Le « mariage » homosexuel n’est pas notre affaire

Tribune libre de Roman Bernard*

Roman Bernard

La nouvelle majorité a promis l’ouverture du mariage aux couples de même sexe pour 2013, et, contrairement à la précédente, il est raisonnable de penser qu’elle tiendra ses engagements électoraux. Durant l’année qui vient, il faut donc s’attendre à une agitation frénétique du mouvement conservateur parisien pour empêcher l’inévitable — inévitable parce que le pouvoir n’est pas entre ses mains, ne l’a jamais été, même lorsque des majorités élues grâce aux suffrages de l’électorat qu’il prétend incarner détenaient les apparences du pouvoir.

Pourtant, ce n’est pas parce que ce combat est perdu d’avance que j’invite mes amis conservateurs, notamment catholiques, à passer à autre chose. Comme Rhett Butler, « j’ai une passion pour les causes perdues ». Même une bataille d’arrière-garde est bonne à mener, car elle permet d’aguerrir ses troupes pour d’autres batailles, décisives. Le seul problème avec l’activisme contre le « mariage » homosexuel, c’est qu’il feint de s’attaquer — en vain — aux symptômes du mal, et non au mal lui-même. On voit ainsi des catholiques s’arc-bouter sur la défense du mariage civil pour les couples hétérosexuels, comme si cette forme d’union, introduite lors de la Révolution pour supplanter le mariage traditionnel, concernait en une quelconque manière un catholique sûr de sa foi. J’évoque les catholiques ici, mais l’institution du mariage étant antérieure à l’évangélisation de l’Europe, ma remarque vise toute personne pour laquelle le mariage signifie l’union d’un homme et d’une femme en vue de la fondation d’une famille. Le conservateur agnostique ou païen ferait bien de réfléchir à cela lui aussi.

Dans sa récente tribune pour Nouvelles de France, Jacques de Guillebon appelle à une forme de « Sainte Alliance » des religions contre le « mariage » homosexuel. Notons d’abord qu’il est cocasse que le fidèle d’une religion conçue comme la seule vraie reconnaisse la légitimité du judaïsme qui a réprouvé le Christ, de l’islam qui s’est posé comme l’aboutissement du judaïsme et du christianisme, et plus encore du protestantisme fondé sur le rejet de Rome.

Lorsque des manifestations auront lieu, dans les douze mois à venir, contre le « mariage » homosexuel, il est probable que M. de Guillebon ne trouvera quasiment que des catholiques autour de lui (et, remarque personnelle, une immense majorité de personnes de race blanche).

Pourquoi cela ? Parce que les juifs et les musulmans, dont les doctrines respectives sont pourtant beaucoup plus « homophobes » que la doctrine de l’Église catholique, très tolérante, n’attachent aucune importance au mariage « civil », non plus qu’aux institutions de la « République ». Et c’est pour cette raison, qui paraît paradoxale aux simples d’esprit, que la République leur octroie des dérogations, en fermant les yeux, comme le notait le blogueur Fromageplus, sur le fait que les mariages religieux musulmans sont de plus en plus célébrés avant le mariage civil, ce qui, pour les catholiques, équivaudrait à une condamnation pénale.

L’erreur stratégique du mouvement conservateur, et notamment de sa frange catholique, est de croire que l’on influence le cours des choses en jouant le jeu des institutions. Alors même que celles-ci, depuis plus de deux siècles et cela dans tous les pays occidentaux, États-Unis compris, ont été fondées sur le rejet de la tradition européenne, et ont résulté en une guerre contre la majorité chrétienne et blanche de nos pays, ouverte ou larvée selon les périodes.

Tant que les catholiques conservateurs légitimeront l’État jacobin, comme ils le font en lui concédant le mariage à condition qu’il unisse un homme et une femme, ils seront vaincus. Le « mariage » homosexuel est l’aboutissement logique du mariage civil, puisque celui-ci, au contraire du mariage traditionnel, est un simple contrat entre deux individus abstraits, une vulgaire démarche administrative entre deux atomes d’un corps social éclaté. Les notions de tradition, de communauté, de famille, sont complètement étrangères au mariage civil : la République ne les a reconnues que tant qu’il était nécessaire pour elle de concurrencer le mariage traditionnel. Maintenant que celui-ci est affaibli, elle peut dévoiler son réel agenda.

Plutôt que de s’inquiéter de cette « avancée » du « mariage » homosexuel, les catholiques conservateurs devraient plutôt se réjouir de ce que la République jacobine se rapproche un peu plus du précipice. Alors que le « mariage » homosexuel n’est même pas encore adopté, certains trouvent déjà qu’il est discriminatoire de réserver le mariage à des couples, et qu’il faut d’urgence institutionnaliser la polygamie, pour satisfaire les bisexuels notamment.

Le théoricien et terroriste Theodore Kaczynski, alias « Unabomber », avait résumé cette fuite en avant perpétuelle du progressiste dans son ouvrage majeur, La Société industrielle et son avenir. Il ressort de son analyse que le progressiste est toujours en mouvement, tandis que le conservateur, par nature, est immobile. Il tente, la plupart du temps en vain, de préserver la révolution précédente, avec l’inefficacité, bien connue des stratèges militaires, du bouclier contre la lance : sur le long terme, c’est toujours le camp le plus offensif qui l’emporte.

Plutôt que de continuer à mener — et perdre — des batailles défensives, les catholiques conservateurs feraient mieux de passer à l’offensive. Il ne s’agirait même pas, comme le suggère M. de Guillebon, de désobéir plus ou moins ouvertement à la législation, puisque cela serait continuer à lui accorder une importance qu’elle ne doit pas avoir. Il s’agit de laisser le train du progressisme continuer sa course vers l’abîme, et de mener la seule bataille digne d’être conduite : celle de la communauté. Ne se soucier que du mariage traditionnel, et commencer à propager l’idée que le mariage étant une affaire communautaire, et non administrative, le mariage civil doit disparaître au profit du mariage religieux traditionnel.

Il n’est pas encore obligatoire de prendre au sérieux la République, et il n’est donc pas interdit de se marier civilement sans y accorder d’autre importance que celle d’éviter une condamnation en justice. L’URSS s’est effondrée non pas parce qu’elle ne fonctionnait pas — elle n’a jamais fonctionné — mais parce que plus personne ne la prenait au sérieux, de l’apparatchik au simple ouvrier. La République jacobine, de même, s’effondrera lorsque plus personne ne se souciera de ses prétendues « valeurs », qui changent en fonction du zeitgeist.

Plus la crise financière, monétaire, économique, politique s’accentuera, plus les populations chrétiennes blanches verront dans le mariage traditionnel un refuge, un rempart, tandis que le mariage civil jurera par son absurdité, avec des « unions » de trois ou de quatre personnes.

La seule chose qu’obtiendront ceux qui s’attacheront à des institutions en perdition sera de faire naufrage avec elles. N’est-il pas temps, amis catholiques, de lancer les canots à la mer ?

*Roman Bernard est l’ancien rédacteur en chef du Cri du contribuable.

Related Articles

24 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • do , 10 septembre 2012 @ 0 h 16 min

    c’est ce que les évêques ont annoncé: si le mariage homosexuel est légalisé, ils cesseront de demander le mariage civil pour marier religieusement les catholiques. (de mémoire)

  • mateo , 10 septembre 2012 @ 13 h 07 min

    Je ne vois pas trop à quoi ça avancerait les mariés, un mariage religieux seul n’a strictement aucune portée, n’ouvre strictement aucun droit ni prérogative, il n’est reconnu par aucune autorité en dehors des autorités catholiques. Ce serait un coup d’épée dans l’eau. Cette “menace” lancée par les évêques sonne plutôt comme l’aveu de leur défaite : l’Eglise ne contrôle plus la société.

Comments are closed.