Charlie Hebdo : soutenir ou censurer ?

Une des grandes différences qui opposera toujours les libéraux et leurs antagonistes socialistes, c’est que les défenseurs de la Société libre n’ont pas la prétention de construire une société parfaite et n’envisagent pas une seconde que nous puissions un jour vivre dans un paradis terrestre.

Dans une Société libre, vous ne pouvez pas exiger pour vous-même le droit de disposer librement du fruit de votre travail tout en réclamant que l’État subvienne à vos besoins.

Dans une Société libre, vous ne pouvez pas exiger pour vous-même le droit d’élever des enfants tout en réclamant que ce droit soit refusé à celles et ceux dont les orientations sexuelles vous déplaisent.

Dans une Société libre, vous ne pouvez pas exiger pour vous-même le droit de vous vêtir comme bon vous semble tout en réclamant que l’on interdise à d’autres de porter une burqa ou une kippa.

Dans une Société libre, enfin et puisque c’est le sujet qui nous occupe, vous ne pouvez pas exiger pour vous-même le droit d’exprimer librement votre opinion tout en réclamant que l’on interdise à d’autres de faire de même.

Dans une société libre, vous devrez souffrir que d’autres soient plus riches que vous, vous devrez admettre que des couples homosexuels forment des familles, vous devrez supporter que votre voisine soit voilée de la tête aux pieds et vous devrez accepter que Charlie Hebdo se complaise dans la provocation. La liberté, ça a des inconvénients.

N’est responsable que celui qui est libre

Il n’a échappé à personne que la publication des caricatures incriminées ne relève de rien d’autre que du coup marketing à peu de frais. Ce faisant, Charlie Hebdo à fait usage de sa liberté mais cette liberté a aussi ses inconvénients ; au premier titre desquels : la responsabilité. En provocant sciemment une partie du monde musulman – la partie moyenâgeuse, violente et revendicatrice – l’hebdomadaire expose nos concitoyens et plus particulièrement ceux qui vivent en terre d’islam à des représailles. Dans une Société libre, Charlie Hebdo, en faisant usage de sa liberté, engage aussi sa responsabilité : si cette caricature met effectivement en péril la sécurité ou, pire encore, la vie d’un certain nombre de français, l’hebdomadaire devra répondre de ses actes et en assumer pleinement les conséquences. La liberté, contrairement à ce que certains se plaisent à faire croire, ne signifie pas l’absence de règles.

Mais dans une société socialiste, il en irait tout autrement. Dans une telle société, la liberté d’expression et donc la liberté de la presse seraient contraintes par les lois. Parce que l’égoïsme des hommes, s’il n’est pas réfréné, pousse à « la guerre de tous contre tous », parce que les intérêts individuels doivent céder devant l’intérêt général, la société socialiste ne peut souffrir qu’un hebdomadaire, fût-il satirique, mette la sécurité de la nation en péril pour s’offrir un coup de pub. Dans une société socialiste, les restrictions imposées à la liberté de la presse ne sont pas seulement légitimes, elles sont une responsabilité de l’État ; dans une telle société, Charlie Hebdo aurait donc agit dans le cadre des règles fixées par la puissance publique : la publication de telles caricatures, si elle est autorisée, c’est l’État lui-même qui en porte la responsabilité. Et l’État, comme vous le savez, c’est nous.

La liberté et son alternative

Ainsi donc, nous sommes placés face à deux choix de société parfaitement antagonistes. La société libre pose le principe de la liberté absolue de la presse et affirme la responsabilité pleine et entière de cette dernière quant aux conséquences de ses actes. La société socialiste, au contraire, encadre cette liberté par la loi et fait porter la responsabilité de ce qui est publié sur l’État, c’est-à-dire, en régime démocratique, sur la nation toute entière. Dans le premier cas, le gouvernement peut regretter officiellement la provocation de Charlie Hebdo tout en rappelant à ceux qui s’en offusquent que les lois de la Républiques lui interdisent d’intervenir. Dans le second, il doit choisir entre soutenir explicitement ou implicitement l’hebdomadaire – et donc nous en faire subir les éventuelles conséquences – et le censurer purement et simplement.

La liberté d’expression, quand elle est absolue, quand, au-delà du marbre de nos édifices publics, elle est gravée dans le cœur de chaque citoyen comme un principe qui ne souffre aucune exception, n’engage que celles et ceux qui en font l’usage. Je ne suis pas responsable de ce qu’écrit ou dessine Charlie Hebdo. Bien sûr, un monde de liberté d’expression sans limites n’a rien d’un paradis terrestre : on ne peut pas exclure que quelques islamistes décident néanmoins de se venger sur certains de nos concitoyens et c’est aussi un monde dans lequel les idées les plus abjectes auront droit de cité. Les inconvénients, pour vous comme pour moi, sont nombreux mais considérez bien l’alternative et souvenez-vous, comme l’écrivait Karl Popper, que « ceux qui nous promettent le paradis n’ont jamais rien créé d’autre que des enfers ».

> le blog de Georges Kaplan

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11 Comments

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  • Eric Philippe , 24 septembre 2012 @ 17 h 50 min

    Il faut soutenir, la question ne devrait même être posée…qu’elle le soit, c’est déjà un pas vers la fin de la liberté d’expression…je répondrais aussi à une question en disant NON, l’islam n’est pas soluble dans la démocratie…en tout cas pas maintenant , encore quelque 100 ans et nous pourrons en reparler…

  • Frédérique , 24 septembre 2012 @ 18 h 33 min

    Dans une socièté libre Charlie Hebdo a le droit de publier ses caricatures.
    Dans une sociètè libre, ceux qui pensent que ces caricatures leur nuisent, ont le droit de porter plainte.
    Dans une sociètè libre, ceux qui tuent à cause d’un dessin, doivent être jugés et condamnés, c’est ce qu’il se serait passé si cela avait été chez nous.

    C’est du grand n’importe quoi que de vouloir mettre les exactions de quelques milliers de fanatiques sur la responsabilité de Charlie Hebdo, on sait très bien qu’ils sont prêt à tuer pour n’importe quel motif.
    A votre avis, doit-on renoncer à nos libertés ou bien les renvoyer paître les fous de dieu?

  • C.B. , 24 septembre 2012 @ 20 h 02 min

    La liberté de chacun s’arrête où commence celle d’autrui.
    Beaucoup semblent n’avoir jamais entendu ceci.

  • Frannot , 25 septembre 2012 @ 10 h 16 min

    La liberté exige effectivement la responsabilité ; le 1er ministre en a fait appel à leur responsabilité – en vain ; ils ont été irresponsables, et c’est nous qui en payons les conséquences les risques d’attentats ; et je ne vois pas pourquoi l’Etat assure la protection du directeur avec deux policiers – à nos frais… ils n’ont qu’à assumer leurs imbécillités ; la protection de nos édifices publics en particulier dans les pays musulmans nous coûtent cher, je ne vois pas pourquoi ce sont nos impôts qui sont sollicités ; l’Etat devrait présenter la facture à ce “journaliste” – si l’on peut appeler ainsi le responsable d’un tel torchon.

  • Quéribus , 25 septembre 2012 @ 11 h 17 min

    Imaginez un instant qu’ à la place de Charlie-Hebdo nous ayons Minute… A votre avis, quel organe tomberait le premier sur le paletot de Minute ? Cette histoire pue la manipulation à plein nez (manipulation de l’ opinion publique bien entendu) et, question à se poser, qui est derrière ?

  • JACKY4546 , 25 septembre 2012 @ 11 h 19 min

    Entièrement d’accord, Eric Philippe.
    Ce n’est même pas envisageable dans cent ans. Des Tunisiens l’ont bien précisé devant les caméras françaises : “nous ne pourrons jamais vivre en démocratie; notre “constitution” c’est la charia. L’islam modéré n’existe pas. Alors, qu’ils aillent au diable !

  • Gérard , 25 septembre 2012 @ 13 h 05 min

    Puisque les musulmans refusent de s’intégrer en refusant d’obéir à nos lois, je leur refuse le droit de s’exprimer, de récupérer nos règles et même de vivre libres … ! Il ne s’agit plus de démocratie ! Il s’agit de faire la différence entre eux et nous. Pour eux la seule Loi à connaître est la suivante “Ferme ta gueule ! Nous sommes chez nous !”

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