A armes inégales…

David contre Goliath, Alexandre contre l’Empire Perse… les Musulmans sortis de leurs déserts et battant coup sur coup l’Empire Byzantin et l’Empire perse des Sassanides. Il y a dans l’histoire des exemples de guerres asymétriques qui ont été gagnées par celui des belligérants qui était apparemment le plus faible. La situation présente offre un cas de confrontation asymétrique. En Syrie et en Irak s’est installé un prétendu « état islamique » appuyé sur quelques dizaines de milliers de fanatiques. Face à lui, théoriquement, la première puissance mondiale, soutenue par ses alliés occidentaux dotés d’armées modernes bien équipées, et de nombreux autres pays, européens, arabes sunnites, ou encore l’Iran chiite. En première ligne, il y a deux Etats, la Syrie et l’Irak dont les troupes semblent incapables de contenir la poussée islamiste, et la résistance la plus solide paraît se réduire aux Kurdes, ce peuple sans Etat, réparti sur quatre ou cinq pays, et qu’on arme en catastrophe. Lorsqu’on compare la rapidité de l’effondrement de la dictature de Saddam Hussein et de son armée à la faiblesse et à la lenteur de la riposte face à la montée de l’ »état islamique », on est saisi d’un doute. Pourquoi ?

Certes l’islamisme radical a allumé de nombreux foyers d’incendie dans le monde, en Afrique, au Nigéria, en Somalie, en Libye et dans le Sahel, par exemple. Le prosélytisme djihadiste recrute dans le monde entier des combattants, les aides financières sont considérables, mais le danger vient moins de la puissance de ce mouvement que de la faiblesse du camp opposé, essentiellement les démocraties occidentales. On peut cerner cinq causes principales.

La première est le rapport à la mort. Les fanatiques n’ont pas peur de la mort, ni de la leur qui est la porte du paradis, ni de celle de leurs ennemis qui est un acte de justice qui peut revêtir les formes les plus barbares pour satisfaire le commandement divin et terroriser les adversaires qui perdront ainsi tout courage, parce qu’ils craignent la mort et la souffrance. Des centaines de soldats loyalistes abattus, des otages décapités avec le sentiment du devoir accompli, d’un côté, et de l’autre, un pays entier suspendu à la vie d’un otage, enlevé en Algérie. Les armes sont inégales, mais en faveur du plus féroce et non du plus fort.

C’est bien sûr la médiatisation intense des événements qui accroît la fragilité psychologique de nos sociétés. La population va être bombardée d’informations qui vont augmenter la tension et qui seront avant tout porteuses d’émotion. On ne peut rester froid et insensible à l’idée de l’égorgement spectaculaire d’un innocent ou de l’attente cruelle pour lui-même comme pour ses proches d’un otage condamné. Certes la colère peut faire naître une volonté de réaction implacable, mais résistera-t-elle au temps ? Ne sera-t-elle pas minée par la compassion ou noyée dans le flot d’informations confuses voire contradictoires jusqu’au point de laisser place à une forme d’hébétude ?

L’information à jets continus ne laisse pas suffisamment place à la réflexion. Elle peut être ainsi superficielle et orientée. Par exemple, une « spécialiste » culturelle d’I-Télévision s’est aventurée hier sur le terrain du traitement des djihadistes de retour au « pays ». Manifestement, elle n’aimait pas la solution classique des Britanniques, avec interrogatoire approfondi et prison et préférait la pédagogie danoise, avec accueil spécialisé, accompagnement psychologique et réinsertion sociale. Elle apportait comme argument en faveur de sa préférence la réussite de cette méthode en… Arabie Saoudite. Il lui a manifestement échappé que réintégrer un Musulman fanatique dans un Etat wahabite où ses idées sont appliquées avec plus de formes, où l’on décapite au sabre et non pas au couteau de boucher, n’a pas grand chose à voir avec sa réadaptation à une société libérale avancée dont la plupart des idées sont pour lui méprisables au plus haut point. On en arrive donc à opposer une pensée unique, totalitaire à des opinions confuses et variables. Le choc risque évidemment de donner l’avantage aux premières.

En quatrième lieu, la « vérité » religieuse a l’éternité pour elle. Le temps joue doublement en défaveur des démocraties. Celles-ci sont dirigées par des élus suspendus à l’attente des sondages du jour, du journal télévisé du soir et des élections du lendemain. On a donc d’un côté une stratégie d’une totale clarté : prendre le maximum de terrain, tuer le plus possible de mécréants, utiliser sans vergogne tous les moyens, même les plus ignobles parce qu’ils seront sanctifiés par la fin, et de l’autre une stratégie soucieuse d’obtenir à court terme des résultats positifs auprès d’une opinion versatile. Il ne faut pas perdre les élections de mi-mandat en risquant de se contredire pour avoir engagé un soldat américain au sol. En revanche, revêtir l’armure du chef de guerre peut renverser la spirale infernale d’un rejet populaire fondé avant tout sur la politique économique et sociale.

Enfin, la solitude garantit l’unité. Les coalitions dispersent les efforts et les objectifs. Il est de plus en plus clair que l’ennemi principal des Etats-Unis est la Russie, et non l’ »état islamique ». Celui-ci est né grâce à l’action criminelle des Américains contre le régime syrien, le dernier allié de Moscou au Moyen-Orient. Il était difficile de s’opposer au prétendu califat de Mossoul sans s’allier de fait à Bachar Al-Assad. Obama a mis le temps, mais il a trouvé la parade. Les Américains vont intervenir en Syrie avec leurs alliés sunnites, les émirats pétroliers du Golfe, les commanditaires de la chute du régime de Damas. Quelques bavures du-dit régime plus ou moins vraies après, des bombardements vont viser non seulement les djihadistes mais aussi les alliés des Russes, pendant que des armes seront livrées aux « bons » rebelles.

De ce combat inégal entre le fanatisme et les démocraties, il faut souhaiter que le géant sorte vainqueur, mais cette victoire anormalement difficile aura montré non seulement les faiblesses mais aussi les vices du système qui est le nôtre.

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31 Comments

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  • kanjo , 25 septembre 2014 @ 11 h 19 min

    la Syrie et l’Irak dont les troupes semblent incapables de contenir la poussée islamiste : et pourquoi en sont elles incapables ? n’est-ce pas la faute de l’occident d’avoir affaibli ces deux armées régulières ?

  • Catholique & Français , 25 septembre 2014 @ 12 h 31 min

    Parce que messieurs Bernard-Henry Levy et Fabius, l'”Occident” comme vous dites, doivent considérer que le Dictateur et son “armée régulière”, qu’il s’appelle Sadam Hussein ou Bachar El-Assad, est le MAL ABSOLU et le barbu islamiste et fanatique le MAL RELATIF.

  • hermeneias , 25 septembre 2014 @ 12 h 39 min

    “Post haineux” ?

    Mais bien sur Reza des rezou !

    Une bonne haine assumée vaut mieux qu’une honteuse et recuite .

    Je vais t’expliquer un truc pour bien vous , ou tu , mettre à l’aise et bien vous décontracter de partout et surtout couper court à votre petit argumentaire usé et fielleux venant d’une haine honteuse et inavouée cachée derrière des propos de bonimenteurs et vendeurs de soupe qui te roule comme un loukhoum dans le sucre glace ou la farine .

    En christianisme existe une sainte haine du mal et du pêché . Et cette “haine” ou aversion est implacable. C’est celle de la “Femme” qui de son talon écrase la tête du serpent ( ce rampant et tortueux ) dans le livre l’Apocalypse…. A lire absolument

  • Droal , 25 septembre 2014 @ 13 h 54 min

    Excellente analyse, au niveau ou vous vous placez, monsieur Vanneste.

    Pour voir les choses de plus haut – dans l’Ordre de l’Esprit de l’Histoire – les djihadistes sont des « fils » et des « filles », des « fils & des filles de la République française » qui est la Mère. « La liberté, l’égalité & la fraternité » n’ont pu être durablement installé jusqu’à maintenant qu’après cinq ans de TERREUR, de juillet 1789 à la chute de Robespierre, en juillet 1794.

    Terreur qui resta circonscrite au niveau du territoire français. Il faut noter que c’était des hommes et des femmes de l’Ancien Régime qui ont fait la Révolution française et qui ont pu faire durer cette terreur totale pendant cinq années. C’étaient des hommes & des femmes d’une certaine « trempe ».
    Puis l’existence repris son cours.
    La rupture avec l’Ancien Régime eu réellement lieu en 1830, date de la fin du règne du 69éme et dernier roi de France oint à Reims : Charles X (c’est l’Onction qui fait le Roi, d’où la nécessité de la décapitation de Capet, jusqu’à Marie-Antoinette).

    Le 21 janvier 1793, lorsque Louis XVI est décapité, c’est 1297 ans de Royauté française qui est décapitée, Royauté que l’on considérait comme quasi éternelle.

    La Terreur était à son sommet. C’était la fin.

    Survient l’impossible absolu porté par « le jusant de la Terreur » : le petit caporal.
    Cela a donc empiré jusqu’à l’Empire français. Napoléon-Bonaparte ne fut qu’un bref éclair dans le ciel français.

    Ce que le monde entier va vivre…

    …LE PEUPLE FRANÇAIS L’A DÉJÀ VÉCU.

  • Catholique & Français , 25 septembre 2014 @ 14 h 44 min

    “…Ce que le monde entier va vivre…LE PEUPLE FRANÇAIS L’A DÉJÀ VÉCU…” : Si vous saviez A QUEL POINT VOUS AVEZ RAISON !!!!!! (Lettre de soeur Lucie à son Evêque, datée du 29/08/1931: Paroles de Notre-Seigneur : “…Fais savoir à mes ministres (les Papes), étant donné qu’ils suivent l’exemple du Roi de France en retardant l’exécution de ma demande, qu’ils le suivront dans le malheur. Jamais, il ne sera trop tard pour recourir à Jésus et Marie.” PAROLES STUPEFIANTES CONFIRMEES PAR LUCIE A PLUSIEURS REPRISES). Mais cela, une infime minorité de français modernes, une infime minorité même de Catholiques, est capable de le comprendre. Ils ne le comprendront que lorsque les “évènements” seront passés.

  • Pascal , 25 septembre 2014 @ 15 h 09 min

    Bravo ! Nos ennemis vont vous bénir. Consacrer ce que l’Histoire a produit de plus obscurantiste, de plus droitier et de plus gauchicide, l’islam, en lui apposant l’onction de la Révolution française est un acte de trahison en cette période de guerre.

  • Samuel REZA , 25 septembre 2014 @ 15 h 34 min

    Sans commentaire… Aucune réponse sur le fond.

    Quant à l’Apocalypse, je l’ai lu plusieurs fois et je crois que le sort qui attend ta Sainte Eglise ne sera pas très enviable…

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