Le bac dans une pochette surprise

Tribune libre de Robert Ménard*

Je réagis avec retard mais le chiffre m’a fait bondir. Malgré une légère baisse de reçus cette année, ils sont 77,5% d’une génération à se retrouver avec le bac en poche. Un record ! Du jamais vu ! Enfin, on atteint les objectifs fixés par Jean-Pierre Chevènement, du temps où il était ministre de l’Éducation nationale. Et chacun d’applaudir, de se congratuler, de se taper dans le dos.

Je suis personnellement consterné. Qui peut croire que 77,5 % – plus des trois quarts – des jeunes d’une même classe d’âge ont le niveau de ce qu’on peut attendre d’un bachelier ? Qui peut prendre au sérieux une telle « performance » ? C’est vrai, tout est fait pour que chacun puisse se vanter d’avoir le bac. On a inventé une version « professionnelle » dont chacun sait ce qu’elle vaut. Même les filières « classiques » ne sont pas à l’abri de cette tromperie sur la marchandise. On incite les profs à relever les notes. On multiplie les fameuses « options » qui expliquent, entre autres, l’inflation des mentions. Sans elles, un quart des mentions « très bien » en S ne seraient pas décernées… Mais que voulez-vous, si ça fait plaisir à nos chères têtes blondes et à leurs profs qui ne vont quand même pas s’emmerder à leur enseigner l’orthographe… Les langues étrangères : 57 au programme ! Dont 13 ont été présentées l’an dernier par moins de 20 élèves dans toute la France… comme le swahili ou le haoussa. Des sports dont j’ignorais jusqu’à l’existence, comme le « pentabond », sont pratiqués – et donc notés. Je vous rassure, on n’a pas oublié la boule lyonnaise. Ne manque plus que la pétanque.

Et que nous proposent certains ? Un contrôle continu. Pourquoi ne pas supprimer les interros et les remplacer par des ateliers, des exposés en commun ? On pourra ainsi atteindre 100% de reçus. Qu’importe, tout le monde est content. Les parents d’élèves sont rassurés, les lycéens confortés dans leur ignorance et les profs chouchoutés : il ne s’agirait pas de bousculer les habitudes de ce petit monde. Que seulement 15% des fils d’ouvriers obtiennent le bac, on ne va quand même pas s’en soucier…

PS : Que ces députés sont minables ! Toute une partie des parlementaires de droite – Pierre Lellouche en tête – a boudé le discours du président tunisien Moncef Marzouki à la tribune de l’Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que la situation en Tunisie n’est pas « stabilisée » selon le député UMP de Paris. Et alors ? Raison de plus de témoigner nos encouragements à ce défenseur acharné de la démocratie. Que je sache, les Tunisiens se sont débarrassés du sinistre Ben Ali sans rien nous demander. Qu’on se méfie des interventions militaires menées officiellement au nom de la démocratie et des libertés, bien sûr. Mais en l’occurrence, ce n’est pas le cas… Tant qu’ils y sont, ces parlementaires pourraient élever une statue à Michèle Alliot-Marie, accusée – sûrement à tort selon eux… – d’avoir fricoté avec le regretté dictateur tunisien.

*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières.

> Son blog : robertmenard.fr

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