La France et le principe de réalité économique

La pétition lancée contre la loi « El Khomri » de réforme du travail galope : 320 000 signatures au 3e jour et un rythme de 5000 à l’heure. Un signataire résume la situation : » Un gouvernement de gauche mène une politique de droite qu’un gouvernement de droite n’aurait pas osé tenter ». Cette formule clairvoyante a le mérite de pointer la double irresponsabilité qui entraîne depuis longtemps notre pays dans la spirale du déclin : l’aveuglement idéologique de la gauche et la lâcheté politicienne de la « droite ». La gauche française est insulaire. Elle ignore le principe de réalité et se comporte comme si ses incantations pouvaient changer le monde. Elles ne sont parvenues qu’à faire tomber la France à coups de retraite à 60 ans, de 35 heures, de dépenses publiques déraisonnables, de fonctionnaires en surnombre, et d’impôts stupides et excessifs. Aujourd’hui encore, l’argument qui prévaut est que la gauche ne peut écrire une pareille loi. Comme si la réalité économique en-deçà et au-delà de nos frontières se souciait du verbiage idéologique d’élus qui ignorent manifestement tout de l’entreprise et de l’économie. Après quatre ans de pouvoir, rattrapé par le réel, acculé par l’approche des échéances électorales, le pouvoir dissipe les illusions qu’il avait fait naître chez les gogos lors de la campagne de 2012. Après avoir amusé la galerie avec les questions sociétales, et mené quelques opérations de contournement moins explicites, face à l’inexorable montée d’un chômage qui baisse chez tous nos voisins, le pouvoir est bien obligé de dire la vérité et d’agir dans le monde réel.

La vérité est que la calcification du code du travail paralyse les entreprises. Celles-ci n’ont pas pour but de créer des emplois, mais de réaliser des profits. Elles embauchent quand elles en ont besoin et souhaitent évidemment pouvoir mettre la marche arrière si le marché se referme. Que le coût d’un licenciement ne soit plus soumis à l’arbitraire de juges, qui n’y connaissent rien et nourrissent parfois des préjugés idéologiques, mais puisse être anticipé par le responsable de l’entreprise, est une mesure qui en désinhibant l’embauche ne peut qu’augmenter celle-ci. Le drame, c’est qu’une réforme de bon sens qui arrive trop tard dans un monde où l’on a appris à rêver trop longtemps prend les rêveurs par surprise et les réveille du pied gauche, si j’ose dire. La France continue à faire de l’emploi public le modèle, on n’ose pas dire du « travail ». Un emploi à vie, hypersécurisé, peu productif, jalonné par des plages de temps libre dont la retraite précoce, et finalement pas si mal payé que cela : l’espoir de beaucoup de Français. L’idée que la précarité puisse s’accroître dans le monde social réel des activités soumises à la concurrence suscite une indignation chez ceux qui ont baigné dans l’utopie socialiste qui a persévéré dans notre pays alors qu’elle disparaissait ailleurs. C’est le Chancelier social-démocrate Schröder qui a introduit les réformes Hartz en Allemagne, le Danemark a tracé la voie de la flexisécurité, la Suède a mis fin au statut de la fonction publique. Ces réformes structurelles, comme la TVA sociale qui aurait pu éviter l’usine à gaz du CICE, doivent être instaurées dès le début d’un mandat électif afin de bénéficier du maximum de légitimité démocratique. Ce que la gauche fait tardivement, sans concertation avec ces partenaires institutionnels que sont les syndicats, lesquels pourront croire être dépossédés de leurs prérogatives (par le référendum d’entreprise, par exemple), c’était à la droite de le faire au lendemain d’une victoire. Elle n’en a jamais eu le courage sauf en 1986, en cohabitation, et pour reculer pitoyablement après un malheureux accident. Thatcher n’aurait pas reculé. Elle n’a pas reculé et son pays a avancé au point de nous doubler aussi bien pour le chômage que pour la croissance.

La réforme du Code du travail est en-soi une bonne chose qui arrive à un mauvais moment et dans un texte trop compliqué, parsemé de fioritures inutiles comme la « déconnexion ». Elle ne sera pas comprise par beaucoup. Elle risque d’être imposée à une gauche qui se sentira trahie. Loin d’être proposée aux Français pour leur redonner le goût de la réussite, elle sera perçue comme le prix à payer pour l’échec socialiste, voire comme un expédient destiné à faire baisser les chiffres du chômage au milieu d’autres comme le développement artificiel de la formation en vue de faire passer des chômeurs d’une colonne à une autre. Notre pays est-il condamné à la médiocrité ?

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12 Comments

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  • delaye , 26 février 2016 @ 14 h 30 min

    Ce serait bien la première loi intelligente sous ce c. de Hollande! Mais il y a les syndicats stupides et ignares, auxquels on devrait supprimer toute subvention. Par contre, que la gauche se déchire ne peut que me réjouir.

  • Boutté , 26 février 2016 @ 15 h 34 min

    C’est chaque fois la même évolution avec la gauche au pouvoir . Souvenez vous de 81 :
    Déjà l’ennemi unique était la finance et le chef d’ Entreprise . A l’époque on a nationalisé à prix d’or un tas d’entreprises prospères et de canards boiteux appartenant à des copains .
    Il n’a fallu que 18 mois pour voir que plus rien ne marchait et que le chômage grimpait en flèche . Mittérand plaça à la tête du GVT un jeune ministre rompu au commerce qui fît le travail exactement opposé pour tenter de revenir dans les clous de l’économie . Il en tira si peu d’argent que l’effet ne fût pas au rendez-vous . Les faillites de multipliaient ainsi que les chômeurs tandis que se vidaient les caisses de l’Etat au profit de centaines de milliers d’emplois aidés et de fonctionnaires sans fonction . On recommence à ce jour puisque ça avait permis au Président de doubler sa mise ( en oubliant soigneusement le Quinquennat promis ). La phase stupidement idéologique précède toujours la prise de conscience des réalités , laquelle conduit à vider les caisses en se fidélisant une clientèle . Sachant que ce sont les successeurs qui auront la dette à rembourser, pourquoi donc se gêner ?

  • mordela , 26 février 2016 @ 18 h 48 min

    que du bon sens,enfin

  • Tonio , 27 février 2016 @ 17 h 52 min

    Après la gauche incompétente, nous avons droit à la gauche sinistre, puis à la gauche sinistrée.

  • Tolosan , 28 février 2016 @ 10 h 45 min

    Que la réforme du code du travail soit ou ne soit pas nécessaire est une question ouverte et chacun peut avoir un avis respectable sur la question. Je ne prendrai pas parti. Par contre, là où apparait un grave problème par rapport à l’expression et l’usage de la démocratie dans notre pays, c’est que cette réforme ne correspond en AUCUN cas aux engagements du candidat Hollande lors de l’élection présidentielle de 2012. On peut même dire qu’il s’agit d’un virage à 180 degrés par rapport au projet (sociétal en particulier) sur lequel il fut élu. Dès lors, si Hollande avait eu quelque conviction, la moindre sincérité, le moindre sens de l’honneur, s’il n’était pas qu’un arriviste et opportuniste avide seulement de pouvoir, il aurait dissous l’assemblée nationale pour s’assurer de la légitimité de la politique qu’il veut mener en annonçant clairement son changement de cap. N’a-t-il pas écrit en 2007 dans son livre intitulé “Devoir de vérité” chez Stock: «Le devoir de vérité, c’est d’être capable de dire : “Nous revenons devant la majorité, peut-être même devant le corps électoral, afin de retrouver un rapport de confiance. (…) Si d’aventure, à l’occasion de la vérification démocratique que j’évoquais, une crise profonde se produisait ou des élections législatives intervenaient, contredisant l’élection présidentielle, nous en tirerions toutes les conséquences en quittant la présidence.” » Comment peut-il écrire ces lignes en 2007 et se comporter comme nous pouvons l’observer 9 ans plus tard ? Il faut un minimum d’honnêteté. Pourquoi les gens continueraient-ils à aller voter après de telles trahisons, de tels reniements qui succèdent d’ailleurs à ceux du président précédent. Pire encore: Que reste-t-il à sauver ? Qui se lèvera pour défendre la nation un jour menacée si tous les politiciens sont traites et menteurs à ce point ?

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