L’âge ne fait rien à l’affaire…

Comme Brassens le chantait,  » Le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con ». Les jeunes blancs becs tout juste sortis de l’oeuf qui ont eux-mêmes pondu le rapport au Ministre de la ville, des sports et de la jeunesse préconisant l’inéligibilité au-delà de 70 ans auraient dû prendre le temps d’écouter la chanson avant d’écrire des bêtises. Le temps ne fait rien à l’affaire. Reagan, l’un des plus grands présidents américains pour avoir redressé son pays et gagné la guerre froide contre l’URSS a été élu à 69 ans et réélu à 73. Il avait malicieusement répondu à son concurrent démocrate lors d’un débat qui précéda sa réélection :  » Je n’exploiterais pas pour des raisons politiques, la jeunesse et l’inexpérience de mon opposant ».

De manière générale, l’âge n’a pas les mêmes effets sur les personnes. En 2001, la télévision publique produisait un film consacré à Fontenelle, qui vécut un siècle et demeura l’un des meilleurs esprits de « son » temps jusqu’à sa mort.  Michel Serrault, âgé alors de 72 ans interprétait le personnage habité par un dernier, et peut-être premier, amour à 94 ans ! En politique, comme dans les autres domaines, il y a des précoces et des tardifs. Il y a aussi des durables, dont le secret consiste à maintenir leur curiosité éveillée, leur esprit en alerte. J’ai eu le privilège de bien connaître l’un d’eux, Maurice Schumann, né en 1911 et qui nous quitta en 1998. Ses interventions sur le budget du Conseil Régional étaient toujours d’une construction et d’une précision remarquables. C’était un orateur, sans notes, que les responsables du parti auquel nous appartenions, le RPR, évitaient de faire parler juste avant eux de peur de souffrir de la comparaison. Il avait alors plus de 75 ans et agaçait tous ceux dont il frustrait l’ambition. Son humour très britannique lui avait fait me dire à la suite d’un accident : « cela aurait fait trois heureux : un sénateur, un conseiller régional, et un immortel ». Européen convaincu, mais gaulliste fidèle et lucide, il avait perçu la dérive de l’Europe et su y résister, quand le troupeau des arrivistes serviles s’y précipitait. Il avait eu le courage de combattre Maastricht.

De Gaulle n’a pas commencé une carrière de dictateur à 67 ans. Néron et Caligula avaient achevé celle de tyran autour de leur trentième année, Staline, Hitler, Franco et Salazar inauguré leur dictature autour de leurs 44 ans. Les quarantièmes seraient-ils à ce point dangereux aussi en politique qu’il faille les interdire à l’élection ? Saloth Sâr, plus connu comme Pol Pot, avait 48 ans lorsqu’il perpétra un génocide sur son propre peuple cambodgien. Manifestement, la bonne gouvernance est fondée sur d’autres critères que l’âge des gouvernants. Combien de bêtises commises par des politiciens précoces, incultes et inexpérimentés, et combien de redressements opérés par des hommes que la vigueur conservée de leurs opinions alliée à la richesse de leur expérience rendaient capables de ces miracles ? Antoine Pinay, clairement homme de droite, avait 61 ans lorsque Président du Conseil, il lança avec son emprunt la meilleure politique économique de la IVe République. Il revint aux côtés du Général de Gaulle, à 67 ans, pour accompagner le redressement opéré par la Ve avec une dévaluation, un nouveau franc et un nouvel emprunt. Un homme d’expérience suscite davantage la confiance, essentielle pour l’économie, que les jeunes chiens fous carriéristes, qu’ils aient été, ou non, ministres de l’Intérieur avant de commettre leurs frasques. En 1931, un certain Pierre Laval, homme de gauche, maire d’Aubervilliers, mais avant tout opportuniste et assoiffé de pouvoir, avait à 48 ans mis en place la pire politique économique, fondée notamment sur une déflation qui a étranglé notre production au pire moment de notre histoire.

Certes, il faut débarrasser la politique des « professionnels » qui l’encombrent et y font carrière. Ceux-ci se trouvent avant tout dans les pépinières des cabinets ministériels et les couveuses de tous les pouvoirs. Ce sont eux qui piaffent. Qu’apportent-ils ? Un grand talent en manipulation de l’opinion et en manoeuvres dans les coulisses et les antichambres, aucune vraie compétence ! Pour nous en défaire, il faudrait prendre d’autres mesures que la censure de l’âge. Il faudrait, par exemple, exiger que tout candidat à une élection ait exercé une vraie profession, étrangère à la politique, que tout candidat à la représentation nationale ait rempli auparavant un mandat local, et que tout cumul soit rigoureusement exclu. Dans ces conditions, les électeurs pourront choisir. Or ces électeurs sont de plus en plus nombreux à vivre en excellente santé au-delà de 70 ans. Il serait paradoxal et contraire à la démocratie de leur interdire d’être représentés.

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11 Comments

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  • Yves Tarantik , 29 juin 2015 @ 8 h 38 min

    C’est la culture de toute une génération (Mitterrand ?)
    Les jeunes qui savent et les vieux cons inutiles.
    Vive le changement (Les communistes préconisaient aussi la tabula rasa)
    on a vu ce que ça a donné !

  • Faustine , 29 juin 2015 @ 11 h 52 min

    Jehanne (la Pucelle), en effet, n’avait que 17 ans, et “la petite” Thérèse – Docteur de l’Église – est morte à 24 ans…
    L’âge en effet ne fait rien à l’affaire. Et il ne faut pas plus sacraliser le jeunisme que le gérontisme !
    Quand on est con, on est con… et quand on ne l’est pas – jeune ou vieux -, on ne l’est pas !
    Ne tombons pas d’un travers dans l’autre.

  • marcS , 29 juin 2015 @ 17 h 08 min

    Comme dirait une certaine Mère Denis “comme c’est bien vrai tout cela ….”

  • Pascal , 29 juin 2015 @ 20 h 50 min

    « L’âge ne fait rien à l’affaire…quand on est con on est con ».

    C’est vrai quand on est con, mais si on ne l’est pas il y a des âges plus ou moins propices. On peut être un mathématicien de génie à moins de 20 ans, c’est plus difficile à un âge plus avancé. Pour un philosophe c’est l’inverse, c’est à partir d’un certain âge que l’on donne le meilleur.

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