Opinion de Mgr André Léonard, ancien archevêque de Bruxelles, sur la question de l’accès des divorcés remariés à la communion

Lu dans le courrier des lecteurs de La Croix du 24 avril 2019 :

“L’article du 8 avril, « Le long retour des divorcés remariés aux sacrements » me remplit d’appréhension. Et je ne suis pas le seul. On y rappelle que, dans Amoris laetitia, le pape ne veut pas changer la doctrine multiséculaire de l’Église catholique. Fort bien ! Celle-ci enseigne que, pour des chrétiens catholiques, l’intimité conjugale n’a son sens vrai qu’entre un homme et une femme unis « dans le Seigneur » par un mariage sacramentel valide. Dès lors, communier à ce sacrement de l’alliance nouvelle et éternelle qu’est l’Eucharistie, alors que, sur le plan conjugal, on n’est pas unis par cet autre sacrement de l’alliance qu’est le mariage, n’est pas cohérent. C’est pourquoi le Magistère de l’Église – que le pape ne veut ni ne peut changer – enseigne, en fidélité à l’Évangile (cf. Mc 10, 1-12), que, dans cette situation, le Seigneur invite les divorcés remariés, s’ils ne peuvent se séparer, soit à vivre dans la chasteté, soit à s’abstenir de la communion sacramentelle lors de la messe. Durant les 28 années de mon ministère épiscopal, j’ai admiré ces personnes, nombreuses, qui vivent cela et les ai encouragées lors de mes multiples journées de récollections vécues avec des divorcés remariés, mais aussi quand elles se présentent, lors de la messe, bras croisés sur la poitrine, signifiant par là qu’elles ne communieront pas sacramentellement. Je les bénis alors, en leur disant : « Que le Seigneur te bénisse et te fasse goûter toute la douceur de son amour pour toi ! » Quelques larmes coulent parfois. Les miennes aussi… Tant il est clair que le Seigneur comble de grâces le creux douloureux de leur désir. Elles sont sur un chemin de conversion qui portera du fruit en son temps. Peut-être même « communient-elles » au Seigneur, en ce moment, mieux que des personnes « en règle » qui reçoivent distraitement l’hostie… Donc, le pape ne veut pas changer la doctrine de l’Église. Le problème est qu’il a confessé un jour dans une interview : « Io sono un po furbo ! » : « Je suis un peu rusé… » Il est, effectivement, un maître dans l’art de dire, gentiment, à la fois « oui » et « non » ! Montrons-nous donc rusés, nous aussi, en le prenant gentiment au mot. Donc en ne changeant pas la doctrine, mais (et c’était sans doute l’intention profonde d’Amoris laetitia) en la vivant avec un infini respect des personnes et beaucoup de tendresse. Et sans jamais démobiliser les divorcés remariés qui mettent déjà courageusement en pratique cette doctrine. Sans ce courage de la vérité, nous déboucherons immanquablement sur une confusion généralisée. Elle ira dans tous les sens, surtout les moins bons. La plupart des médias en ont d’ailleurs déjà anticipé la conclusion. Pour eux, il est désormais évident que, selon l’Église catholique, le remariage après un divorce civil, alors que l’un des deux conjoints ou les deux sont encore unis avec une autre personne par un mariage sacramentel valide, n’est plus un problème majeur. Il suffit d’avoir suivi avec sérieux un itinéraire soigné de discernement. Si cette évolution devait se vérifier, l’Église aurait ainsi aligné sa conception du mariage sur celle de la société civile. Mais l’Esprit Saint ne le permettra pas. Des prophètes se lèveront, notamment parmi les jeunes catholiques.

André Léonard (Archevêque émérite de Bruxelles)”

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2 Comments

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  • balaninu , 26 avril 2019 @ 12 h 49 min

    Merci Monseigneur ! voilà qui rassure. Effectivement, une communion spirituelle a toute sa légitimité ! Est-ce Sainte Catherine de Sienne ou une autre grande Sainte ? communiait spirituellement en plus des communions sacramentelles.
    Le Seigneur un jour lui présenta ses communions spirituelles et sacramentelles. Les Unes en Argent, les Autres en Or.
    Donc aux yeux de Dieu les communions spirituelles sont aussi importantes que les communions sacramentelles…

  • BMN , 26 avril 2019 @ 13 h 30 min

    voilà une vision très juste et catholique, alliant les inséparables justice et miséricorde ; on comprend pourquoi les ennemis de Mgr Léonard ont réussi à ce qu’il ne devienne pas cardinal.

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