Cette austérité qui ne dit pas son nom

Puisqu’on vous dit que la France subit une vague d’austérité, c’est que la France subit une vague d’austérité, et puis c’est tout, il n’y a rien à discuter. Certes, en fait de réduction drastique des dépenses, il semble que, comme les gouvernements précédents, l’actuel se soit mollement (lâchement ?) décidé à n’en diminuer que l’augmentation, mais quand bien même : pour nos administrations (étatique ou territoriales) c’est bien de l’austérité, qu’on vous dit.

Moins d’entretien dans les bâtiments républicains ? Austérité, bien sûr. Pas de renouvellement des matériels hors d’âge dans certains ministères, de préférence régaliens ? Austérité, évidemment. Un seul paquet d’attaches-trombones au lieu de deux ? Austérité, vous dis-je ! Augmentation des comités Théodule, des agences diverses, des postes d’élus planqués, des Commissions fourre-tout et du nombre de personnels émargeant au frais du contribuable ? Austé… Hum. Bon. Bref.

Et alors que se met en place hi hi hi cette vigoureuse reprise en main ho ho ho du budget de l’Etat par un président décidé à tout réformer ha ha ha excusez moi c’est nerveux… Bref, alors que se décident ces micro-ajustements budgétaires rigolos, on apprend la sortie d’une dernière saillie drolatique de Terra-Nova, ce think-tank blindé socialiste dont les chenilles roulent délicatement sur le bon sens et les valeurs sociétales pour apporter à coups de canons idéologiques de belles idées partageuses.

Pour nos fins penseurs, il devient indispensable de manger « moins et mieux ». C’est en tout cas ce qu’ils espèrent nous faire penser et ce qu’un article de France24 tente de nous vendre au détour de petits paragraphes condensés comme un repas macrobiotique.

L’idée générale est donc, en substance, que la consommation de viande est de plus en plus un risque sanitaire et environnemental et qu’en conséquence, il faut se préparer, dès à présent, à voir de moins en moins de cette denrée dans les assiettes françaises. Pour le think-tank, pas de doute : la lutte contre le méchant dioxyde de carbone, le vilain réchauffement, l’abominable pollution et l’affreux capitalisme exploiteur de vaches, veaux, cochons, couvées et petits lapins tout mignons impose à tous une drastique réduction de la protéine animale. Et puis c’est bon pour la Nature, et puis c’est bon pour la santé, et puis c’est bon pour le portefeuille.

Oui. Surtout le portefeuille, si l’on comprend que cette nouvelle idée porte en elle le germe malin d’une excuse pratique pour camoufler l’appauvrissement des Français. Eh oui : peu importe finalement que le repas de la cantine constitue pour beaucoup d’enfants de familles françaises l’un des rares repas chaud, équilibré et carné qu’ils auront l’occasion de manger ! Remplaçons l’un ou l’autre repas par une bonne grosse poignée de légumes habilement choisis pour ne contenir aucun gras, aucun sel, aucun sucre, aucune protéine et gageons que nos enfants, nos ados puis nos adultes trouveront ça génial. D’ailleurs, l’arrivée de la viande partout dans nos assiettes au cours du 20ème siècle a été suffisamment longtemps combattu pour comprendre qu’avec ce que propose ici Terra-Nova, la fin du tunnel carné est bientôt visible.

Et donc, on ne fera pas passer cette disparition progressive de la viande des assiettes sur le compte d’un petit passage à vide, pas plus qu’on expliquera que c’est finalement pour le bien de nos compatriotes puisqu’en face des ponctions invraisemblables et des vexations taxatoires inouïes, les Français auront droit à des services publics à la pointe de la pointe et une solidarité si abondante qu’on pourra s’y laisser tremper de haut en bas avec délice. Non. On n’aura même pas besoin de dire qu’il y a une difficulté et que si on ne trouve pas de viande dans l’assiette, c’est parce que, budgétairement, ça ne le fait pas et que c’est simplement devenu inabordable.

On choisira bien plus sûrement l’explication à la mode : on vous prive pour des raisons é co lo gi ques, pardi ! Et vous vous priverez, comme des grands, parce que c’est écolos, youpi. Bien sûr, votre portefeuille et votre compte en banque savent qu’en pratique, à force de payer partout pour tout le monde et les autres, il n’y a plus une thune pour avoir une vraie assiette pleine ou que la viande devient de toute façon trop chère. Votre logique sait que cet appauvrissement n’est en rien dû à une décision consciente de « réduire la facture environnementale » de votre coup de fourchette. Et tout le monde sait à quel point sont bidons les raisons affichées (la « transition alimentaire », une meilleure adéquation avec les nombreux « impératifs sanitaires, environnementaux et économiques » soudainement vitaux pour le gouvernement et ses absurdes think-tanks satellites).

Mais comme la doxa du moment est câlinement écolo, délicieusement environnementale et onctueusement en phase avec Gaïa, vous voilà avec une solide raison à jeter à la face de ceux qui trouveraient votre mode de vie de plus en plus chiche :

Eh non, mon petit lascar, je ne suis pas pauvre, je suis éco-conscient ! Je ne crève pas la dalle, j’ai fait des choix raisonnés de syntonisation de mon régime alimentaire avec la Nature autour de moi ! Si je ne mange pas de viande, ce n’est pas parce qu’elle est devenue inabordable, surtaxée, et moi sous-payé, que nenni ! C’est plutôt parce que c’est méchant pour les animaux, mauvais pour la santé (pensez donc, ça provoque à coup sûr ou presque des cancers de l’anus, du colon, des intestins et des cheveux aussi pour faire bonne mesure) et surtout, surtout, surtout, c’est parce que je suis en pleine transition alimentaire (c)(tm) Terra Nova.

Les abrutissantes niaiseries de Terra Nova — et de ces think-tanks et associations lucratives sans but de même acabit — ne sont malheureusement pas seulement des niaiseries abrutissantes. Ce sont aussi des moyens, souvent exploratoires et parfois prémonitoires de ce que seront, plus tard, les grandes politiques gouvernementales. On se souvient par exemple des idées lumineuses concernant le loyer fictif des propriétaires ou la taxe croissante sur la propriété non bâtie (afin de punir le propriétaire).

Ici, les délires de « transition alimentaire » vers les bouchées microdosées permettront de camoufler l’appauvrissement subi par les populations sous le joug d’un État ponctionnaire faisant ainsi passer les repas trop petits pour des améliorations du niveau de vie, transformant la disparition de la viande dans les assiettes en hygiène nécessaire de l’homme moderne et faisant surtout passer des vessies pour des lanternes.

Et lorsqu’après tout, les vibrants appels du gouvernement à manger de l’herbe et du fourrage en lieu et place de plats traditionnels ne trouveront pas suffisamment d’écho dans nos cantines, restaurants et guinguettes nationales (on se demandera même pourquoi), parions que les envies de pénal prendront le dessus pour que soient enfin mesuré, par des administrations désignées, ce que vous avez effectivement dans votre assiette et qu’enfin soit mis un terme à cette opulence coupable.

Pour une contrée qui fut, jadis, celle de la meilleure nourriture du monde, le trajet emprunté n’inspire qu’une conclusion : ce pays est foutu.

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