Notre «ersatz» de droite content de la victoire de Merkel…

Il y a des fidélités qui méritent d’être saluées bien bas. Ainsi en est-il de la « droite » française attachée à son titre de la plus bête du monde qu’elle n’usurpe pas. Elle est contente de la victoire d’Angela Merkel et se reconnaît dans sa grande sœur CDU-CSU qui vient de remporter haut la main les législatives allemandes. Si elle était plus lucide, elle devrait être envahie par la honte. En face de la médiocre satisfaction de voir douchées les espérances hollandaises d’une victoire du SPD, notre « droite » devrait plutôt prendre conscience de la triple leçon qui lui est infligée.

D’abord, le score amplifié du parti de la Chancelière après son second mandat est une exception. Il était entendu que la crise condamnait les majorités sortantes à laisser la place aux oppositions. Les conservateurs d’outre-Rhin ont déjoué le pronostic fataliste. Les ingrédients du succès doivent être rappelés puisqu’ils soulignent par comparaison les faiblesses de la prétendue droite française. En premier lieu, il y a eu les courageuses réformes du socialiste Schröder qui ont assaini l’économie allemande affaiblie par le boulet de la réunification à mark égal et à marche forcée. Ces réformes structurelles ont permis à l’Allemagne comme à d’autres pays du nord de l’Europe d’affronter la crise avec plus de résistance saine que le sud du continent. La France, sous la « droite » n’a remis en cause les mesures suicidaires de la gauche que de manière marginale et comptable. L’ersatz de droite que nous subissons a protégé ces amortisseurs sociaux qui nous empêchent d’abord de ressentir vraiment les chocs et ensuite de redécoller. Une partie importante de la population se moque de la compétitivité à laquelle elle n’est pas confrontée. Les gloussements à l’encontre des bas salaires des services allemands méconnaissent la réalité du chômage et des revenus d’assistance français. Une « droite » nationale moins courageuse et moins intelligente que les socialistes allemands se félicite donc du succès d’une droite allemande qui a prolongé la cure d’assainissement et géré le pays avec la rigueur que lui imposait la crise. En second lieu, Angela Merkel a démontré une habileté politique dont les « chefs » de l’opposition actuelle sont bien incapables. Elle a d’abord gagné la bataille des chiffres avec un chômage à 5,3%, un excédent public de 0,2% et un excédent commercial de 118 milliards. Elle a ensuite redonné à l’Allemagne sa fierté dénuée d’arrogance, fondée sur le sérieux, la qualité des produits, la prudence internationale, sur une image positive et aux antipodes d’un nationalisme que l’Histoire a frappé d’interdit. Et ce pays, ce nain politique est redevenu calmement la première puissance européenne, celle qui donne le « la » à tout l’orchestre. Même si le piccolo grec est furieux, la trompette espagnole recommence à jouer plus juste. Et le premier violon français qui prolonge son solo discordant fait rire dans les coulisses. À la tête d’un État fédéral où son parti est minoritaire, au sein d’une société habituée au dialogue social et au consensus, « Mutti » a incarné ce que les Européens vieillissants réclament le plus : la protection. Sa décision brutale d’abandonner l’énergie nucléaire alors que les chrétiens-démocrates perdaient à cause des « verts » leur fief du Bade-Wurtemberg est une manœuvre qui a porté ses fruits dans les urnes.

La comparaison entre les deux pays n’est pas seulement mortifiante à travers les chiffres, elle l’est aussi à travers le personnel politique. Si on passe en revue les « couples » franco-allemands depuis Adenauer-De Gaulle jusqu’à Merkel-Hollande, on a l’impression que l’Allemand a grandi quand le Français rapetissait. Le premier semble à la tête de l’Europe quand l’autre gesticule dans l’ombre américaine. La chancelière incarne la réussite sereine plébiscitée dans son pays et critiquée seulement dans une Europe du Sud qui paye son laxisme. Le Président exprime notre fatuité nationale : cette présomption qui fait jouer les importants quand on n’en a plus les moyens. Pourtant, le bilan allemand n’est pas entièrement positif. Il repose sur les pieds d’argile de sa démographie. Ses choix énergétiques qui, pour l’instant, accroissent la production de CO2, sont politiquement habiles mais peu responsables à long terme. Les politiques familiale et énergétique sont deux atouts français auxquels notre gauche ne manque pas de s’attaquer. Une vraie droite française devrait développer un projet, qui dans tous les domaines, s’inspirerait de ces réussites fondées sur le courage et la responsabilité. Le « modèle » allemand est loin d’être parfait, mais il n’est pas sûr qu’en le regardant avec les yeux de Chimène, la « droite » française ne confonde pas son bon et son mauvais profil.

Enfin, la CDU-CSU n’aura pas la majorité à elle seule mais devra sans doute s’entendre avec les sociaux-démocrates déjà majoritaires dans les Länder et au Bundesrat. Cette situation aux antipodes du contexte français devrait faire réfléchir l’ensemble de la classe politique française. Les socialistes, notamment ceux qu’inquiète la pression fiscale, devraient s’interroger sur l’océan qui les sépare du réalisme de leurs cousins allemands. Les élus français de tous bords devraient voir que les Allemands, de gauche comme de droite, placent sans le proclamer l’intérêt national avant celui de leur parti. On se souvient de la moquerie de Schröder à propos des 35 heures, « bonne nouvelle… pour l’Allemagne ! » Ils pourront donc s’entendre et les « eurolâtres » de l’UMP continueront d’encenser un pays qui bénéficie d’une monnaie plus faible que ne le serait le mark, tandis que la droite, pas plus que la gauche, n’a encore aujourd’hui la dévaluation pour cacher les conséquences d’une gestion alternant du catastrophique au calamiteux !

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39 Comments

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  • Roncillac , 26 septembre 2013 @ 9 h 32 min

    Pourquoi dit-on que Angèle (parlons français en France) Merkel a gagné haut la main les élections alors qu’elle n’a engrangé QUE 41 % des suffrages ce qui veut dire que 59 % des Allemands l’ont rejetés. À mes yeux il faut être majoritaire, c’est-à-dire la moitié plus 1 pour gagner les élections ce qui n’est pas le cas avec Angèle Merkel qui n’a obtenu que 41 %.

  • Creuxduloup , 26 septembre 2013 @ 9 h 32 min

    C’est vrai que la proportion d’étrangers en Allemagne est impressionnante , mais c’est une immigration choisie et qualifiée, beaucoup de Français, de grecs et d’espagnols.
    Et une société qui exige une intégration . Pas de droit du sol !

  • Otto , 26 septembre 2013 @ 10 h 13 min

    Alors,
    A et B: Rien aurait empêcher la France de réagir avec sa politique monétaire, par exemple dévaloriser le FF. Seule motivation pour Kohl pour l’union monétaire allemande à 1:1 était de s’acheter des élécteurs et une fausse paix sociale. Ne parlez pas d’escroquerie envers de la France. Kohl avait autre chose dans la tête en ce moment que la France.

    C: Ma réponse: “There is no free lunch.” Si vous désindustrialisez un pays (en faisant exploser son niveau de cout du jour au lendemain) et le rendez dépandant de subventions pendant des siècles, expliquez-moi comment cela rend votre économie plus forte.
    Vous pouvez aussi donner des crédits à la Grèce pour qu’elle puisse acheter plein de BMW et Audis avec. Si ces credits ne sont jamais remboursés, expliques moi, comment des cadeaux vous rendent plus riche. (Voilà ce que font nos zélites aujourd’hui.)

    D: Ou est votre argument là dedans?

    E: Pareil.

    F: Possible, que ceci est nécaissaire. (L’union monétaire européenne a été une erreur grandiose. Et j’ai toujours été contre.) Je ne pense toutefois pas, que ceci serait suffisant.

    G: La réunification a été très mal gérée et j’insiste qu’elle représente un cout net très important (pas pour Volkswagen ou Haribo, mais pour la société allemande globale). Je vous accorde, bien sur, que l’accès aux marchés de l’est est un atou considérable. Mais ne parlez pas de “satellites”. Ces pays là ont un sens pour leur souveraineté très prononcé (et à juste titre).

  • V_Parlier , 26 septembre 2013 @ 10 h 16 min

    Exactement.
    Et s’ils résistent pour l’instant économiquement mieux que nous, c’est parce-que le tissu entrepreunarial privé allemand était mieux préparé, spécialisé, et beaucoup moins dépendant de l’actionariat. De là à encenser Merkel qui fait juste à peu près son boulot, il y a un monde.

    Aussi dire que l’Allemagne politique reste plus chrétienne que la France, c’est rêver pas mal. Les mêmes délires para-moraux que chez nous sont en cours.

  • Otto , 26 septembre 2013 @ 10 h 18 min

    Remplacez dans ma réponse les “siècles” par des “décennies”.

  • V_Parlier , 26 septembre 2013 @ 10 h 18 min

    @Charles
    Enfin quelqu’un qui connait son sujet et ne fait pas dans la naïve germanophilie (ni germanophobie) puérile!

  • V_Parlier , 26 septembre 2013 @ 10 h 25 min

    @Otto
    Les ingénieurs, même le privé n’en a plus besoin en France! Ca liquide à tours de bras! On voit que vous non plus vous ne travaillez pas dans l’industrie!
    Vous confondez probalement “ingénieur” avec “manager à distance”, le métier en vogue de l’industrie d’aujourd’hui. Et pour votre information, côté Allemagne on commence à sous traiter pas mal non plus. Ca vient, question de patience… (et ne croyez pas qu’en Allemagne il y ait si peu de taxes que çà. Si on se ramenait au niveau de taxes allemand çà ne casserait pas trois pattes à un canard).

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