La sécurité ou la grande illusion…

Tribune libre de Christian Vanneste*

Il faut apprendre à distinguer dans la pluie d’informations qui obscurcit le jugement les éclairs qui illuminent certains faits d’une émotion médiatique temporaire et les tendances lourdes qui correspondent à une évolution du climat. Il en est ainsi en matière de sécurité : un assassinat de plus en Corse ou à Marseille, un manifeste féministe contre le viol, l’attaque d’un fourgon blindé, ou la disparition d’une jeune femme vont braquer les projecteurs sur un type de délinquance, vont alerter l’opinion sur son augmentation éventuelle et conduire les responsables politiques à annoncer des mesures spécifiques dont les résultats seront rarement apportés avec la précision souhaitable. En revanche, depuis dix ans, chaque début d’année, à l’exception de 2011 peut-être, a permis une conférence d’autosatisfaction gouvernementale sur la baisse de la délinquance. Au-delà de ces faits et de ces apparences, il y a des évolutions et aussi des constances bien réelles.

La délinquance générale baisse. La violence qui l’accompagne est en pleine croissance et va de pair avec une participation de plus en plus importante des mineurs. Trois explications complémentaires peuvent étayer ce constat. D’abord, les chiffres de la délinquance peuvent être aisément tronqués : on peut décourager les plaintes et les réduire à de simples notes inscrites sur la main courante, mais c’est plus difficile quand il y a violence physique contre des personnes. On peut aussi diminuer le nombre des faits qui se rapportent non à des plaintes, mais à l’action de la police ou de la gendarmerie : drogue ou immigration irrégulière. Les investigations peuvent être retardées. Ensuite, en dehors de toute action préventive ou répressive, des progrès techniques rendent un cambriolage, un vol de voiture ou d’autoradio, un « casse » de banque à la Spaggiari plus difficiles et expliquent au contraire les agressions des détenteurs de portable ou les attaques quasiment militaires contre les transports de fonds. Enfin, les mineurs qui, pour certains ne sont plus inhibés mais au contraire encouragés à la violence, par les jeux et les spectacles, sur fond d’effacement d’une discipline enseignée par la famille ou l’école, continuent à être protégés par une justice obsolète et inadaptée.

“Depuis dix ans, chaque début d’année, à l’exception de 2011 peut-être, a permis une conférence d’autosatisfaction gouvernementale sur la baisse de la délinquance.”

Le bilan des dix dernières années peut donc tenir en trois gestes. Le premier sera pour Nicolas Sarkozy, l’illusionniste de génie qui a constamment été sur le devant de la scène : un coup de ce chapeau dont il a failli sortir un lapin pour la deuxième fois. Le karcher et Grenoble, les G.I.R et les peines planchers ont tellement occupé les esprits qu’on ne s’est pas vraiment aperçu que l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie de 2002 était annulée par la mise en place des 35 heures en 2003 et inversée ensuite par la généralisation de la R.G.P.P. Le second traduira l’impatience : Brice Hortefeux disait encore en 2009 tout le bien qu’il pensait des Groupes d’Intervention Régionaux, qui, associant polices judiciaire et des frontières, gendarmerie, douane, services fiscaux, du travail et de l’emploi devaient mettre fin aux trafics qui prospèrent dans certains quartiers. Ils sont passés de 28 à 36. S’y sont ajoutés plusieurs services spécialisés dans la lutte contre la délinquance des cités, les bandes, le « terrain ». Manuel Valls a inauguré son ministère en créant quinze zones de sécurité prioritaires dont le nombre s’accroît régulièrement. La constance des règlements de comptes en Corse, à Marseille ou ailleurs laisse planer quelques doutes sur l’efficacité du bazar, qui devrait fonctionner comme un étau, avec en bas la surveillance des petites mains, facilitée par l’allumage, hélas tardif et timoré de la vidéo-protection, et en haut avec les enquêtes fiscales sur les gros bonnets. Devant la situation stagnante, certains n’hésitent pas à souhaiter la légalisation des drogues dites douces. Cet aveu d’impuissance, au mépris de la santé des personnes et de la santé morale de notre société, est aussi un aveu de connivence, celle des élus qui se disent que des revenus douteux compensent l’absence de travail et permettent de payer les loyers, et comme on l’a vu récemment, celle de policiers qui ont perdu la déontologie exigeante de leur métier.

Il reste un troisième geste qui est celui de la révolte devant l’impuissance et les contradictions de notre politique judiciaire. “Personne connue des services de police », cela signifie individu dont on sait qu’il côtoie la délinquance, qui a été libéré trop rapidement ou qui a été laissé en liberté. La France est un des pays qui consacrent à la justice la plus faible part de dépenses publiques par ailleurs excessives. La Justice est encombrée, manque de moyens, et se trouve de plus en plus ligotée par l’idéologie dominante. Le taux d’incarcération français est de 102/100 000, très inférieur au taux américain de 743 qui correspond à un effondrement de la criminalité dans ce pays, à celui de Singapour de 265 pour un État qui jouit d’une sécurité exemplaire, mais aussi à ceux de l’Espagne (156) ou de l’Italie (111). Certes, il est supérieur à celui de l’Allemagne, mais avec un taux de criminalité lui aussi supérieur. La loi pénitentiaire en privilégiant la gestion hôtelière des prisons, grâce aux libérations anticipées et aux gadgets électroniques a constitué un lourd contre-sens. La dérive la plus grave réside dans l’absence de « réforme structurelle » de la justice des mineurs. Entre 1990 et 2011, la part des mineurs dans la délinquance est passée de 13% à 17,7%, de 7,2% à 15,8% contre les personnes, de 7,1% à 14,5% en matière de stupéfiants, et de 9,1% à 17,3% pour les coups et blessures volontaires. Cette pente ne peut être corrigée que par la remise en cause totale d’une justice « maternante » qui ne correspond ni à l’état de la société, ni à l’âge réel de ceux que l’on continue à tort de prendre pour des enfants.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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8 Comments

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  • petitjean , 25 novembre 2012 @ 18 h 22 min

    la loi pénale de 2009 qui consiste à laisser en liberté des délinquants condamnés par la justice à des peines de prison inférieures ou égales à 2 ans a été voulue par Sarkozy et votée par sa majorité.

    L’avez vous votée ?

  • Gérard , 25 novembre 2012 @ 18 h 57 min

    “Révolte” … OUI ! C’est le mot !
    Quand on voit à quel point des juges, qui sont tombés sur la tête, sapent le travail des policiers qui se défoncent pour RIEN …
    Quand on constate que les violeurs et les assassins sont remis en liberté, alors que les 4 “Identitaires” sont placés en résidence pour avoir eu le culot de manifester calmement contre la pensée unique et considérés comme de dangereux terroristes … !

    Les injustices sont trop nombreuses pour que le BON PEUPLE ne se révolte pas un jour !

    Je ne sais plus qui a dit : “Si l’on m’accusait d’avoir volé les Tours de Notre Dame, je commencerai par me sauver … ” Aujourd’hui, faire confiance à la justice de son pays est une idée dangereuse !

  • Savinien , 26 novembre 2012 @ 7 h 58 min

    C’est curieux, Monsieur Vanneste ne fait aucun lien entre délinquance et immigration.
    Un oubli de sa part, vous croyez ?

  • Enoch , 26 novembre 2012 @ 9 h 20 min

    Ce qui est décrit par Mr Vanneste s’appel la décadence!

    Si les romains ont abandonne leur cher empire, c’est qu’il n’y croyait plus, du sommet a la base, la corruption (idéologique?) des institutions, la transformation cultuelle (christianisation) et culturelle (orientalisation), fut trop importante pour être accepte, compris par l’essence du peuple romain.
    Les nouveaux venus n’acceptèrent pas les us et coutumes, bien que fascines par l’empire, ils le rejetaient et le chérissaient!
    Mais la decadence fut vraiment complète quand les légions ne purent plus preserver la pax romana sur les territoires de l’empire. L’invasion des Huns etant le coup de grace qui montra la faiblesse de l’empire a ces “allies”, ces feodes!
    Ces derniers se retournerent vers son maitre qui l’avait nourrit et lui avait donne la civilisation!

    Lorsque une entite n’est plus maitre sur son territoire, qu’elle ne peut plus faire respecter sa loi, alors nous sommes dans une phase de decomposition de sa structure, une phase de mutation profonde qui amenera NECESSAIREMENT vers un rapport de force VIOLENT!

    Si la France refuse de reprendre en main ces terrtitoires RAPIDEMENT et avoir les moyens de choisir qui s’installe sur son territoire ou non, alors les regles immuables des groupes humains s’appliqueront a cette derniere.
    Son pouvoir politique sera balaye, car imposer sa regle est le permier devoir regalien d’un etat! Si la forme democratique pro-EU est incapable de la faire une autre forme politique se mettra en place par la force des choses!

    Je pense que la crise economique va balayer notre republique et l’UE, elle debouchera inevitablement vers des conflits ethniques et cultuelles en Europe. Les dynamiques existent deja en periode de paix et d’abondance, alors imaginons en periode de disette et de restriction!

    Et je conclurais par ceci, lecteur de NDF, ouvrer les yeux et preparez-vous, nous vivons un virage critique de notre histoire!

  • Marie Genko , 26 novembre 2012 @ 10 h 40 min

    Dans le territoire ruiné et éclaté de l’URSS en 1989 le président Eltsine avait compris qu’il était vital de soutenir l’Eglise et son message d’espoir afin de faire renaître l’âme russe de ses cendres.

    Et son successeur Vladimir Poutine l’a suivi dans cette voie.

    Chez nous en France, sous prétexte de Laïcité, nous sommes bien loin de ce soutien de l’Etat aux confessions chrétiennes.

    Au contraire, on s’efforce de nous imposer des lois inacceptables pour notre Foi!

    Et ensuite on s’étonne de la délinquence, de la violence etc…!

    On a pensé que le système scolaire, et ses merveilleux programmes, suffiraient à intégrer les populations africaines dans la Laïcité républicaine…

    Et voilà que ce sont au contraire ces minorités musulmanes qui font du prosélytisme…!

    Tout cela doit dépasser l’entendement des Athées qui nous gouvernent!

    Lorsqu’Enoch écrit ci-dessus:

    “Lorsque une entite n’est plus maitre sur son territoire, qu’elle ne peut plus faire respecter sa loi, alors nous sommes dans une phase de decomposition de sa structure, une phase de mutation profonde qui amenera NECESSAIREMENT vers un rapport de force VIOLENT!”

    Il est hélas logique qu’il ait raison…?

    La démocratie est le plus souvent la mère de la tyranie….à moins, à moins qu’elle ne comprenne assez tôt ses propres erreurs et en tire la leçon!

    C’est certainement ce que nous pouvons souhaiter à notre pauvre et merveilleux pays!

  • JSG , 26 novembre 2012 @ 11 h 02 min

    C’est excellent, vous avez toute mon admiration.
    Quand je pense que nos laïques à l’esprit étriqué ne savent plus faire référence à des anciens sous le prétexte fallacieux de son origine, on se demande ce qu’ils ont dans la tête et aussi un étage plus bas !
    Espérons que tous ces “démocrates” sans esprit seront virés par dessus bord avant que le bateau sombre !
    Une boutade : s’ils buvaient de la vodka, ça leur ouvrirait peut-être l’esprit ! mon respect au président Eltsine.

    JSG

  • Gérard , 26 novembre 2012 @ 15 h 43 min

    D’accord avec tout le monde !
    Malheureusement il faudrait aussi recadrer certains Evêques vers lesquels le bon peuple catholique se tourne pour garder son âme … car certains ont une fâcheuse tendance à prôner la “collaboration” !

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