déclaration Universelle ou la Convention Européenne, a fortiori dans la Déclaration de 1789, qui distingue à juste titre les droits de l’homme et ceux du citoyen. Tel n’est pas le cas. L’idéologie sournoisement véhiculée associe les objectifs économiques de la mondialisation, circulation des biens et des personnes, baisse de coûts et augmentation des profits, et les rêveries utopiques des bisounours du « vivre ensemble ». Le résultat, c’est d’abord la délégitimation des peuples européens puis leur remplacement. Mme Filipetti dit avoir honte de la réticence des Européens à recevoir les migrants. Un responsable politique, plutôt que de battre sa coulpe sur la poitrine du peuple qui l’a élu devrait se scandaliser de l’absence d’action militaire contre les passeurs et contre les fauteurs de guerre qui causent ou au moins justifient les migrations. Selon un sondage IFOP publié par Valeurs Actuelles, les Français souhaitent majoritairement et avec raison qu’on limite l’accueil des migrants et qu’on soutienne le développement des pays d’émigration. Les électeurs de gauche, complètement déboussolés, veulent à la fois qu’on accueille les « demandeurs d’asile » africains, et qu’on contrôle à nouveau les frontières nationales. Il n’y a pourtant rien de contraire à la démocratie dans le refus opposé par les citoyens d’un pays à l’arrivée massive d’étrangers sur leur sol national. Encore faudrait-il qu’ils soient autorisés à donner leur avis et que celui-ci soit écouté. Ce serait… la démocratie !

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14 Comments

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  • nauticat , 24 juin 2015 @ 10 h 11 min

    bonjour Trahi , eh oui ! je ne faisais qu’une constatation ! La difficulté principale et de convaincre tous ces braves gens d’aller malgré tout aux urnes .bien sûr la classe politique quasi entière , ne peut nier ses mensonges récurrents ,ses chamailleries internes, ses tractations douteuses , ne mérite pas qu’on lui accorde le moindre crédit ! Seulement voici la réalité : Nous n’avons que celle-ci !

  • JMT , 24 juin 2015 @ 11 h 03 min

    Une démocratie représentative dans laquelle les dirigeants décident de tout souverainement et en dernier ressort n’est pas une démocratie mais un régime totalement dirigiste.

    Pour plus de détails venez faire un petit tour sur

    http://www.revolutiondemocratique.com

  • montecristo , 24 juin 2015 @ 12 h 27 min

    Tout est parti de la Constitution de 58 qui a permis à nos dirigeants de se comporter légalement en dictateurs à la suite de De Gaulle !

  • Martignan , 24 juin 2015 @ 19 h 11 min

    Conclusion: VIVE LE ROI !

  • montecristo , 24 juin 2015 @ 19 h 15 min

    AH NON !
    Ce serait la peste contre le choléra !
    Vive le peuple !

  • bygp , 25 juin 2015 @ 0 h 23 min

    Globalement assez d’accord, et il est amusant que nos deux articles sortent presque en même temps (coïncidence?). On en revient au même point, le constat que la démocratie parfaite est une utopie et que cette utopie n’a pas été intégrée de manière égale par toutes les nations. On constate aussi que nous n’en somme plus aux réformes (ou patchs dans le jargon des informaticiens) d’une constitution et d’un code de lois déjà bien trop complexe, mais à la nécessité de revoir notre copie dans sa totalité et de réécrire tout notre système politique sur une feuille vierge, dépourvue des taches de sang de la révolution française qui selon moi est toujours à l’oeuvre de nos jours.

  • bygp , 25 juin 2015 @ 0 h 29 min

    Vive le peuple quand il est unifié, mais cela fait belle lurette qu’il ne l’est plus, et ça date de bien avant la révolution. Vive la souveraineté et l’autonomie nationale ! Mais pour qu’il y ait souveraineté, il faut un souverain et non un diktat d’inconsistants opportunistes.

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